Présidentielle 2011. Paul Biya a-t-il intérêt à se présenter en 2011 ?

Le Jour Mercredi le 09 Février 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
La réponse d’un analyste politique, par ailleurs militant du Rdpc, le parti au pouvoir

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La question du pourquoi renvoie à quatre interrogations : le Président sortant sera-t-il candidat à cette élection ? A-t-il intérêt à se (re)présenter ? Pourra t-il gagner ? Est-ce opportun pour le Cameroun ?

Si ces questionnements paraissent simples à énoncer, ils ne suscitent pour autant pas de réponses évidentes, car elles renvoient pour l’essentiel à la seule décision de Paul Biya lui-même, agissant en son âme et conscience.

L’observateur attentif pourrait cependant, au regard de quelques actes et propos de l’intéressé et de certains hauts dirigeants de notre pays, s’aventurer à considérer que le locataire du Palais d’Etoudi est sur le starting-block pour compétir en vue du renouvellement de son mandat en octobre prochain. Les indications de manière non exhaustive en sont : la levée en 2008 de la limitation des mandats ; les nombreuses motions du Rdpc ; l’Appel du peuple en trois volumes, l’amitié nouée avec le leader de l’opposition ; la prestation présidentielle au Comice d’Ebolowa ... A mon humble avis, - bien que n’ayant pas souscrit à l’Appel à la candidature comme mes autres camarades du parti, car j’estime que se présenter à une élection majeure est avant et après tout une décision individuelle, assise sur une conviction et une motivation personnelles – Paul Biya n’aurait pas tort d’accepter l’invite de ses partisans à se représenter pour briguer un nouveau mandat. Il a en effet des atouts indéniables : l’expérience, il dispose d’un appareil politique (Rdpc) aguerri, l’opposition n’est pas au mieux de sa forme, les grands projets devant soutenir la relance économique se mettent en place, l’opération épervier révèle sa capacité d’auto mortification et de métamorphose. Surtout, la maîtrise des velléités de contestation de son pouvoir à l’intérieur de son propre système a réduit les possibilités d’une alternative au sein de l’oligarchie régnante sans sa bénédiction.

Par ailleurs, le Rdpc au pouvoir ou proche de pouvoir, évoluant en zone d’incertitudes au regard de ses contre performances, notamment économiques et des nombreuses dissensions qui ébranlent depuis quelques temps la sérénité dans ses rangs, est désormais résolument chevillé à son Chef, dont le charisme et la centralité de la position à la tête de l’Etat lui confèrent, en rente de situation, des ressources pour continuer à exister et dominer le champ politique camerounais, en dépit de la réelle concurrence que lui livrent les partis d’opposition. L’article 27 des statuts du parti constitue à cet égard un dispositif stratégique essentiel.

La fidélisation de quelques alliances, de type personnel, (Undp ; Upc) conclues au fort des confrontations de type guerrier des années 1992, continue à assurer malgré tout à Paul Biya un soutien électoral non négligeable. Les statistiques électorales crédibles établissent que ces deux partis représentent au moins 800 000 voix cumulées. Ce qui, dans un scrutin présidentiel à un tour est considérable.
Enfin, la tendance à la multiplication des candidatures – dont certaines sont déjà déclarées -
à la prochaine élection favorise l’émiettement des voix et devrait théoriquement profiter au candidat du parti dominant et ses alliés.

Il apparaît somme toute que Paul Biya, manifestement candidat en 2011, y a d’ailleurs intérêt, parce que ses chances de gagner sont réelles. Pour la personne même c’est l’idéal, mais est-ce pour autant souhaitable pour notre pays ? Le simple fait de se poser cette question, pour un cadre du Rdpc, paraît hérétique, donc à la limite répréhensible. Il serait pourtant illusoire voire chimérique d’occulter cette interrogation qui hante, j’en suis sûr l’esprit de certains camerounais en ce moment, au vu des évolutions socio-politiques de certains pays du monde, pas très éloignés de nous. Il convient pour cela de toujours garder à l’esprit que le Président Paul Biya en 2011, âgé de 78 ans, aura cumulé 29 ans à la tête de l’Etat, et se présentera pour un mandat de 7 ans. Au même moment, la population du Cameroun, évaluée à 20 millions d’âmes, est composée de près de 60% de jeunes âgés de moins de 25 ans. Le gouvernement moderne étant aussi une affaire de générations et de goût, la prochaine mandature envisagée, plus que les précédentes, ne sera pas facile à conquérir, à gérer et à maîtriser. Ce qui conduit inéluctablement à poser la deuxième grande question du comment avec Paul Biya en 2011.

Ici interviennent à mon sens, au-delà des motivations personnelles, la substance, le bien fondé, et l’importance de la reconduction programmée du Président actuel dans ses fonctions. En quelques sorte, les raisons qui devraient pousser les camerounais à lui renouveler une nième fois leur confiance. C’est le programme politique qui est ici concerné. Le projet initial du Renouveau a montré ses limites, à savoir : son incapacité, pour diverses raisons objectives et subjectives à produire le progrès économique et social promis dès 1982. La faillite des élites Rdpc a vidé les concepts de rigueur et moralisation de leur réelle portée. La démocratie, mal assimilée par notre parti au pouvoir, génère exclusion, domination, perversion sociale et le retour à l’autoritarisme.

Le défit du prochain mandat présidentiel pour Paul Biya sera donc de réinventer un autre Cameroun, le mettre sur le chemin du progrès, et le propulser vers le troisième millénaire sous le sceau de la modernité. Il faudrait pour cela concevoir un nouveau Projet politique articulé, de mon point de vue autour de trois axes principaux suivants.

a) Réinstaurer les valeurs morales. La crise des valeurs morales a atteint un point critique dans notre pays. La prévarication ; la débauche ; le gangstérisme ; la perversité ; le parasitisme ; la félonie, et tous les autres maux imaginables ont fini de miner la société camerounaise jusqu’aux souches sociales de base que sont les familles. Aucune nation digne de ce nom n’a jamais émergé à l’échelle de l’humanité à partir des dédales nauséabonds de l’incurie et de la misère mentale. Un réarmement moral, conçu et appliqué avec vigueur comme œuvre de salut public est un impératif absolu pour tout dirigeant soucieux de l’avenir de ce pays. Il faut prescrire des normes de bonnes conduites sociales, veiller à leur vulgarisation et à sanctionner systématiquement et imparablement toute forme de déviation ou de manquement.

b) Eradiquer la pauvreté. Il n’y a pas de dignité pour quelqu’un qui a faim. Comment comprendre que dans un pays riche, béni de Dieu, que les populations connaissent la pauvreté ? Pendant plus de 25 ans, les camerounais ont vécu de privations. Ils ont attaché la ceinture et retroussé les manches comme le leur a demandé le Président en 1987. Malheureusement, l’on ne voit pas les fruits des énormes sacrifices consentis par le peuple. Du Plan d’Ajustement au DCSE en passant pars divers programmes de réduction de la pauvreté, la misère matérielle s’aggrave : pénurie alimentaire ; non accès à l’eau et à l’électricité ; pas de couverture sanitaire etc…) Pendant ce temps, un minorité continue à piller la fortune publique. Tout cela est devenu insupportable. Aucun délai supplémentaire n’est plus admissible pour la solution de ces problèmes vitaux . Il faut tout de suite se mettre au travail pour restituer la dignité et la fierté des camerounais. Il faut permettre à chacun de vivre son rêve. Cela suppose qu’à partir de maintenant, la priorité doit être donnée à nourrir les populations, leur permettre de se soigner, d’avoir de l’eau et de l’électricité, signes de modernité à portée de main. Ce sont des réalisations à conduire en marge des grands projets structurants dont on parle tant, mais qui ne verront le jour que dans le moyen terme.

c) Réaliser la réconciliation politique. Le multipartisme né en 1991 à partir de l’ancien parti unique s’est implanté dans un climat conflictuel dominé par la violence, la haine, la stigmatisation, l’exclusion, la diabolisation. Toute chose ayant contribué à dresser les camerounais les uns contre les autres, en sacrifiant malheureusement l’intérêt national. Cette violence semble même historiquement caractériser l’évolution politique de notre pays depuis l’époque allemande. Je constate pour ma part qu’en ce moment, le pays va mal et c’est le Président qui est le premier à dénoncer cet état de chose. Dans ces conditions, tout comme une famille éprouvée, en difficulté, le Cameroun a besoin de tous ses fils à son chevet. La délectation des uns (opposants) sur les misères de notre pays qu’ils imputent au Rdpc est cynique et antipatriotique. Tout comme l’égocentrisme des autres (au pouvoir) qui, ne percevant l’évolution du pays que sous le prisme déformant de leur position personnelle et clament que tout va bien est irresponsable et puéril. Le Président, en tant que chef de famille, soucieux du bien être de tous, lui qui fustige l’inertie et le manque de créativité et l’incapacité de ses collaborateurs à produire les résultats attendus par le peuple, au point de se demander en 2008 qu ’avons-nous faits de nos promesses…devrait ici et maintenant tirer les conséquences de l’échec catastrophique de l’élite (Rdpc) au pouvoir. Il faut donc rechercher et faire appel à tous les camerounais de bonne volonté et disponibles, toutes sensibilités confondues, et les associer à la gestion du pays à divers degrés. Pas forcement dans le gouvernement, certains pourraient piloter des entreprises publiques, diriger des grands projets, réaliser des études ; animer des commissions de reformes, effectuer des missions ponctuelles de représentation du Cameroun à l’étranger dans divers forums où se discute l’avenir de l’humanité. A l’intérieur du système, associer aussi certaines personnalités ayant fait leurs preuves dans la bonne conduite des affaires de l’Etat. C’est une alchimie difficile, mais nécessaire pour préparer et donner les gages d’une transition politique harmonieuse lorsque l’actuel Chef de l’Etat viendra à partir. Cela pourrait paraître suicidaire pour le Rdpc, mais, en tant que parti de rassemblement qui s’est fixé pour objectif l’intégration nationale et le progrès économique et social du Cameroun, c’est son carmant dont viendra son salut, au risque de s’exposer à ce qui arrive aux partis au pouvoir en Tunisie et en Egypte. Car, disait un sage, « qui refuse la vérité s’expose à la dictature des faits ».

En conséquence de ce qui précède, a la question 2011 avec Paul Biya, est-ce souhaitable pour le Cameroun ? je réponds que nul n’a intérêt à ce que l’actuel Président sorte par la petite porte et soit humilié de quelque manière que ce soit. Dans nos traditions, on ne bannit pas les patriarches, quoi qu’ils aient fait, leur éventuel procès manquant souvent de juges expérimentés. Par ailleurs, après André Marie Mbida et Ahidjo qui ont connu la déchéance, nous devons sauver Paul Biya pour la grandeur et l’honneur de notre pays. Sauver le Cameroun en sauvant Paul Biya est une nécessité historique qui doit mobiliser tous les patriotes, soucieux de ne pas exposer notre beau pays à l’aventure, mal inspirée par les soubresauts actuels de certains pays de notre continent.

Pour cela, il faut que Paul Biya assume sa part, qu’il appuie ceux engagés à le soutenir, en créant les conditions d’une saine participation de tous : il faut qu’il accepte d’ouvrir le système et permettre le renouvellement des élites. Le Cameroun n’est pas la propriété de quelques uns, éligibles de pères en fils à la gloire et aux privilèges de la nation. C’est un défi, homérique, mais inévitable.


Roger Sombaye Koatadiba
Administrateur civil principal

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