Cameroun - France. Christine Robichon, Ambassadrice de France au Cameroun: "La France soutient la politique des grandes réalisations"

Cameroon-Tribune Mercredi le 11 Décembre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
En poste à Yaoundé depuis un mois et demi, Mme Christine Robichon, ambassadrice de France au Cameroun, confie à CT, les premières appréciations de sa mission et apporte un éclairage sur l'engagement de son pays en vue de la sécurisation de la sous-région Afrique centrale.

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 Vous arrivez au Cameroun au moment où l'Afrique centrale fait face à maintes préoccupations sécuritaires. Qu'est-ce qui explique selon vous l'engagement actuel de la France dans la sous-région et tout particulièrement en Centrafrique? La RCA a trop longtemps été une crise oubliée, méconnue. Face à la dégradation de la sécurité, à la tragédie humanitaire, la France s'est d'abord efforcée de mobiliser tous les partenaires en mesure de soutenir l'action de l'Union Africaine et de la CEEAC pour prévenir une implosion du pays et des atrocités. Le Président François Hollande a été le premier à lancer un cri d'alerte en septembre, depuis la tribune de l'Assemblée Générale des Nations Unies. A l'initiative de la France, le Conseil de Sécurité vient d'adopter une résolution qui dote la MISCA - force africaine à laquelle le Cameroun apporte une contribution significative - d'un mandat robuste pour protéger les populations civiles de RCA. Cette même résolution donne également mandat aux forces françaises de soutenir la MISCA. Le Cameroun, comme les autres pays de la région et comme l'Union africaine a d'emblée soutenu l'idée d'un engagement de la France aux côtés de la MISCA, a répondu favorablement à notre demande de faire transiter par son territoire une partie des forces françaises appelée à soutenir la MISCA et a apporté une coopération très appréciée à la préparation logistique de cette opération. En RCA comme au Mali, la France a été appelée à l'aide par ses partenaires africains et internationaux. Et elle a répondu positivement. Au-delà de son intervention — qui sera brève —, la France s'efforce de contribuer, dans une perspective à plus long terme, à la sécurité de la sous-région et de l'Afrique en général. L'un des grands thèmes du Sommet de l'Elysée a d'ailleurs porté sur le soutien aux projets des Africains de constituer une force de réaction rapide et de renforcer leurs capacités de maintien de la paix.

En un peu plus d'un mois de séjour au Cameroun, vous avez sans doute déjà eu un bon aperçu des dossiers prioritaires de votre mission diplomatique au Cameroun. Quels sont-ils ?
C'est l'actualité qui a dicté les priorités de mon action ces dernières semaines. La sécurité de mes compatriotes est aujourd'hui ma principale préoccupation. Depuis quelques mois déjà, on a vu que les Français étaient, dans un certain nombre de pays, une cible privilégiée pour des groupes terroristes. Moins d'un mois après mon arrivée, j'ai été confrontée à l'odieux enlèvement du prêtre français Georges Vandenbeusch, dans l'extrême nord du pays, par des hommes venus du, Nigéria. La France et le Cameroun sont mobilisés, au plus haut niveau, et mettent tout en œuvre pour le retrouver sain et sauf dans les plus brefs délais. Un autre dossier, qui relève de la protection consulaire de ressortissants français, m'a occupée ces derniers temps. C'est celui de Michel Thierry Atangana, dont la situation est suivie avec attention par les plus hautes autorités françaises. Parmi les grandes priorités du moment, il y a bien sûr la RCA. La France et le Cameroun partagent les mêmes préoccupations à l'égard des risques d'implosion de ce pays. Que ce soit dans l'Extrême Nord ou le long de la frontière Est, le Cameroun est victime d'incidents dus à l'instabilité de ses voisins.

Vous êtes arrivée au Cameroun, précédée d'une réputation de diplomate chevronnée. Le fait en plus que vous soyez la première femme à occuper le poste d'ambassadeur de France au Cameroun indique-t-il que vous apportez une touche particulière dans le suivi des relations franco-camerounaise?
Que la France envoie pour la première fois une ambassadrice à Yaoundé, ce n'est pas vraiment un événement mais c'est un petit signe qui montre que le monde change. Née dans la deuxième moitié du 20ème siècle, je me sens une diplomate du 21 e siècle, désireuse d'apporter, ma contribution, modeste, à la mise en œuvre d'une politique française rénovée à l'égard de l'Afrique en général et du Cameroun en particulier, une politique qui s'émancipe du passé et se fonde sur le respect, la solidarité et des intérêts partagés. J'aimerais aussi que ce soit perçu comme un petit signe d'encouragement à l'égard des femmes camerounaises qui s'impliquent de plus en plus dans la vie politique - on l'a vu lors des dernières élections législatives - et dans l'économie du pays.

Vous avez participé récemment, aux côtés du président Paul Biya, à la cérémonie de pose de la première pierre du deuxième pont sur le Wouri à Douala. Quel est votre sentiment au lancement de cet important projet, et comment entrevoyez-vous la suite de l'implication de la France dans la mise en œuvre des grandes réalisations visant mettre le Cameroun sur la voie de l'émergence?
J'ai été très honorée d'être aux côtés du Président Paul Biya pour ce grand moment qu'a été la pose de la première pierre du futur pont sur le Wouri. Cet événement a une valeur symbolique particulière. Il illustre l'intensité des liens entre le Cameroun à la France. Ce projet, qui aura un impact très bénéfique pour les habitants de Douala et pour l'économie du Cameroun dans son ensemble, est financé en partie par des fonds (21 milliards de FCFA) du Contrat de Désendettement et de prêt de l'Agence Française de Développement (AFD) de 65 Milliards de FCFA. L'AFD contribue également au financement d'autres grandes infrastructures comme les entrées Est et Ouest de Douala, le barrage emblématique de Lom Pangar ou les projets d'alimentation en eau de Yaoundé, Edéa, Bertoua et Ngaoundéré. La France soutient la politique engagée par le Chef de l'Etat en faveur des «grandes réalisations» ayant un impact majeur sur le développement du pays. La France et ses entreprises, qui disposent d'une compétence et d'une expertise technique reconnues dans ce domaine, peuvent apporter leur « pierre l'édifice ». Le deuxième pont sur le Wouri en est un bon exemple.

La situation économique préoccupante de la France n'est-elle pas de nature impacter négativement le niveau de ses engagements en faveur du développement économique du Cameroun?
Ce n'est pas le cas car il y a consensus en France pour préserver l'aide publique au développement. Ainsi malgré une situation budgétaire tendue, la France a maintenu sa contribution au Fonds Africain de Développement (FAD) à un niveau stable de 380 millions €. Je peux vous assurer que la France reste engagée aux côtés du Cameroun et soutient les efforts de développement de ce pays, qui est l'un de ceux où les engagements de l'AFD sont les plus importants. Depuis 2006, ce sont près de 1000 milliards de FCFA d'engagements de l'AFD qui ont été consacrés au Cameroun soit une moyenne de 135 milliards de FCFA par an ! Permettez-moi aussi de rappeler que le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) est le plus important programme d'annulation et de reconversion de la dette extérieure du Cameroun. Le deuxième C2D, d'un montant de 214 milliards de FCFA, qui couvre la période 2011-2016, sera prolongé par un troisième C2D qui permettra d'accompagner, au-delà de 2017, les priorités nationales du Cameroun définies dans le Document Stratégique pour la Croissance et l'Emploi.

Quelle appréciation faites-vous des efforts du gouvernement camerounais en matière de gouvernance, et notamment au regard de la lutte contre la corruption et les détournements de denier publics ?
Tous les efforts pour améliorer, partout dans le monde, la gouvernance et combattre la corruption sont louables et je sais que le Président Biya déploie de tels efforts. La France a montré son soutien à cette action en apportant une contribution financière à l'initiative CHOC(Changer les Habitudes et s'opposer la Corruption) du PNUD et au projet COS-CO (Concours Sans Corruption dans les grandes écoles), auquel était associé Transparency International. Au-delà de la lutte contre la corruption, la France considère que la gouvernance démocratique et l'état de droit sont essentiels au développement de tout pays. Au Cameroun, elle apporte sa coopération à la décentralisation, à la gouvernance urbaine, à la promotion et à la défense des droits de l'Homme ainsi qu’à la gouvernance financière. C'est dans ce contexte qu'est actuellement mis en œuvre un projet du Fonds de Solidarité Prioritaire sur le renforcement ale la gouvernance urbaine et la fiscalité locale. Dans le secteur des droits de l'Homme, la France, en concertation avec le ministère de la Promotion de la femme et de la famille et en partenariat avec quatre associations camerounaises, soutient un projet de lutte contre les violences faites aux femmes. La France s'attache aussi à. soutenir les efforts du Cameroun pour maximiser la gestion de ses ressources naturelles et en tirer des revenus stables et équitables. C'est le cas dans différents domaines comme l'exploitation durable de la forêt, le commerce du bois, les réformes foncières ou les industries extractives. C'est important pour le Cameroun qui fait de la valorisation de son sous-sol et de son environnement le socle de son développement. J’ai appris — et c'est une bonne nouvelle — que, juste avant mon arrivée, le Cameroun, grâce à ses efforts significatifs, a été reconnu « pays conforme » par le conseil d'administration de l'ITIE (initiative pour la transparence dans les industries extractives). De manière plus générale, toutes les actions de coopération menées par la France prennent en compte la nécessité de garantir une gestion transparente et efficace des derniers publics. Sur ce point, le C2D fait figure de modèle puisque dans chaque ministère ! Sectoriel en charge d'un programme C2D, une cellule appuie la maîtrise d'ouvrage et veille, en collaboration avec la partie française, â la bonne utilisation des fonds C2D.

Que répondez-vous aux Camerounais qui estiment que les entreprises françaises sont favorisées dans l'attribution des marchés d'exécution des projets financés par l'Agence française de développements sur les ressources du C2D?
L'aide publique française au développement n'est plus de l' «aide liée» depuis plus de dix ans. Les projets financés par l'AFD font l'objet d'appels d'offre conformes aux règles camerounaises. Le soupçon de favoritisme que vous évoquez dans votre question est infondé. Il découle vraisemblablement de l'importance que la France attache à la qualité technique des infrastructures qu'elle finance et au respect, par les entreprises qui les construisent, d'exigences de nature sociale (recrutement, conditions de travail et de vie sur les chantiers) et environnementale Cela étant, les chiffres montrent que depuis 2010, 80 % des marchés financés par l'AFD ont été emportés par des entreprises camerounaises et seulement 10 % par des entreprises françaises.

Avec le second cas de prise d'otage français enregistré récemment y a-t-il lieu pour les Français résidant au Cameroun de redouter une menace qui les ciblerait en particulier?
Les échanges que j'ai eus avec le Chef de l'Etat, les membres du gouvernement et les gouverneurs des régions de l'Extrême Nord et du Nord, m'ont permis de constater que nous partageons les mêmes objectifs: retrouver le Père Vandenbeusch sain et sauf au plus vite et tout faire pour éviter le renouvellement d'un tel acte odieux.
 

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