Cameroun - Nigéria. Cameroun-Nigeria : du soupçon à la confiance

Marie Claire NNANA | Cameroon-tribune Lundi le 01 Juin 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’Afrique en miniature et le géant de l’Afrique. Le Cameroun et le Nigeria. Deux pays que tout sépare ?

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Peut-être. Le Cameroun : un triangle attachant et atypique à la fois, véritable patchwork humain et culturel ; 250 langues nationales, sans doute plus. Deux langues officielles. 300 partis politiques. 600 journaux et périodiques. 15 télévisions. Excusez du peu ! Mais aussi trois histoires coloniales, qui sont autant de résurgences du passé, contribuant à complexifier un héritage déjà fort baroque. Enfin, deux religions dominantes, mais tant d’autres chapelles, églises, et cultes…

Que dire du Nigeria ? C’est la terre des hyperboles et de la démesure : le pays le plus peuplé d’Afrique, qui représente la fédération de 36 Etats, dont certains appliquent la charia. C’est aussi le PIB le plus élevé du continent, le premier producteur de pétrole, le temple des églises de réveil à l’américaine, la plus grande industrie de films au monde. Un géant économique qui n’en finit pourtant pas d’essayer de dompter ses démons intérieurs, qui lui mordent cruellement dans la chair au moment même où ses records économiques s’envolent : rébellions armées, pénuries, extrémismes religieux, équilibre sociopolitique instable entre le Nord et le Sud, et la liste n’est pas exhaustive.

Qui sait, c’est peut-être dans la gestion de ces fragilités qu’il faut convenir que le Cameroun et le Nigeria sont plus proches qu’il n’y paraît de prime abord. Par un caprice de la nature, ou de la volonté coloniale, ils sont collés, dos à dos comme des frères siamois, sur plus de 2000 kilomètres. S’ils veulent vaincre les périls qui planent sur la gestion d’une si longue frontière, s’ils veulent capitaliser un voisinage aussi étroit, ils n’ont pas d’autre choix que de se faire face, pour parler. Et tenter de regarder ensemble dans la même direction.

Avant la géographie, c’est l’histoire qui avait entrepris de rapprocher les deux voisins, à travers les mouvements incessants des populations frères, de part et d’autre de la frontière, la naissance d’échanges humains et culturels et surtout la naissance d’un commerce florissant qui est devenu un volet important de leur relation commune. Mais au-delà de cette vision angélique et fleur bleue du couple, il est loisible de penser que les Nigérians n’ont pas effacé de leur mémoire la brûlure de la guerre du Biafra, et que le référendum qui a rattaché une partie du Cameroun au Nigeria, a constitué pour le Cameroun lui aussi une blessure ouverte.

C’est pourtant sur les cicatrices encore douloureuses du passé que s’est greffé le conflit frontalier de  Bakassi entre le Cameroun et le Nigeria. Après avoir fait le choix des armes, le Nigeria, qui se considérait comme le Goliath de cette histoire, s’est finalement rangé à la position du petit David qui n’était autre que le Cameroun : mettre fin à l’escalade de la guerre et s’en remettre à la justice internationale. Même le verdict de la Haye, qui attribuait au bout de dix années de procédure la paternité de la péninsule de Bakassi au Cameroun, n’a pas mis un coup d’arrêt à la volonté commune de reconstruire une relation forte.

Mais une relation sous-tendue par tant d’intérêts divers et souvent contradictoires est forcément longue à consolider. L’actualité récente de la guerre contre Boko Haram est là pour le prouver. On a cru percevoir entre les deux pays des discordances sur la méthode, une forme d’incompréhension. L’un était tétanisé par la violence du groupe terroriste, et l’importance de l’enjeu, car Boko Haram pouvait constituer un caillou dans sa chaussure, dans la perspective de sa marche vers la conquête d’un second mandat. L’autre, le Cameroun était excédé de ne pas avoir l’engagement inconditionnel et total de son partenaire dans cette guerre subie contre Boko Haram.

Toutefois, il est heureux dans cette phase délicate de la relation que pour les leaders des deux pays, l’objectif caressé était resté le même, à savoir anéantir  Boko Haram. Tout comme leurs intérêts communs et la détermination à y travailler ensemble, malgré le changement de pouvoir politique au Nigeria. Il ne pouvait en être autrement à la réalité. Dans une vision pragmatique des choses, le Cameroun et le Nigeria sont pour ainsi dire condamnés à s’entendre, en particulier sur la question sécuritaire.

En effet, s’il est acquis pour les observateurs que pour le président du Cameroun, la paix et l’intégrité du pays ne sont pas négociables, et figurent en première place dans son ambition pour le pays qu’il dirige, la persistance de l’instabilité pour cause d’absence volonté politique, de mollesse ou d’inorganisation de son armée, serait en revanche pour le Nigeria, une véritable griffe. Si la première économie d’Afrique, continent prometteur et en voie d’émergence, ne peut pas assurer la sécurité à ses frontières, il n’est plus qu’un géant aux pieds d’argile, dont les efforts de développement sont à la merci des barbares.

Nous pouvons donc nous en donner l’assurance : dans cette nouvelle ère politique qui s’ouvre pour le Nigeria, le combat contre Boko Haram sera poursuivi et gagné avec la coopération pleine et entière du Cameroun. Pour le président du Cameroun, c’est une affaire de foi et de fidélité en sa propre vision. Pour le Nigeria, c’est bien plus que cela : c’est une question d’honneur.

Pourtant, il faut aller plus loin que les obligations officielles d’un mariage de raison. Il faut créer la confiance, il faut intensifier les échanges commerciaux et les projets de développement commun, qui peuvent tant apporter à leurs populations, et à l’Afrique. En se prenant la main pour développer leurs zones frontalières, et la partie septentrionale de leurs territoires respectifs, ils donneront à la Jeunesse manipulée par les extrémistes de tous bords une nouvelle espérance et une vie nouvelle.

 

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