Présidentielle 2011. Cameroun: Lettre d’un citoyen camerounais indigné à Hillary Clinton

C.P : Citoyen Omgba Bissogo Lundi le 06 Juin 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Madame,En mon nom propre, auxquels s’associeront tous les millions de damnés de la terre qui habitent ce coin du paradis terrestre que nous appelons le Kamerun, je m’adresse à vous, afin de vous dire mon indignation après le message que vous avez fait parvenir à l’occasion de la célébration de la Fête Nationale (20 Mai) du régime qui dirige notre pays contre la volonté de la majorité écrasante des Kamerunais.

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En effet, votre message arrive au moment où la plupart des citoyens ont besoin de trouver enfin le moyen de mettre fin à la dictature kamerunaise que vous avez toujours reconnue et soutenue, contre vents et marées populaires.

Sous le prétexte de contribuer à faire de la présidentielle à venir un scrutin libre et transparent, vous avez écrit cette lettre qui trompera une bonne partie de nos concitoyens mal informés. Certaines organisations civiles kamerunaises pro-américaines se satisfont même déjà de ce que vous avez, d’après elles, déclaré : « Le reste des Etats-Unis voué à travailler avec le gouvernement du Cameroun dans le renforcement de  la démocratie, la  gouvernance, et l’Etat de droit, nous attendons avec intérêt de voir le peuple du Cameroun exercer leur droit de voter à la fin de cette année dans une élection présidentielle libre, transparente et crédible. »

Cette position serait louable si nous ne savions pas qu’à la veille de l’indépendance du Kamerun, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique compta parmi les pires adversaires de la lutte émancipatrice du peuple kamerunais conduite par l’Union des populations du Cameroun (Upc).

Associées notamment à la France et accessoirement à la Grande-Bretagne, les autorités de votre pays tentèrent d’empêcher Ruben Um Nyobe de porter la voix légitime de ses compatriotes à l’assemblée des Nations Unies pourtant déclarées terre d’accueil pour tous les peuples opprimés du monde. A l’Onu, systématiquement, les Etats-Unis se sont alignés derrière la France pour voter contre l’indépendance réelle du Kamerun. Le sommet de cette forfaiture fut le silence assourdissant du monde dit libre lorsque au mépris des règles démocratiques l’Upc fut tour à tour interdite et exclue du jeu politique pour des motifs pour le moins fallacieux. Même lorsque la France assassina de manière odieuse Ruben Um Nyobe, père de la nation kamerunaise indépendante à venir, ce crime ne suscita point de votre part et de vos alliés le moindre changement de ligne directrice. Pire, c’est avec des armes et le soutien financier de Washington qu’a été bâtie au Kamerun l’une des pires dictatures que l’Afrique et le monde aient connues.

Au lieu de rivaliser avec les dragons asiatiques comme son destin, ses richesses naturelles et surtout son extraordinaire aspiration populaire au progrès le permettaient, le Kamerun se trouva bloqué dans un système d’ensauvagement dirigé par Ahmadou Ahidjo, grand ami et protégé de Washington. Des années de violence politique, d’atrophie économique et d’anéantissement de la pensée pour le progrès humain se sont écoulées. Le « Cameroun » de votre allié Ahidjo dura 24 ans. Puis, vint Paul Biya, successeur d’Ahmadou Ahidjo et digne continuateur de son œuvre qui perdure jusqu’aujourd’hui. Pendant ce demi-siècle, Madame, nous n’avons pas vu les Etats-Unis regretter leur choix manifestement mauvais pour le Kamerun. Votre gouvernement n’a pas favorisé un redressement du tort qu’il a causé aux populations kamerunaises.

Certains relèveront à votre décharge les messages pseudo critiques que la diplomatie américaine adresse souvent indistinctement aux dictatures de par le monde et à celle du Kamerun en particulier. Mais, au fond, qu’ont-ils changé fondamentalement à notre sort ? Vous en conviendrez avec moi : rien n’a changé. Ou plutôt, noterons-nous, le conflit est-ouest qui structurait la marche du monde a pris fin, mettant les puissances occidentales en situation de quasi monopole dans la direction des affaires mondiales. Il est donc normal que vous tentiez de temps à autre de vous distinguer de la France. D’ailleurs, dans la course aux richesses africaines et à la puissance géostratégique, une telle posture peut vous aider sans avoir à délier votre bourse. Les Kamerunais abrutis par la dictature sont en effet prêts à écouter n’importe quel discours même banalement opposé à la fraude électorale qu’ils subissent depuis plus de cinquante ans !

Madame le Secrétaire d’Etat, vous comprendrez donc que dans ces conditions, nous autres Kamerunais ne soyons pas d’accord avec vous. Non pas que nous souhaitons le prolongement indéfini de la dictature kamerunaise ; c’est bien le contraire que nous attendons.

Et comme le vaillant peuple américain hier sous la dictature coloniale britannique, nous saurons nous libérer. Avec ou sans l’aide de pays amis de la liberté, de la justice, de la démocratie et du progrès humain. Comme vos ancêtres avec les Français qui volèrent au secours de la guerre d’indépendance américaine, les Kamerunais seront prêts, nous le croyons, à travailler avec des nations et des groupes d’individus amis.

Au lieu de jouer à la critique d’un régime impopulaire, dictatorial, opposé au bien-être des Kamerunais, un régime que vous reconnaissez comme légitime et que vous soutenez de mille manières, vous devriez écouter les aspirations des femmes et des hommes du Kamerun. Nous vous appelons à changer votre politique. Abandonnez toutes formes d’aide à Biya et ses copains : au Fmi, à la Banque mondiale, à l’Usaid et ailleurs. Tout cela ne profite à la fin qu’à stabiliser le pouvoir d’une bande de kleptocrates qui nous gouvernent. Dénoncez vigoureusement les massacres réguliers, dénis de droit et abus de toutes sortes dont les autorités actuelles du Kamerun se rendent régulièrement coupables contre leur peuple. Remettez aux organisations populaires kamerunaises les informations actuelles et les copies des archives (en attendant leur transfert à des autorités légitimes) des nombreuses actions des Kamerunais en faveur de leur indépendance réelle et que vos organisations spécialisées (Cia, Secrétariat d’Etat, etc.) détiennent.

Ces actes traduiront votre volonté de réparer le tort incalculable que vous avez fait aux femmes et aux hommes qui habitent le Kamerun. Ils ouvriront également la voie à une nouvelle forme de coopération entre le gouvernement américain et les Kamerunais, au profit de nos deux peuples pareillement épris de paix, de bien-être et de justice.

Je vous prie de croire, Madame le Secrétaire d’Etat, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Yaoundé le 05 juin 2011
C.P : Omgba Bissogo, Citoyen kamerunais

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