Cameroun - Politique. Cameroun - Remaniement ministériel à retardement: Les secrets d'un blocage

Ibrahim Sankara | La Météo Dimanche le 09 Février 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L'année 2014 encore à l'entame, arrive à grands pas avec son lot d'attentes liées notamment à la gouvernance de la cité.

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Au cœur des conjectures, l'attente interminable d'un remaniement ministériel.

En effet, la gouvernance globale, au sens de l'harmonisation des principes de gestion de l'Etat moderne, suppose une redistribution des cartes au niveau de l'équipe gouvernante après des élections législatives, redistribution donnant lieu soit à la reconduction des hommes en place, soit à leur changement, en cohérence avec le discours de campagne et les attentes des citoyens électeurs. Fort de cela, l'on peut comprendre la lassitude de la classe politico-médiatique en particulier et des populations en général, à voir surtout après les espoirs et le frémissement suscités par le message-vérité du Chef de l'Etat à la Nation, le 31 décembre 2013, l'élite gouvernementale, dont l'action a en grande partie, contribué à plonger le Cameroun dans la gadoue, élite dont nombre d'acteurs, même par miracle, ne peuvent se reconvertir aux valeurs de la République exemplaire prônées par le leader présidentiel, continuer d'organiser des agapes sous le couvert des cérémonies de présentation des vœux.

Tout en procédant à des nominations de hauts responsables dans leurs administrations respectives, sans doute pour renforcer les stratégies d'accumulation mises sur pied par la confrérie manducative, en prévision des batailles de l'après-Biya déjà annoncé. Dans cette veine, certains, plus audacieux, n'hésitent pas à ânonner le message de fin d'année sus-évoqué à leurs collaborateurs, dans le but de le banaliser, dégageant insidieusement au passage et par anticipation, leurs responsabilités, en attendant l'heure des comptes. Pour perpétuer le siège du gouvernement, ces élites gouvernementales, bien rodées à la gouvernance des effets d'annonce, braquent des enceintes lumineuses sur le leader présidentiel, question de dire à ce dernier, qu'elles sont devenues de bons élèves.

Mais alors qu'est-ce qui fait que cette sorte de Capharnaüm persiste, au point de faire assimiler le discours patriotique et de renaissance du Cameroun prononcé par le Président de la République le 31 décembre 2013, à une sorte d'églogue de la gouvernance, de borborygme? La question mérite d'être posée, dans la mesure où dans une démarche que l'on pourrait qualifier de comparatisme arrangeur, le professeur Maurice Kamto, sous le manteau de leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), un parti encore en quête de sens, a laissé entendre de manière réductrice dans une chaîne de télévision locale, que c'est l'inertie endémique de M. Paul Biya qui expliquerait le blocage du remaniement ministériel.

Précisant sa pensée, le chef du Mrc ajoute que même si le remaniement ministériel relève du pouvoir régalien du Chef de l'Etat, dans les pays normaux, comme ceux d'Occident, c'est une décision qui n'attend pas, dès lors que les résultats électoraux sont publiés officiellement. Une certaine presse a du reste repris, sans nuance, à son compte, cette antienne. C'est de bonne guerre. La politique est semblable à un jeu. C'est donc ici facile de prendre avantage sur son adversaire, en dénonçant la paille qui se trouverait dans l'œil de celui-ci.

Pourtant, si l'on regarde les choses avec froideur et distanciation, l'on se rendrait bien compte que la volonté présidentielle de rupture avec les méthodes anciennes est sans équivoque. Lisons plutôt: «nous sommes en quelque sorte à la croisée des chemins.., ou nous empruntons le chemin de la facilité, en reportant à plus tard les reformes, et alors, dans 10 ou 20 ans, nous aurons accumulé un tel retard tel que nous pourrons difficile¬ment satisfaire les besoins de notre population...

Ou nous nous fixons des objectifs élevés, en nous imposant une discipline collective rigoureuse. Et nous serons résolument sur le chemin de l'émergence. C'est ce dernier choix que je suggère...» On le voit bien, la stratégie organisationnelle du chef de l'Etat pour l'émergence, nous interpelle tous: gouvernants et gouvernés, individuellement et collectivement. Aucun président de la République ne peut à lui tout seul, construire un pays. Il lui faut pour cela, des relais.

Or, nous voulons, pour beaucoup, un remaniement ministériel en profondeur, pour que, comme le veut Paul Biya, soit enfin débattu avec «sérieux et objectivité, les «problèmes qui tiennent les Camerounais à cœur le pouvoir d'achat, l'emploi, les conditions de vie.., ce que les Camerounais sont en droit d'attendre d'une économie prospère et équitable...» Paradoxalement, nous restons inhibés dans les tares rédhibitoires qui compromettent nos chances de développement, et accentuent, de gouvernements en gouvernements, le désamour des populations pour les politiciens et la chose politique.

Ces tares, le Chef de l'Etat en relève deux importantes l'individualisme et le tribalisme. «Notre administration, dit-il, reste perméable à l'intérêt particulier. Ce dernier est le plus souvent incompatible avec l'intérêt de la communauté nationale. Dans un Etat moderne, cette dérive ne doit pas être tolérée». Et le Chef de l'Etat d'ajouter, «Bien qu'attachés à nos communautés d'origine - ce qui ne nous empêche pas d'être de fervents patriotes lorsque l'honneur national est en jeu - nous sommes un peuple d'individualistes, plus préoccupées de réussite personnelle que d'intérêt général».

Avant de conclure: «Je ne vous demande ni sueur ni sang, ni larmes, mais seulement de vous engager sans réserve dans cette nouvelle phase de notre grand dessein national. Je vous invite à un nouveau sursaut patriotique...». Parlez-moi donc de notre renaissance, d'aggiornamento. Parlant de la ferveur patriotique qui habite souvent ses concitoyens lorsque l'honneur national est en jeu, le Chef de l'Etat fait sans doute entre autre, au soutien, sans considération d'ethnie, de religion, de région, ou de chapelle politique, que les Camerounais, comme un seul homme, apportent aux Lions indomptables en période de Compétition internationale. Ce soutien-là, est la force de notre équipe nationale, justement parce qu'il se situe aux antipodes de l’éthno-politique, ce cancer hérité des colons qui ne sert que des intérêts primordialistes, en même temps qu’il tue l’Etat de droit et le développement économique et social.

Si nous revenions dans au paradigme retenu par l’éminent professeur Maurice Kamto, au regard de la prégnance du Cameroun tribal dévoilé dans les évocations médiatisées-de la répartition des postes dans le gouvernement attendu, on dirait que dans les démocraties occidentales, la formation d'une équipe gouvernementale n'a que faire de l'origine ethnique, ou même régionale des personnes à promouvoir. Elle s'appuie sur les critères de compétence, de respect de l'ethnique républicaine ... Ainsi par comparaison allusive, il ne viendrait à l'esprit d'aucun citoyen français d'exiger que le premier ministre, ou même qu'un ministre, soit originaire de telle ou telle région française.

Les ministres sont cooptés et jugés en fonction de leurs capacités à répondre aux problèmes des populations. Aujourd'hui en France, il est demandé par exemple au chef du gouvernement et à son équipe, d'apporter des solutions aux trois principales préoccupations des Français que sont: l'emploi, le pouvoir d'achat et les déficits. Au Cameroun, pauvre Cameroun! Une sociologie expéditive de la chronique journalistique met en évidence, comme tendance lourde, à propos du remaniement attendu, l'emprise des préoccupations tribales, ethno-régionales, voire patrimonialistes (telle région attend son Premier ministre, telle autre attend son Vice-président...).

Cette construction cognitive dans les médias de la gouvernance ethnique est en déphasage avec le message présidentiel du 31 décembre, lequel appelle plutôt au dépassement de la raison ethnique et de l'individualisme, au profit de l'engagement patriotique pour l'intérêt général, pour la culture du service public. Avec raison. Dans la mesure où les invités, choisis dans une logique de partage du gâteau national, après avoir consommé ledit gâteau, finissent par manger la nation elle-même. A côté de la politisation de l'ethnie par la proclamation démagogique du noble objectif de défense des intérêts collectifs de ladite ethnie, se développe en corolaire, le phénomène du lynchage médiatique de supposés concurrents, jetés aux orties, comme souvent lorsqu'un remaniement est attendu, par la révélation à leur encontre, de faux scandales, ou de leur infidélité politique souvent invérifiable.

D'où toutes ces contributions frelatées (listes de ceci, liste de cela) concoctées par une presse, dans le dessein mal dissimulé d'influencer les décisions attendues du chef de l'Etat. Dans cette effervescence morbide, on ne peut résister à la tentation de conclure que la vraie raison de la longue attente du remaniement ministériel, serait pédagogique. Il s'agirait alors pour le Chef de l'Etat de permettre d'abord aux gouvernés de s'approprier sa vision politique et managériale déclinée par son message sus-évoqué.

Laquelle exalte le patriotisme et la compétence. C'est la démarche idoine pour que les gouvernés soient plus aptes à accompagner la future équipe gouvernementale sur les chantiers de l'émergence. Montrons donc au chef de l'Etat qu'il n'est pas en avance sur nous. Montrons lui que nous savons travailler dans le respect des intérêts bien compris de notre pays. Montrons lui surtout que nous allons opérer inéluctablement notre mue. Il agira en conséquence. Car le blocage, c'est nous.

Dommage que le Rdpc, si prompt à balancer les motions de soutien pour la promotion d'un individu, n'ait pas cru devoir apporter avec la même promptitude, le même soutien, au discours de la renaissance du Cameroun prononcé par son leader, le 31 décembre 2013. Signe des temps. Le parti au pouvoir est-il seulement convaincu de l'opportunité de ce discours de rupture pour pouvoir s'impliquer, symboliquement et pratiquement, dans sa mise en œuvre ? Une simple question de conscience. 

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