Cameroun - Politique. Pouquoi le SDF perd le nord

INNOCENT-BLAISE YOUDA | L’Oeil du Sahel Lundi le 01 Juin 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
En un quart de siècle, le leader de l’opposition a gaspillé ses opportunités dans le Grand-Nord.

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Au soir du samedi 26 mai 1990, toute l’attention du Cameroun est tournée vers Bamenda où viennent d’avoir lieu des incidents entre l’armée et des citoyens. Bilan, 6 morts. L’incident survient à la suite d’un meeting organisé par John Fru Ndi et ses camarades pour lancer les activités du Social democratic front (SDF). Dans les régions septentrionales comme dans toutes les autres régions du Cameroun, on suit avec une attention particulière l’actualité de Bamenda.

 

Surtout que celle-ci se déroule à un moment où le climat social est loin d’être favorable au régime de Yaoundé. Dans le groupe qui accompagne Fru Ndi, ci-devant militant du Rdpc dans l’ancienne section de la Mezam, il ne se trouve aucun originaire du Grand-Nord. Un handicap qui ne va pourtant pas empêcher les « Hunting Dogs », comprenez Chien de chasse, groupe de volontaires mis sur pied par les promoteurs du SDF pour parcourir le Cameroun entre mai 1990 et janvier 1991, à la recherche des militants et pour l’implantation du nouveau parti, à se rendre dans le Septentrion.

 

Les émissaires du SDF ne seront pas accueillis en héros dans cette partie du pays. Les leaders politiques du Grand-Nord, en plus de n’avoir pas été associés à cette démarche, sont, eux aussi, en train de s’activer dans l’ombre autour du projet de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, porté à ce moment par feu Samuel Eboua, ancien secrétaire général à la présidence de la République et compagnon de Bello Bouba Maïgari au gouvernement sous l’ère Ahidjo et même de Biya.

 

EQUILIBRE RÉGIONAL

 

Dans la mouvance démocratique que connaît le Cameroun à cette période, le président Paul Biya décide alors d’organiser des élections anticipées en octobre 1992. Le président national du SDF qui est alors candidat en profitera pour faire le tour de tous les arrondissements des trois provinces de l’époque dans le Grand-Nord, dans le cadre de sa campagne. Au passage, des recrutements de nordistes sont opérés. Souleymane Mahamat, de regrettée mémoire, est porté à la première vice-présidence du parti dans le cadre de la politique d’équilibre régional que le SDF instaure à la direction du parti.

 

Au soir de l’élection présidentielle du 11 octobre 1992, John Fru Ndi s’en sort avec un résultat très honorable dans la partie septentrionale du pays. Sa moyenne est de 20 à 25% dans les trois régions du Grand-Nord. Vient alors l’après élection et l’implantation proprement dite du parti sur le terrain. Dans le Septentrion, le parti de Fru Ndi doit faire face à l’Undp de Bello Bouba Maïgari qui est entrée dans la danse entre-temps et jouit d’une côte de popularité très importante dans le secteur. Derrière, suivent les élections municipales du 21 janvier 1996. Le SDF, en plus de rafler la majorité des grandes villes dans le Grand- Sud, se paye le luxe de rafler également des conseillers municipaux dans l’ancienne commune à régime spécial de Maroua.

 

Pour remercier les militants de l’Extrême-Nord, Maroua accueille les travaux du congrès du SDF en 1996. Malheureusement, les élections législatives de 17 mai 1997 montreront bien que le parti a encore du chemin à faire dans le Grand-Nord. Saidou Yaya Maidadi succède à Souleymane Mahamat en 1996. Il est principalement chargé d’implanter les structures du parti dans son fief. Un travail que le natif de Garoua fait avec succès. En ligne de mire, la préparation des élections couplées (municipales et législatives de 30 juin 2002). Entre-temps, la direction du parti se montre peu disposée à répartir les fruits de ses succès en part égale sur l’ensemble du territoire. Dans toutes les institutions où elle est présente, les militants originaires du Nord-Ouest, quel que soit l’endroit, s’octroient la plus grosse part du gâteau. Dans ce jeu de répartition inégale des parts du succès, le Grand-Nord se retrouve grand perdant.

 

Les efforts des cadres comme Saidou Yaya Maidadi, commencent à avoir du plomb dans l’aile. Pour ne rien arranger, une grosse brouille oppose John Fru Ndi à Seydou Yaya Maidadi et certains cadres du parti, au sortir des élections municipales et législatives de 30 juin 2002. Ce leader du SDF démissionne de son poste de premier vice-président du parti et quitte le navire, emportant avec lui une bonne frange de militants du Grand-Nord. Il n’a jamais été remplacé par un fils du Septentrion comme lui. Mieux, le parti n’a plus jamais connu de cadre nordiste de ce rang dans l’équipe dirigeante. Sur le terrain, la démobilisation s’accroît au profit de l’Undp et du MDD de Garga Haman Adji, qui gagne du terrain, notamment dans la région de l’Extrême-Nord. Aucun effort n’est fait dans le sens de la mobilisation et de la formation des militants.  

 

BÉTAIL ÉLECTORAL

 

 

 Malgré les départs en cascade des militants dans le Grand-Nord, les circonscriptions électorales ne disparaissent pas. Des militants, très souvent fictifs, sont fabriqués lors des rendez-vous électoraux internes ou nationaux pour servir certaines causes. Au SDF, la règle veut qu’on ne brigue aucun poste statutaire en dehors du congrès du parti avec l’obligation de passer par des élections. Des cadres du parti, avec le soutien de la direction, entretiennent régulièrement quelques militants pour maintenir en vie les structures du parti dans le Grand- Nord. Ces structures devant fournir  des militants en fonction du quota par circonscription électoral pour servir d’électeurs lors des congrès électif notamment.

Au sein du congrès du SDF, le Grand-Nord, qui compte 89 circonscriptions électorales, dispose de plus de 356 délégués au congrès, tous ayant le droit de vote, sur un total de près de 1400 délégués, soit environ 25% des voix. Le même intérêt est porté vers les militants du Grand-Nord lors des consultations électorales nationales. Le parti paye systématiquement la caution de ses candidats dans cette partie du territoire à toutes les élections municipales, législatives et sénatoriales depuis 1996. L’objectif ici n’est pas de gagner absolument. Les militants sont invités à se battre pour obtenir au moins 5% dans leurs circonscriptions électorales, ce qui est synonyme de remboursement de la caution, mais aussi et surtout, de la garantie du financement publique dans cette circonscription.

 

Une technique qui vise en fait à augmenter l’enveloppe du parti s’agissant de ce financement. A la faveur des dernières élections sénatoriales d’avril 2013, le parti a obtenu, pour la première fois, des élus au parlement dans cette partie du territoire. Une victoire que le SDF a obtenue grâce à la disqualification de la liste du Rdpc dans la région de l’Adamaoua. Des 7 sénateurs représentant le SDF dans cette région, aucun ne revendique un passé de fervent militant. L’actuel vice-président du groupe parlementaire du SDF au sénat, par ailleurs président régional du SDF pour l’Adamaoua, Aboubacar Siroma, a reconnu, dans une confidence à un de ses proches, que leur succès était un hasard du destin.

 

 

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