Cameroun - Politique. Cinquantenaire de l’Ua : L’héritage d’Ahmadou Ahidjo en fumée

Boris BERTOLT | Mutations Vendredi le 31 Mai 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Membre fondateur de l’Oua, devenue Ua, le Cameroun sous Paul Biya n’a pas su sauvegarder son prestige et sa puissance diplomatique.

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Paul Biya, chef de l’Etat du Cameroun, n’a pas fait le déplacement d’Addis-Abeba la capitale éthiopienne, où de nombreuses délégations de chefs d’Etats africains et étrangers ont célébré samedi dernier le cinquantenaire de l’Unité africaine. Si le chef de l’Etat camerounais est réputé n’être pas un très grand admirateur des sommets de l’organisation panafricaine, cette posture de Paul Biya ne colle pas avec l’image du Cameroun, qui est membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), ancêtre de l’Union africaine. En effet, lorsqu’au sortir des indépendances, le débat sur l’unité africaine oppose le groupe de Casablanca (Ghana, Maroc, Algérie, Egypte, Guinée Conakry), partisans du fédéralisme au Groupe de Monrovia (regroupant les autres pays du continent) régulièrement qualifié de progressistes ou étapistes (partisans de l’intégration par étapes), Ahmadou Ahidjo, président de la République du Cameroun depuis le 1er janvier 1960, décide de rejoindre le groupe de Monrovia dans lequel se retrouve également Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire et Nanzi Azikiwé du Nigéria. Ahidjo tient à souligner que l’intégration de l’Afrique passera d’abord par les communautés sous-régionales. Une idée qui l’oppose vigoureusement à Kwame Nkrumah qui souhaite avant toute chose, la mise sur pieds d’un Etat fédéral africain, préalable à l’indépendance totale du continent.

Au plus fort de l’opposition entre le groupe de Casablanca et celui de Monrovia, Hailé Selassié, empereur d’Ethiopie, convoque à Addis-Abeba du 23 au 25 mai 1963 une conférence des chefs d’Etats africains. Lorsque Ahmadou Ahidjo s’y rend, il ne sait pas ce qui en sortira. Le 25 mai 1963, l’Organisation de l’unité africaine (Oua) est créée. Parmi les principes qui y seront sont édictés figurent : le respect des frontières héritées de la colonisation, le respect de la souveraineté des Etats, la non ingérence dans les affaires des Etats et comme principal objectif, la lutte pour la libération du continent. De 1963 à 1982, Ahidjo s’emploie à affirmer la diplomatie camerounaise sur l’échiquier continental et au sein de l’Oua. Au cours d’une conférence des ambassadeurs (une tradition presque inexistante au Cameroun) qu’il convoque, il leur demande de « soutenir sans réserve la lutte de libération des peuples africains contre le colonialisme et l’oppression de l’apartheid, sous l’égide de l’Oua ». En tant que membre fondateur, le Cameroun sera chargé en septembre 1969, de présenter le « Manifeste de Lusaka » sur l’Afrique australe au nom de l’Afrique du haut de la tribune des Nations Unies. L’Anc voulait à l’actuelle Afrique du Sud l’appellation d’Azanie à celle de l’Afrique du Sud, afin d’effacer toutes traces du colonialisme et de l’apartheid). Ce document clamait fort l’indépendance des l’Azanie.

Dès 1972, le Cameroun est membre actif du Comité de libération de l’Oua au sein duquel il apporte une contribution à la lutte contre la domination coloniale en Afrique. De l’Angola à l’Afrique du Sud en passant par la Rhodésie (Zimbabwe) et la Namibie, la diplomatie camerounaise apporte un appui inconditionnel aux mouvements de libération reconnus par l’Oua et combattus par les régimes coloniaux racistes (Mpla, Anc, Swapo, etc.). Les passeports camerounais interdisent à leurs titulaires de voyager dans les pays racistes d’Afrique australe, et le Cameroun milite non seulement en faveur des sanctions internationales contre ces pays, mais également pour un soutien accru aux mouvements de libération nationale qui les combattent. Une posture diplomatique conforme à celle édictée par l’Oua. Yaoundé fustige la politique des bantoustans mise en œuvre dans le cadre de l’apartheid en Afrique du Sud et adhère aux principaux instruments juridiques internationaux adoptés dans le cadre onusien qui condamnent toutes les formes de discrimination raciale en Afrique australe, notamment à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, la convention internationale contre l’apartheid dans les sports ou la Convention de l’Oua sur l’élimination du mercenariat en Afrique.

Dans le même temps, et compte tenu de la puissance diplomatique du Cameroun au sein de l’organisation panafricaine, Ahmadou Ahidjo, réussit un l’exploit historique d’imposer successivement deux diplo mates camerounais à la tête de l’organisation panafricaine. D’abord Nzo Ekangaki qui succède au Guinéen Diallo Telli à la tête du Secrétariat Général administratif de l’Oua (1972-1974). Eclaboussé par un scandale dit de Lonrho (il a mené des négociations commerciales avec une firme rhodésienne, Lonrho, (London Rhodesian Mining Land Compagny) alors que le pays était sous embargo), il est remplacé par William Eteki Mboumoua (1974-1978). Lorsque Ahidjo cède le pouvoir à Paul Biya, le 6 novembre 1982, le Cameroun, membre fondateur de l’Oua est rayonnant sur la scène continentale, dont il a contribué à la libération de nombreux Etats sous domination coloniale à l’instar de l’Angola et du Zimbabwé. Très vite, il va prendre le contre-pied diplomatique de son prédécesseur. En 1971, l’ancien président a été membre de la mission des sages de l’Oua chargée de mener une médiation de paix entre Israël et les pays arabes qui s’est soldée par un échec. Il a par la suite, et par solidarité avec l’Afrique rompu les relations diplomatiques du Cameroun avec Israël. A la suite du coup d’Etat du 6 avril 1984, Paul Biya renoue avec Israël.

Le chef de l’Etat camerounais va par ailleurs beaucoup plus s’investir dans les sommets de la francophonie et du Commonwealth. Il s’illustre dès lors par son absentéisme aux sommets de l’organisation panafricaine. Mais en 1996, Paul Biya décroche l’organisation du 32ème sommet de l’Oua qui a eu lieu à Yaoundé. Cependant, il va choquer ses pairs du continent lorsque qu’en 1997, alors qu’il est encore président en exercice de l’Oua, il décide de ne pas se rendre au sommet d’Hararé et de se faire représenter par Peter Mafany Musonge. Une gifle à l’institution. Il se rendra ensuite au sommet extraordinaire de Syrte du 9 septembre 1999 sur les Etats-Unis d’Afrique, puis au sommet de Durban de 2002 lors du lancement de l’Union africaine. Après il sera rarement aperçu dans les couloirs d’Addis-Abeba ou encore des capitales africaines qui abritent les sommets. A l’exception d’Accra en 2007 ou récemment à Malabo. Cependant, certains camerounais vont occuper des fonctions au sein au sein de l’Union africaine à l’instar de la ministre Elisabeth Tankeu qui a été commissaire en charge du commerce et de l’industrie élue en 2003 puis réélue en 2008. Me Akere Muna qui a été élu président du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine. Daniel Edou Nguema, conseiller économique au Cabinet du président de l’UA.

Malgré son absentéisme, le Cameroun a été le 9ème contributeur de l’Ua au titre de l’exercice budgétaire 2009, avec une enveloppe 1.247.247.57 Dollars US, et par ailleurs membre du Comité directeur de l’Union africaine sur le Nepad. Notre pays abrite aujourd’hui le siège de quelques institutions spécialisées panafricaines, à l’instar du Conseil phytosanitaire interafricain ou du Centre africain de recherche et de Formation phytosanitaire (Carfop) ou encore le Fonds monétaire africain.

 

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