Cameroun - Politique. Irrégularité : Ces fonds qui divisent les députés du Sud

Jean-Bruno Tagne | Le Jour Samedi le 11 Avril 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Huit élus Rdpc ont reçu des financements pour des projets villageois et certains les ont utilisés à leur propre compte.

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C’est l’histoire d’une lettre confidentielle qui n’aurait pas dû se retrouver entre des mains « indélicates ». Elle est datée du 1er avril 2015 et signée du député Rdpc Jean-Jacques Zam. Cette correspondance dont l’objet est « notre gratitude » est adressée au ministre de de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. Au nom de « Relais Sud », qui regroupe (en principe) les 11 députés de la région du Sud, l’expéditeur, très touchant, écrit : « A la fin de l’exercice 2014, huit députés de la région du Sud (Relais Sud) ont été gratifiés d’un appui financier du département ministériel dont la haute charge vous incombe en vue de la conduite sur le terrain de leurs projets agro-pastoraux. Y faisant suite, j’ai l’insigne honneur de vous témoigner en mon nom propre et en celui de tous les députés de la région du Sud, la profonde gratitude et les sincères remerciements qui auréolent cet acte immense. »

 

A la lecture de cette lettre qui a fuité dans les couloirs de l’Assemblée nationale, certains députés sont furieux et parlent clairement d’« affairisme ». « Pendant que nos populations attendent de nous qu’on les défende, il y en a parmi nous qui se battent pour leurs propres intérêts », s’emporte un élu de l’opposition. Le député Jean-Jacques Zam, lui, ne voit pas les choses de la même façon. Il pense que la gratification financière dont lui et quelques collègues ont bénéficiée est légale. Pour s’en convaincre, il brandit d’autres correspondances du même type adressées au ministre des Travaux publics, au ministre de l’Eau et de l’Energie, etc. « C’est du travail de lobbying normal de tout parlementaire, banalise- t-il. Nous avons posé des problèmes d’agriculture comme tout le monde peut le faire et le ministre nous a donné un appui financier tout à fait légal pour mener nos projets sur le terrain. »

 

Denrées tropicales

 

Certains députés avancent la somme de 25 millions qui aurait ainsi été offerte à chacun des huit députés. Jean-Jacques Zam, sans donner le montant, pense que la somme est bien moins que celle qui est avancée. Le député de l’Océan, Martin Oyono, qui faisait partie des huit bénéficiaires de la gratification financière, donne des chiffres plus précis. « Certains ont sollicité 12 millions, voire plus. Mais le ministre a fixé le plafond à 10 millions », jure-t-il. L’argent remis aux huit députés du Sud était-il destiné à financer les projets des populations qu’ils sont censés représenter ou leurs propres projets ? Au ministère de l’Economie, l’on pense qu’il n’a jamais été question pour le ministre de financer des individus, mais il a voulu appuyer des projets agropastoraux présentés par ces députés.

 

« Ils sont d’abord venus individuellement et c’est le ministre qui leur a demandé de se regrouper. Nous attendons d’eux qu’ils justifient l’usage de ces fonds sur le terrain. Ils doivent déposer un compte d’emploi », affirme un collaborateur du ministre. Il n’est pas sûr que le ministre de l’Economie et les heureux bénéficiaires de la manne financière aient eu le même entendement de la destination des fonds. Dans la lettre de gratitude, Jean-Jacques Zam au nom de « tous les députés du Sud » personnalise l’affaire lorsqu’il parle de « leurs projets agro-pastoraux ». Bien plus, il reconnaît être à la tête d’une grande exploitation agro-pastorale qui produit 8 000 poulets par bande, exploite une cacaoyère de 30 ha et vient de lancer un élevage bovin, le tout dans son village d’origine non loin d’Ebolowa.

 

Relais Sud

 

 

 Tout ceci étant exploité par le Gic Denrées tropicales, bénéficiaires des fonds. « En ce qui me concerne, soutient pour sa part Martin Oyono, je n’ai pas de Gic. J’ai proposé un Gic du département de l’Océan qui fait dans la transformation du manioc. Ce n’était pas de l’argent personnel, mais de l’argent destiné à financer les projets de nos populations que nous représentons. » Emmanuel Mbiam, lui aussi député du Sud, mais exclu de la liste des bénéficiaires de l’appui financier du ministre de l’Economie, est formel : les députés représentent le peuple et ne demandent des appuis que pour ce peuple et non pour eux-mêmes. « Les députés sont des élus de la Nation. Et dans ce cadre-là, un député a tout à fait le droit de saisir toute personne pouvant rendre un service à ceux qu’il représente, c’est-à- dire le peuple. Il a parfaitement le droit de voir qui il veut, dans l’intérêt uniquement des populations. »

Il faut relever que le groupe Rdpc à l’Assemblée nationale a créé des « Relais » dans chaque région du pays. Les chefs des « Relais » sont la courroie de transmission entre le Comité centrale du Rdpc et tous les députés de chaque région. Hors, dans le cas d’espèce, Jean-Jacques Zam écrit au nom de tous les députés du Sud qui sont 11 au total alors que seulement huit ont bénéficié de l’argent du ministère de l’Economie. « Il se trouve simplement que Me Mbiam n’était pas là, justifie- t-il. Un autre était évacué en France pour des problèmes de santé alors que le troisième était en mission au Qatar. C’est pour cela qu’ils n’ont pas été associés. »

 

Le député Emmanuel Mbiam est furieux de n’apprendre cette affaire que par des journalistes. « Je n’en étais pas informé, regrette- t-il. Je me suis rapproché du député Zam. Il m’a clairement répondu qu’il n’avait pas écrit une lettre pareille et qu’il ne s’est pas du tout engagé au nom de tous les députés du Sud, puisque je n’en faisais pas partie… J’ai dit à Zam. “Quand tu poses tes actes, il faut faire attention de ne pas parler au nom de tous les députés du Sud lorsque tous ne sont pas concernés“. »

 

 

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