Cameroun - Corruption. Cameroun - Batailles: La Sodecoton de tous les appétits

SERGE D. BONTSEBE | Mutations Dimanche le 09 Février 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le 27 janvier 2014, Evouh Ekanga, le magistrat instructeur de ce qu'il est convenu d'appeler «affaire Iya» recevra sur sa table, en toute théorie, le rapport du collège de cabinets d'expertise comptable commis par ses soins depuis le 27 novembre 2013, à effectuer une contre-expertise du rapport de mission du contrôle supérieur de l'Etat a la société de développement du coton du Cameroun (Sodecoton).

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Le 27 janvier 2014, Evouh Ekanga, le magistrat instructeur de ce qu'il est convenu d'appeler «affaire Iya» recevra sur sa table, en toute théorie, le rapport du collège de cabinets d'expertise comptable commis par ses soins depuis le 27 novembre 2013, à effectuer une contre-expertise du rapport de mission du contrôle supérieur de l'Etat a la société de développement du coton du Cameroun (Sodecoton). C'est sur la base de ce dernier rapport, chacun le sait, qu’Iya Mohamed, Directeur général de la Sodecoton, avait été interpellé 10 juin 2013, puis inculpé et mis en détention provisoire 9 jours plus tard à la prison Centrale de Yaoundé pour détournement de deniers publics, d'un montant d'un peu plus de 13 milliards de francs CFA. Les jours qui suivront ce 27 janvier 2014 sont décisifs dans cette affaire car ils trahiront la décision du juge d'instruction de remettre, Iya Mohamed en liberté ou de le renvoyer devant les tribunaux pour un procès, avec l'éventualité, et même la probabilité, que l'ancien Dg de la Sodecoton comparaisse en détention.

En attendant d'y être; Mutations considère que son devoir de vous informer l'oblige de vous offrir cette somme, qui est en fait une nouvelle tentative de réduire l'épais brouilla qui plane au-dessus de cette affaire aux enjeux insondables, qui met en jeu des personnalités insoupçonnés dont le pouvoir diviseur continue de s'actualiser dans l'opinion publique.

Lundi, 10 juin 2013. Iya Mohamed, alors Directeur général de la société de développement du coton du Cameroun (Sodecoton), est interpellé à Yaoundé et gardé à vue au service central de recherches judiciaires de la gendarmerie nationale. Cette arrestation est une accélération de 29 ans d'un «Iyagate» qui a commencé à livrer ses premiers épisodes dès après la nomination de ce Peul à la tête de la Sodecoton en 1984, et qu'il convient de raconter, ne fût-ce qu'à grands traits.

1984: Iya Mohamed est nominé à la tête de la Sodecoton, après y être arrivé en 1981, et après y avoir assumé les fonctions de secrétaire général pendant un an. Au moment des faits, la géo-graphie du capital social de l'entreprise, indexé à 4,5 milliards de FCFA, se présente ainsi qu'il suit: Etat du Cameroun: 22%; Sni " 25%; Csph: 12%; Oncpb: 11% et Géocoton (Etat français): 30%. Des élites camerounaises se met¬tent dès lors à nourrir l'ambition, légitime il est vrai, d'entrer dans le capital de l'entreprise. Il y a là Cavaye Yéguié Djibril, Sadou Hayatou, Ahmadou Abdoulaye, alors lamido de Rey Bouba...

Mais le plus déterminé d'entre eux est Baba Ahmadou Danpullo. Ce Peul de 62 ans, l'une des plus grosses fortunes du Cameroun dont le sens aiguisé des affaires n'a jamais été vrai¬ment démentie, flaire le bon filon et vise très haut. Il propose de racheter les parts de la Sni, de la Csph et de l'Oncpb, soit 48% du capital, pour en devenir l'actionnaire principal. Il propose 1,5 milliards de FCFA à l'Etat du Cameroun pour ce rachat. L'homme d'affaire va bientôt engager un intense lobbying auprès des pôles de décision camerounais: Primature, tenue à l'époque par Simon Achidi Achu, présidence de la République, où les proches collaborateurs du Chef de l'Etat sont démarchés.


Contre-offensive

Sauf qu'Iya Mohamed estime que l'offre financière de Baba Ahmadou n'est pas conséquente; il engage immédiatement une contre-offensive auprès des mêmes décideurs pour les convaincre de ne pas céder (aux appétits affairistes» de l'homme d'affaire en bradant ainsi des parts du capital d'une entreprise qui fait en plus de bonnes affaires. «Ce n'était pas personnel, mais dans l'intérêt de l'entreprise» explique-t-il. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il était bien conscient qu'un aboutissement du projet de Baba Ahmadou Danpullo aurait signifié sans conteste la fin de son bail à la tête de la direction de la Sodecoton compte tenu de l'animosité qui existait déjà entre les deux hommes, et donc qu'il avait un intérêt personnel à ce que les 48 % de capital de la Sodecoton ne soient pas cédés à Danpullo.

Iya va obtenir le soutien de Marafa Hamidou Yaya, étoile filante de l'establishment qui deviendra en 2002, secrétaire général de la présidence de la République, puis Ministre d'Etat en charge de l'Administration territoriale et de la Décentralisation; «il m'a beaucoup soutenu dans ce combat. Même si j'ai eu de bonnes raisons après de penser qu'il me lâchai.» explique aujourd'hui Iya Mohamed. Peu désireux de voir, un privé acquérir Autant de parts et devenir le véritable patron de l'entreprise, les Français de Geocoton font une alliance de raison avec Iya Mohamed. La procédure de cession des parts à Baba Ahmadou est tout de même enclenchée. Les deux camps s'affrontent désormais de façon impitoyable et chacune compte ses alliés. Aucun moyen n'est économisé: pots de vin, réflexes tribalistes, menaces...Au bout du compte c'est le camp Iya qui gagne. Car feu le ministre Ndioro Justin, qui est alors au Finances, annule la procédure en 1995 du fait des nombreuses irrégularités qu'il y décèle.


Liquidation

Baba Ahmadou n'en démord pas. Son abnégation fini par payer quand en 2002, sur arbitrage du Président de la République, Paul Biya, il rentre dans le capital de l'entreprise, en reprenant, à travers la société mobilière d'investissement du Cameroun (Smic), les 11% de parts de l'Oncpb après la liquidation de cette dernière. L'Etat du Cameroun reste donc le premier fonctionnaire de l'entreprise avec 59% des parts. Dans la foulée, Baba Ahmadou devient administrateur de la Sodecoton. «Des lors, il va s'employer à saper directement tout mon travail», raconte Iya. «Ces accusations infondées de M. Iya Mohamed me surprennent, commence Baba Ahmadou Danpullo. Suis-je le patron du contrôle supérieur de l'Etat ou celui de la Conac? Il me semble que ce sont ces deux structures qui dépendent directement de la présidence de la République qui ont fait des enquêtes à la Sodecoton. Et ce sont les résultats de ces enquêtes qui sont à l'origine des ennuis judiciaires de M. Iya» s'énerve-t-il. Avant de poursuivre: «Nous sommes certes actionnaires à la Sodecoton, mais actionnaires minoritaires. Et je ne vois pas comment nous pouvons empêcher le Dg de travailler. La preuve, il nous est impossible d'ache¬ter quoi que ce soit à la Sodecoton, ni de l'huile, ni rien». Et si l'on se sou¬vient que Baba Ahmadou Danpullo a échoué en juin 2013 à faire nommer un de ses protégés à la tête de la Sodecoton après l'arrestation de Iya, l'on est enclin (et seulement enclin) à croire à cette dénégation...

Entre temps, d'autres têtes coucounées de la République sont rentrées publiquement dans la bataille. Tel le président de l'Assemblée nationale (Pan), Cavaye Yéguié Djibril (dont on a vu plus haut qu'il est très intéressé par le dossier) qui demanda solennellement le limogeage de Iya de la tête de la Sodecoton lors de l'ouverture de la session parlementaire de juin 2011 pour mauvais résultats; tel aussi Jean Nkueté, alors Vice-Pm en charge de l'agriculture qui quelques jours après, prit publiquement le contre-pied du Pan lors du lancement de la campagne agricole de 2011 et félicita Iya Mohamed pour sa gestion (rigoureuse et saine» de la Sodecoton. Et aujourd'hui encore, ce psychodrame au suspens Hitchcockien que ne renierait aucun cinéaste hollywoodien n'a guère livré l'identité de tous ses protagonistes. Les prochaines semaines restent donc singulière¬ment prometteuses à cet égard. 

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