Cameroun - Politique. Cameroun - Grogne: La grève des huissiers de justice paralyse la justice

Souley ONOHIOLO | Le Messager Mardi le 29 Octobre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Alors qu’ils attendent le déblocage de cinq trimestres d’impayés de leurs prestations en matières pénale et sociale, le coup de massue qui les a poussés à la suspension des activités et à la fermeture des études, porte sur la baisse drastique de leurs émoluments, décidée par le ministre de la justice.

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« Nous assurons quelque peu le service minimum. En fait l’étude est fermée ». La mine grave, le visage buriné par la mélancolie, la voix mélancolique et chagrinée, Me Majo Henri-Joël, huissier stagiaire, l’homme à tout faire à l’étude de Me Foumane Fam, huissier titulaire de charge à Yaoundé, a le regard absent. Lui qui d’ordinaire, a toujours le sourire, est obligé de se mettre à l’étroit, dans une espèce de couloir, pour signer au pied levé, une dizaine d’actes de justice ; avant de se fondre dans la nature. Un tour à l’étude de Me Foumane Fam, fait observer dans les faits, l’effectivité de l’arrêt de travail.

A un jet de pierre de celle-ci, se trouve l’étude de Me Alain Ngongang, le président de la Chambre nationale des huissiers de justice. Aucune âme sur les lieux. L’étude est fermée ; comme la soixantaine d’autres qui exercent à Yaoundé, la ville aux sept collines. La région du Centre, nous apprend-on, n’est pas la seule où, les huissiers de justice, ont fermé les études. Outre la région de l’Ouest où, selon certaines indiscrétions, l’ampleur de la colère et du mécontentement des auxiliaires de justice, est mitigée, ce pan de la justice est paralysé depuis hier.

Joint au téléphone, d’une voix hésitante et cassée, le président de la Chambre nationale des huissiers de justice, avoue son impuissance. « Un mot d’ordre lancé par la base et ralliée par toutes les régions du pays, a proclamé la cessation des activités dans toutes les études sur l’ensemble du territoire à compter de ce lundi, 28 octobre 2013 » avoue Me Alain Ngongang. Cette fois, l’indignation et la grogne, ont pris le dessus sur toutes les techniques de bon négociateur que le président de Chambre nationale des huissiers de justice (Cnhjc), a mises à l’épreuve, pour contenir ses confrères. Jusqu’ici, les huissiers de justice ruminaient de colère et criaient leur rage, à cause du non-payement de plus d’un an, soit cinq trimestres d’impayés de leurs prestations en matières pénale et sociale. Le non-paiement régulier de ces prestations par le Trésor public, a créé des tensions et des désagréments auprès de ces officiers ministériels qui en sont presque arrivés à un état de cessation de paiement.


La goutte d’eau qui déborde le vase et provoque le désarroi

En date du 11 octobre dernier, une note du ministre de la justice, Garde des Sceaux, portant sur les quotas des émoluments des huissiers de justice, exercice 2013, a créé un tollé, qui aux yeux des auxiliaires de justice, assermentés, apparaît plus qu’un ouragan, pire un véritable séisme. « J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint, la répartition des quotas des émoluments des huissiers de justice par Cour d’appel au ministère de la justice, au titre de l’exercice budgétaire 2013 » écrit Laurent Esso au ministre des finances. La pomme de discorde, ou ce qui fait office de désastre, c’est que les quotas qui ne sont motivés par aucune critériologie, s’adossent sur de l’aléatoire. « Ce sont des répartitions faites sur aucune base. Et pourtant, il faut bien tenir compte du volume de travail effectué, mais surtout des charges réelles de fonctionnement d’une étude. Chaque étude a ses spécificités, en termes du nombre d’actes, le poids de son fonctionnement quotidien et les charges salariales » martèle un huissier de justice. Visiblement vexé.

Des 365 études implantées dans le pays, à la simple arithmétique, l’on se rend compte que la somme allouée trimestriellement à chacune, est de 1.232.876fcfa. Soit des revenus mensuels d’à peine 411.000fcfa par étude. Une baisse drastique pour des huissiers titulaires de charge dont les revenus oscillaient entre quatre millions et demi et cinq millions, par trimestre. Plus grave, les quotas des émoluments des huissiers de justice dont la grille de répartition signée de Laurent Esso, le 11 octobre dernier, est sur la table des trésoreries, a des effets rétroactifs ; elle court depuis le mois de janvier 2013. Il convient de souligner que les émoluments qui sont payés trimestriellement aux auxiliaires de justice, représentent une poche de trésorerie assez importante pour l’huissier de justice car ; cet argent, participe du remboursement des frais avancés par ces derniers, dans l’exécution des tâches en provenance du ministère public, dont ils sont saisis. Laurent Esso met les huissiers de justice devant le fait accompli. Ce qui en rajoute au refus de l’intolérable et aux braises incandescentes de la contestation.

Souley ONOHIOLO



Focal: Vers la mort lente du bon fonctionnement de la justice

Les huissiers de justice ne sont pas à leur premier accès de colère. Jusqu’ici, il s’agit d’un courroux qui s’est limité à la menace de cessation de toute activité. Ces auxiliaires de justice, avouent subir une paupérisation qui ne facilite pas l’accomplissement de l’important pan du service public de la justice qui leur échoit. A observer leurs plaintes et récriminations, celles-ci n’en finissent plus de désagréger la profession. « Les revenus provenant de ces prestations revêtent pour les huissiers de Justice et Agents d’Exécution de notre pays dont 80% vivent essentiellement dans des zones à faible activités économiques, un caractère strictement alimentaire identique à celui qui est attaché au salaire » affirme le président de la Cnhjc. Face à une situation qui devient préoccupante et va s’aggravant, pour tenter de désamorcer la bombe, le 29 juillet 2013, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey avait reçu en audience, une délégation des huissiers de justice, conduite par Me Alain Ngongang, le président de la Chambre nationale des huissiers de justice. Se disant parfaitement conscient de la situation et des difficultés, Alamine Ousmane Mey, tout en rassurant les huissiers de justice, avait dit sa détermination à tout mettre en œuvre, dans la limite des ressources disponibles, pour assainir la situation en arrêtant notamment un calendrier d’apurement de ces arriérés.

Au lieu d’une évolution allant dans le sens de l’amélioration de la situation, l’on s’achemine vers l’enlisement et le chaos. « Il s’agit d’un coup de massue. C’est la mort de la justice. Car si l’Etat ne peut plus s’occuper des huissiers en fonction, qu’en sera-t-il des jeunes qui frappent aux portes de la profession ? », s’interroge-t-on. Avec la baisse des émoluments des huissiers de justice, sont brisés tous les espoirs des nombreux jeunes qui attendent d’être nommés à une charge depuis près de 15 ans. Pour mémoire, une décote de 50% d’un paiement régulier de leurs prestations en matière pénale et sociale, avait été opérée en 2008 sur les arriérés alors dus aux huissiers de justice. Le décaissement était assorti de la promesse ferme d’Essimi Menye, ministre des Finances de l’époque, d’apurer ces arriérés. Cette promesse non plus, n’a jamais été tenue. Les huissiers de justice, continuent de tirer le diable par la queue. 

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