Lutte contre Boko Haram. MAROUA : Comment les familles des victimes des attentats font leurs deuils

JEAN AREGUEMAI | L'Oeil du Sahel Lundi le 03 Aout 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les difficultés de l’organisation des obsèques varient d’une famille à une autre.

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Mardi, 28 juillet 2015. Il est 15h10. Tristesse. Consternation. Recueillement. C’est l’atmosphère qui règne dans la famille d’Adamou Siddi. Ce dernier, dont les membres de la famille sont inconsolables, a brutalement trouvé la mort dans l’attentat kamikaze perpétré au quartier Pont-Vert, le samedi, 25 juillet 2015. A seulement 31 ans, ce père de deux enfants quitte la scène à la fleur de l’âge, à cause de la barbarie de Boko Haram. L’explosion l’a surpris alors qu’il était sorti chercher des oranges pour ses enfants. «Avant de quitter la maison, il s’amusait avec sa femme et ses deux enfants. Il a dit à ses enfants : «Je sors vous acheter des oranges et je reviens tout à l’heure». Ses enfants attendaient donc impatiemment son retour. Il avait déjà acheté les oranges. C’est au moment où il prenait le chemin du retour que l’explosion a déclenché», témoigne Haman Siddi, le grand-frère du défunt.

«J’étais avec lui le samedi matin. Il est mon ami d’enfance. Il me parlait du projet de construction de sa maison, car il souhaitait quitter la maison familiale», raconte Gaston Boulwé, l’ami du disparu. Adamou Siddi a été inhumé dans la pure tradition musulmane, dimanche matin, au lendemain de sa mort. Sa famille et le voisinage portent encore le deuil. Des amis et autres connaissances viennent consoler la jeune épouse du défunt, ainsi que ses parents. La famille n’a reçu aucun appui financier des pouvoirs publics pour l’organisation du deuil. «Nous recevons beaucoup de gens qui viennent nous présenter leurs condoléances. Mais nous n’avons pas d’argent pour leur offrir à manger à l’heure du repas.

Au septième jour de sa mort, on devrait normalement organiser les funérailles. Mais au regard de la situation de notre famille, je vois que cet événement va vraiment peser sur nous», se désole Haman Siddi. Du vivant de son frère cadet, c’est sur lui que reposait la charge de sa petite famille et celle de ses parents, grâce aux revenus qu’il tirait de son moulin à écraser. Mais depuis son décès, ce moulin, installé à l’entrée de sa maison, n’est plus en activité. Désormais, pour l’épouse du disparu, c’est l’incertitude qui pointe à l’horizon.

PRÉCARITÉ AMBIANTE

A 50 m de la demeure d’Adamou Siddi, une autre famille porte également le deuil : celui de Zeba Ndjidda. Le boulanger, né en 1986 à Dir, a lui aussi été foudroyé par l’explosion. Il s’y est retrouvé parce qu’il voulait acheter des médicaments contre la fatigue. Grièvement blessé, c’est à l’hôpital régional de Maroua qu’il est passé de vie à trépas le lendemain, et immédiatement enterré. «Il n’allait plus à cet endroit depuis longtemps. C’est certainement la mort qui l’y a conduit. Il s’y est rendu précipitamment pour acheter des comprimés et voulait vite retourner chez lui se reposer, après avoir passé une nuit et une journée au travail. Il devait reprendre le service le lendemain matin à 5 h», explique Celine Isabo, l’épouse du disparu.

Cette femme, née en 1980, n’a que ses deux enfants et quelques proches autour d’elle pour la consoler dans cette épreuve difficile. Pas de natte dans la cour pour les visiteurs, encore moins de la nourriture. La famille est pauvre. «Dans notre quartier, s’il n’y a pas à boire et à manger au lieu du deuil, il n’y aura pas beaucoup de gens. Ces quelques personnes présentes, ce sont les membres directs de notre famille», précise la soeur du défunt. C’est dans cette atmosphère que la famille, quasiment abandonnée à elle-même, gère son deuil. Toujours au quartier Pont-Vert, à 200 m des deux familles endeuillées, pleurs et consternations guident les curieux. Deux frères sont morts dans l’attentat : Djibrilla Ngouloumna, né en 1985, et Makisia, né en 1988. Ils étaient respectivement vigile et vendeur d’oranges. Le frère des défunts est sans voix. Pour lui, c’est un tsunami qui a frappé leur famille.

Autre lieu, autre quartier. Nous sommes à Pitoaré, ce mercredi, 29 juillet 2015. A 8 h 55, les membres de la famille de Fedama Kelevene sont dans l’émoi et le recueillement. Ce dernier, connu sous le nom de «Fami», est mort avec son épouse Djebba Timedé, dans l’attentat du Pont-Vert. «Il est sorti de la maison pour aller à son lieu de service à la sous-préfecture de Maroua 3e, où il occupait les fonctions de gardien. Puis, sa femme l’a rejoint là-bas avec de la nourriture. Avant de manger, ils ont décidé d’aller au Pont-Vert prendre un jus en attendant l’heure de travail. C’est comme ça que l’explosion les a surpris», raconte Fandaï Zaïgaï, frère du défunt. Fedama Kelevene, de son vivant, en plus d’être gardien, était planton à la délégation régionale de la Santé publique de l’Extrême-Nord.

C’est à ce titre que le délégué régional de la Santé publique, Dr Rebecca Djao, a offert à la famille deux cercueils, un sac de riz, des litres d’huile de cuisine et autres ingrédients, en guise d’aide pour l’organisation du deuil. Maroua porte donc son deuil, avec courage et dignité.
 

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