Françafrique. Appel à l'insurrection : dans les petits plans de Jeune Afrique

Nadine Bella | La Météo Mardi le 26 Mai 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’hebdomadaire panafricain s’est lancé, depuis quelque temps, dans une entreprise de dénigrement contre le président camerounais, Paul Biya. Sa stratégie, ses objectifs, ses motivations, ses complicités…

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Les titres se suivent et se ressemblent : «Le péril jeune», «Les fantômes du palais», «Le fantôme d’Etoudi», «Malaise dans les rangs», «Biya jusqu’à quand ?», «Comment va le Cameroun ?», «L’inoxydable»… Et la trame de fond est toujours la même : montrer que le Cameroun va mal et est dirigé par un roi fainéant.

 

La dernière sortie de l’hebdo est tout un programme. Le magazine de Béchir Ben Yahmed, n°2836 du 17 au 23 mai, comme nous le relevions déjà la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, a sorti une édition Cameroun au titre fort évocateur : «Qui dirige vraiment ?» Le sous-titre l’est beaucoup plus encore : «Politique, économie, sécurité… le président Paul Biya s’appuie sur une poignée de fidèles, qui exercent par procuration, un pouvoir considérables». Le choix de l’illustration est tout aussi disant : une photo de Paul Biya à la mine plus que désenchantée, avachi et délibérément présenté sous les traits d’un homme au bord de la somnolence.

 

À la lecture du sujet, qui tient sur quatre pages (30 à 34), l’on se rend rapidement à l’évidence que le magazine de la Rue d’Auteuil fait usage de la mauvaise fois pour démontrer qu’il n’y a plus personne à la tête de l’État, que l’administration est bloquée. «L’on est définitivement rentré dans une logique constante de diabolisation du régime», commente le correspondant d’une agence de presse internationale à Yaoundé, et d’ajouter : «Dans son édition de la semaine dernière, le journal prétend que le Cameroun n’est plus gouverné. Il appelle, en effet, le peuple à prendre ses responsabilités en descendant dans la rue pour balayer le régime en place. C’est une fois de plus une invite à l’insurrection, car il y avait déjà ce message derrière ‘’Le péril jeune’’.» La réalité du terrain se veut pourtant tout autre.

 

L’envers du décor. «S’il est une chose qui fait l’unanimité au Cameroun, c’est que le président Paul Biya tient solidement le gouvernail. Il veille au grain», analyse le journaliste mentionné plus haut. Pour lui, «il ne faut pas se leurrer. Malgré les vives récriminations que certains Camerounais font à leur chef de l’État, ils sont respectueux de l’institution républicaine qu’il représente. Pour preuve, comme un seul homme, l’ensemble de la nation a répondu favorablement à l’appel de Paul Biya dans la guerre qu’il a déclarée contre la secte islamiste Boko Haram». Et de conclure : «Ils n’accepteront jamais une ingérence étrangère ou qu’on leur impose une conduite à tenir. Les revendications des années 90 et de 2008 sont parties des Camerounais eux-mêmes. C’est un peuple suffisamment mature et souverain. Même la gesticulation actuelle d’une poignée de parlementaires français n’y peut rien. Le Cameroun c’est le Cameroun. Ce qui marche ailleurs ne marche pas forcément au Cameroun.»

 

Un autre fin observateur de la scène politique nationale commente lui aussi cette sortie de Jeune Afrique. Pour lui, la rédaction de François Soudan est carrément à côté de la plaque. «Les ministres et autres responsables de la haute administration ont certes un rôle important à jouer, conformément aux textes en vigueur, mais personne n’a de pouvoir devant Biya. C’est lui le chef. Il veille sur tout, prend les initiatives et décide. Comme dans la guerre contre Boko Haram.» Pour lui, «Paul Biya donne parfois l’impression de laisser faire, mais c’est à dessein. Et c’est même très dangereux quand il vous laisse faire... C’est le moment de faire très attention, car votre fin est proche. Prenez l’exemple de Marafa Hamidou Yaya, Titus Edzoa, Atangana Mebara… A un moment donné, ils ont pensé qu’ils dirigeaient le Cameroun, multipliant des bourdes, des intrigues, se projetant même sur le trône. La suite, on la connait». Et de renchérir : «Comme tous les dirigeants du monde, Paul Biya s’appuie sur un groupe de femmes et d’hommes à poigne pour asseoir son pouvoir. Et c’est lui-même qui choisit ces personnes. Personne ne peut influencer les choix de Paul Biya. C’est son pouvoir discrétionnaire. D’ailleurs, vous verrez d’ici la fin de l’année.»

 

Le désamour permanent

 

Les relations entre le groupe de presse de Béchir Ben Yahmed (Bby), tiré par l'hebdomadaire «Jeune Afrique» et le Cameroun sont vieilles de près d’un demi-siècle. Les deux régimes qui se sont succédé à la tête du pays les ont gérées parfois dans la turbulence, souvent avec bonheur. Du temps d'Ahmadou Ahidjo, le Guinéen Siradiou Diallo, de regrettée mémoire, alors directeur de la rédaction de JA, avec femme et enfants, passait ses vacances dans les palais présidentiels de Garoua ou de Yaoundé.

 

Lorsque Paul Biya hérite du pouvoir, le 6 novembre 1982, les relations entre Yaoundé et la Rue d’Auteuil deviennent mi-figue mi-raisin. Le journal semble nostalgique d’une certaine époque. Le titre de son édition 1210, du 14 mars 1984, le démontre à suffire : «Fallait-il condamner Ahmadou Ahidjo ?»

 

Puis vint 1997. Un certain Marafa Ahmidou Yaya est nommé secrétaire général à la présidence de la République. Il se murmure dans le sérail que dès son installation, l’ingénieur pétrochimiste fait entrer au palais de l’Unité de grands communicants. Patricia Balme, Stéphane Foucks et François Soudan prennent leurs habitudes à Yaoundé. On déroule le tapis rouge au directeur de la rédaction de JA, une suite est régulièrement réservée au Yaoundé Hilton Hotel. Des recommandations partent d'Etoudi vers des ministères et entreprises publiques, pour des abonnements groupés ou des achats d'espaces dans l'une ou l'autre des publications du groupe de Bby. C’est le temps des amours.

 

La lune de fiel commence en 2010. Dans les hautes sphères de la République, cela ne fait plus l’ombre d’un doute : Marafa est en délicatesse avec le chef de l’État. Il est même mis en quarantaine par d’autres membres du gouvernement. Jeune Afrique sort du bois. Dans sa version en ligne du 27 juillet 2010, Georges Dougueli accuse le gouvernement, égratigne le secrétaire général de ses services (Sg/Pm), Jules Doret Ndongo, le qualifiant de pur «produit d'Atangana Mebara». L’escalade se poursuit dans la livraison n°2614. Sous la plume de François Soudan et d'Alain Faujas, la critique est poussée : le Cameroun fait du sur-place, il somnole encore, à neuf mois de l'élection présidentielle.

 

Le mariage se gâte définitivement lorsque Marafa est arrêté. François Soudan, dans son éditorial paru dans le n°2751 du 29 septembre au 5 octobre 2013, qualifie le procès de Marafa Hamidou Yaya d’aberration judiciaire. Le récent dossier, intitulé : «Qui gouverne vraiment ?» semble s’appuyer lui aussi sur des allégations de l’ancien ministre de l’Administration territoriale. Il y est abondamment cité. Visiblement, Jeune Afrique est le bras séculier de l’ex-Minatd.

 

Ô, jeûne à fric !

 

 

 Il y a quelques mois encore, c’est le putschiste Guerandi Mbara qui s’affichait à la Une de Jeune Afrique, l’annonçant comme ayant été enlevé par les services secrets camerounais et sommairement exécuté. Ce que JA n’a pas dit à propos de cette histoire, c’est que c’est le mercenaire Jose Alberto Fernandez en personne, las d’attendre la rétribution prétendument promise par les autorités camerounaises pour «services rendus», soit 350 millions de francs Cfa, qui s’est rendu dans les locaux du journal basé à Paris pour relater son infortune. Ses révélations arriveront à point nommé, à un moment où JA et le Cameroun sont en froid.

Vers la fin des années 90, ce journal et le gouvernement camerounais avaient conclu des accords selon lesquels le pays lui verserait 629 millions de francs Cfa tous les mois. Cette somme couvre les opérations de monitoring, d’image et autres prestations de lobbying en faveur du Cameroun. Elles n’ont plus été honorées depuis près de 4 ans, sur décision, apprend-on de Paul Biya qui ne voit pas l’opportunité d’une telle dépense. Surtout que celui qui avait initié ces accords est en disgrâce. Ainsi sevrés de la manne financière, les dirigeants de JA ont accueilli les «révélations» du mercenaire Jose Alberto Fernandez comme une véritable aubaine pour régler leurs comptes au gouvernement camerounais. Il s’agit en réalité d’un odieux chantage exercé sur les autorités du pays. Et le Cameroun n’est pas la seule cible de ces maîtres chanteurs installés sur les bords de la Seine. Au nom du «gombo».

 

Par ailleurs, d’autres observateurs pensent que les sorties récurrentes de Jeune Afrique contre le Cameroun sont nourries par des ennemis de la République, tapis dans l’ombre et qui voudraient mettre fin au régime du Renouveau. Ils trouvent que le démon, ou plutôt les commanditaires de ces publications mensongères, ne sont ni à Paris ni à Washington, mais bien au cœur du système à Yaoundé. Pour eux, les articles de Jeune Afrique sont le fruit de manœuvres de minuit, celles de pyromanes qui entendent, à travers le bal des rétorsions contre le régime de Biya repris par le journal de Béchir Ben Ahmed, projeter une image autre du Cameroun.

 

 

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