Cameroun - Réligion. Christian Cardinal Tumi" Je ne veux pas être identifié à un parti politique qu’il soit de l’opposition ou du pouvoir"

L'Effort Camerounais Lundi le 23 Décembre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans une interview exclusive accordée à l’Effort Camerounais, Son Eminence le Cardinal Christian Tumi donne son point de vue sur le retour de la dépouille du Président Ahmadou Ahidjo.

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Eminence, les médias ont annoncé récemment que vous prendrez part à une conférence à Garoua pour le rapatriement de la dépouille du Président Ahidjo. Or depuis vous ne prenez pas part à des initiatives pareilles. Qu’est-ce qui vous a motivé? J’ai connu très bien le Président Ahidjo et je suis l’un des camerounais qui aimeraient voir sa dépouille au pays. Malgré ses fautes, il reste le président de ce pays qu’il a gouverné pendant 20 ans. C’est une vérité historique qu’on ne peut pas nier. Quelqu’un est venu de Garoua me voir en me disant qu’il y aurait une réflexion sur le retour de la dépouille du président Ahidjo au pays. Je n’ai pas vu à ce moment un objectif politique dans cette démarche. Mais la manière dont la presse a présenté cette initiative de façon consciente ou inconsciente m’amène à ne plus prendre part à ce forum qui prend une connotation politique. Ma photo a été mise à côté de celle du Professeur Maurice Kamto et de Ben MUNA qui sont des politiciens. Des gens peuvent vouloir passer par ce forum là pour des ambitions politiques. Je ne veux pas être identifié à un parti politique qu’il soit de l’opposition ou au pouvoir.

Ne pensez-vous pas que votre absence à ce forum va empêcher aux camerounais de connaître quelle est votre perception du président Ahidjo?
Quand on est venu me voir récemment, j’ai perçu cette conférence comme un forum regroupant les différents acteurs de la société civile qui devait rencontrer le Président de la République et le convaincre d’accepter que la dépouille du président Ahidjo rentre au pays. C’était aussi simple que ça. Je n’avais perçu aucune intention politique dans cette démarche. Si la conférence est organisée par des politiciens, je ne serai pas là, car je ne souhaiterai pas être associé aux partis politiques.

Eminence, les journaux écrivent des choses sur vous qui ne sont pas souvent vraies. Mais vous ne dites rien. Cela ne participe-t-il pas à encourager ces journaux à continuer de publier des informations erronées?
Récemment un journal a publié une interview de moi, pourtant je n’avais pas donné cette interview. Je n’ai pas réagi publiquement mais j’ai appelé le journal en question pour dire aux responsables que cela cesse et que ce soit la dernière fois. Ce n’est pas la première fois qu’on m’attribue des choses que je n’ai pas dites. C’est au moins la 11ème fois. Mais je n’aime pas aller en public pour décrier cela. Et puis ce n’est pas moi qui vais amener un jeune au tribunal.

Si les organisateurs de ce forum reviennent vous voir, après avoir redéfini l’objectif de la conférence, allez-vous revenir sur votre décision?
Non, je ne vais plus participer car j’ai vu ce que les organisateurs projetaient de faire.

Le Président Paul Biya était récemment au Vatican où il a rencontré le Pape. Quelqu’un pouvait imaginer que c’est une autorité religieuse qui devait le faire avant le Président de la République. Est-ce que c’est l’Etat qui dicte le fonctionnement de l’Eglise au Cameroun?
Pas du tout. Cette visite était une rencontre entre deux chefs d’Etat. Le Président de la République est libre d’effectuer une visite au Vatican. Il était déjà allé au Vatican pendant le pontificat du Pape Jean Paul II, ses funérailles et le sacre du Pape Benoît XVI. Le Président de la République les a lui-même invité au Cameroun. Ce n’est donc pas surprenant que le Président de la République rende visite au Pape François. Certaines personnes ont même dit qu’un Evêque devait l’accompagner. Nous avons demandé pourquoi ? Ce sont deux chefs d’Etat et nous ne sommes pas concernés. Si une telle visite concerne l’Eglise, le Pape ne parlera pas au chef de l’Etat sans les hommes d’Eglise. Le Pape a un représentant au Cameroun, en la personne du Nonce Apostolique qui communique avec l’Etat et l’Eglise locale. Il n’était non plus au Vatican.

En tant que personnalité influente dans L’Eglise, avez-vous eu le privilège de savoir ce qui est ressorti de la rencontre entre le Président Biya et le Pape François?
Pas du tout.

La presse écrite a publié des lettres des personnes qui se font appeler : « les laïcs et les prêtres engagés » de l’Archidiocèse de Yaoundé qui dépeignent une Eglise au Cameroun sujette à des conflits. Ils vous ont même accusé d’avoir été toujours franc quand il le fallait, mais lorsque l’Archevêque Victor Tonyé Bakot a renoncé à sa charge, vous n’avez rien dit. Qu’avez-vous à dire à propos de cette accusation?
C’est ce qu’ils disent, mais ils n’en savent rien. La renonciation de l’Archevêque Victor Tonyé Bakot n’est pas la première au Cameroun. Quand un Evêque a été emprisonné au Cameroun pendant des années et a été exilé, qui en a parlé ? Lorsque Mgr Thomas Nkuissi de Nkongsamba a renoncé, qui en a parlé ? Ce n’est pas le premier cas. Le fait est que certaines personnes ont la mémoire courte ici au Cameroun. Elles ne connaissent pas l’histoire de l’Eglise au Cameroun. Pourquoi interviendrai-je ? La raison de la renonciation d’un Evêque est connue uniquement par le Saint Siège et la personne qui renonce et personne d’autre.

Ils disent que vous auriez dû réagir étant donné que vous avez écrit une lettre de 7 pages lorsque l’Evêque de Bafoussam a été nommé à Elecam. Si vous réagissez face à une situation, pourquoi rester silencieux pour une autre?
Telle n’était pas ma réaction. Qui leur a parlé de ma lettre, parce qu’elle était confidentielle ? Ils ne connaissaient pas le contenu de la lettre. Pensez-vous que je puisse rédiger une lettre de 7 pages pour l’appartenance de quelqu’un à Elecam ? Pas du tout. Je l’ai seulement évoqué en passant. Ce n’est pas nécessaire de nommer des Evêques à des postes de responsabilité en politique, soit disant qu’ils sont compétents et dévoués au Cameroun. Il est difficile pour un Evêque de cumuler les deux fonctions. C’est-à-dire, appartenir à Elecam et diriger un Diocèse qui exige sa présence permanente. En tant que membre d’Elecam, il est très souvent occupé particulièrement en période électorale. Pour être pasteur d’un Diocèse comme celui de Bafoussam et faire autre chose c’est très difficile. En fait, c’est juste un point parmi tant d’autres que j’ai évoqué avec le Nonce Apostolique.

Est-ce que l’avis de l’Eglise locale est requis avant la nomination d’un Evêque à un poste de responsabilité en politique?
Je crois que le Nonce Apostolique doit avoir eu le consentement du Saint Siège. Il y a eu des cas où des Evêques ont été des ministres en Europe. Les laïcs n’étaient pas aussi qualifiés qu’aujourd’hui. Je connais aussi un Evêque qui est à la tête d’un pays. Je l’ai rencontré à Rome avec quelques uns de ses ministres. Un prêtre peut faire de la politique avec l’aval de son supérieur, Evêque. Un Evêque peut faire de même avec la permission de son supérieur, le Pape. Il n’est pas totalement interdit aux membres du clergé de faire de la politique. Nous encourageons les chrétiens à s’impliquer dans la politique afin de servir.

Le groupe de l’Archidiocèse de Yaoundé mentionné précédemment a également accusé l’Eglise d’avoir une mentalité néocoloniale et d’interférence externe dans la gestion de l’Eglise au Cameroun. Que dites-vous à propos de ces allégations?
L’Eglise est universelle et son chef visible n’est pas au Cameroun. Les décisions de l’Eglise sont prises par les Evêques de ce pays. Il est déplacé pour ces gens de tenir de tels propos. Ils auraient pu le dire lorsque des Evêques et prêtres étaient des missionnaires, mais maintenant environ 99,90% des Evêques et prêtres sont camerounais.

Voulez-vous nous dire que les mains des Evêques au Cameroun ne sont pas liées et qu’ils ne reçoivent pas des ordres de Rome ?
Ceux qui disent ces choses ne savent pas comment l’Eglise fonctionne. Je n’ai jamais consulté Rome avant de prendre une décision dans mon Diocèse. J’informe Rome et cela est tout à fait normal parce que le Pape est le pasteur de l’Eglise universelle et tous les 5 ans, chaque Evêque rend visite au Pape. Avant cela, il rédige un rapport sur son Diocèse qu’il remet au Saint Siège. Cela est normal du moment où ce n’est pas un Evêque qui se nomme lui-même à la tête d’un Diocèse, c’est le Pape qui nomme . Il est vrai que c’est l’Evêque qui est le Vicaire du Christ dans son Diocèse. Il n’a besoin ni de l’avis du Nonce ni de celui du Pape avant de prendre une décision concernant son Diocèse. Le propre de l’Eglise universelle est que le Pape est le Vicaire du Christ. Il dirige son Diocèse, Rome et l’Eglise universelle.

Eminence, êtes –vous satisfait de l’état des choses dans l’Eglise qui est au Cameroun aujourd’hui ?
Oui, l’Eglise s’agrandit à pas de géants. L’Eglise est divine et en même temps humaine. Etant des personnes qui dirigent l’Eglise sur terre, nous avons nos faiblesses, mais les gens ne doivent pas oublier que le Christ a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps et les forces du mal ne vous feront rien ». Depuis que je suis devenu Evêque, je n’ai jamais rien laissé m’inquiéter. J’ai fait de mon mieux en tant qu’être humain et j’ai laissé le reste entre les mains du Christ qui a crée l’Eglise. Le Christ a dit : « N’ayez pas peur ». Cette assertion est retrouvée dans la Bible environ 366 fois et la plus longue année a 366 jours. Ainsi, le Christ nous dit tous les jours « N’ayez pas peur », j’ai conquis le monde. Il y aura toujours des problèmes, mais l’Eglise continuera à grandir parce qu’elle est divine.

Quelle est votre évaluation du double scrutin qui s’est tenu récemment au Cameroun?
Cela fait un bon moment que je n’ai pas vu d’élection au Cameroun aussi transparente. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu d’irrégularités. Certaines personnes regrettent même de ne s’être pas inscrites sur les listes électorales. J’encourage d’ailleurs les jeunes à s’inscrire dès le 1er Janvier 2014. Participer à la vie politique de son pays est obligatoire.

Comment voyez-vous l’avenir politique du Cameroun ?
Il est entre les mains des camerounais. Personne ne peut rien faire de l’extérieur. Raison pour laquelle j’ai été déçu du fait que plusieurs camerounais n’aient pas participé aux élections, particulièrement les jeunes qui constituent la majorité. N’oublions pas aussi qu’une bonne frange de jeunes n’a pas le droit de vote, à l’exemple de ceux âgés de 18 ans. Même ceux qui ont 20 ans, et sont en majorité, n’ont pas voté.

Les étudiants de la faculté de médecine de l’Université catholique de Bamenda et de Kumbo ainsi que leurs parents craignent la fermeture de cette faculté. Comme mesure préventive, certains parents retirent déjà leurs enfants de la faculté. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Je pense que le Président de la République gère le problème avec le ministre de l’Enseignement Supérieur. Je sais que l’un des proches collaborateurs du président, Martin Belinga Eboutou, a déjà reçu en audience à la Présidence le pro vice chancellor pour discuter du sujet. La Province Ecclésiastique de Bamenda veut simplement que ces jeunes gens puissent poursuivre leurs études avant que l’Etat ne classe leur école de médecine parmi les facultés de médecine reconnues par l’Etat. L’Etat affirme que l’école n’a pas assez d’enseignants, mais les requêtes montrent qu’en 2 ans, elle possède déjà 40 professeurs. J’ai entendu le vice chancellor de l’université de Buea dire au ministre de l’Enseignement Supérieur, qu’ils ont encore besoin de 30 professeurs dans la faculté de médecine. Si une université d’Etat manque de professeurs, comment peut-on espérer que nous ayons en 2 ans le nombre de professeurs requis en faculté de médecine ?

Voulez-vous dire que certaines personnes ne veulent pas le succès de cette faculté ?
Je n’accuse personne. Peut être que nous n’avons pas rempli toutes les conditions requises lorsque la faculté a été ouverte. Mais je me demande s’il existe une faculté de médecine qui a un aussi bel avenir que celle de Kumbo. Des facultés similaires n’ont mêmes pas d’infrastructures. Bambili vient de commencer et qu’ont-ils fait ? J’ai entendu qu’ils louent l’école de quelqu’un d’autre à leurs débuts. L’Evêque de Kumbo a attribué le Centre des jeunes à la faculté de médecine. Centre qu’ils pourront occuper jusqu’à ce qu’ils construisent leurs propres bâtiments ou jusqu’à des jours meilleurs. Ils ont déjà acquis un terrain à ce propos. Malgré le fait qu’ils aient deux hôpitaux qui sont prêts à accueillir les étudiants pour la phase pratique de leurs études, ils veulent encore construire leur propre centre hospitalier universitaire.

Interview réalisée par Ireneaus Chongwain Chia & Grace Ongey

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