Présidentielle 2011. Vers le vote des Camerounais de la diaspora

Mutations Jeudi le 28 Juillet 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le 13 juillet 2011, le président de la République a promulgué la loi n°2011/013 «relative au vote des citoyens camerounais établis ou résidant à l’étranger» adoptée lors de la deuxième session extraordinaire de l’année législative 2011.

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L’adoption de ce texte conforte le constat selon lequel, depuis 1996, et plus encore depuis le début de l’actuelle législature, le domaine de prédilection de la session extraordinaire est le domaine du droit électoral. Cette promulgation constitue une démarche politique importante, dans la logique de l’implication des ressortissants camerounais vivant à l’étranger dans la vie socio politique nationale.

De fait, l’intervention de cette loi s’inscrit dans une conjoncture d’une demande toujours plus forte des diasporas camerounaises d’être reconnues et associées à la vie de leur patrie, demande qui semble recevoir une écoute, attentive ou intéressée, de la part des responsables politiques. Les rencontres toujours plus récurrentes entre les pouvoirs publics et les compatriotes de l’étranger, au Cameroun et à l’étranger, les missions organisées en vue de rencontrer et d’écouter les diasporas, expriment sans doute cette ouverture vers cette partie de la communauté nationale. C’est dire que la loi adoptée intervient dans un contexte politique précis, marqué qui plus est par la perspective de l’élection présidentielle. Elle marquera sans doute un tournant décisif dans le rapport psychologique de l’Etat avec ses enfants vivant hors des frontières.

Ce texte brille, et peut –être intrigue, par sa concision. En tout, sept articles, pour traiter de l’importante problématique. Lorsqu’on les parcourt, on peut avoir une double attitude : soit s’en réjouir et penser, comme Napoléon le disait de la bonne Constitution, à savoir qu’elle doit être courte et obscure, que la loi devait rester économe de détails ; soit s’en inquiéter, s’agissant d’un domaine sensible, et penser que la loi, sans aller dans tous les détails certes (quelle loi peut du reste aller dans tous les détails ?), devait être un peu plus explicite sur les questions abordées, et ne pas les renvoyer au domaine réglementaire, lequel échappe à la vigilance du législateur.

Le texte adopté, très positif quant à l’objectif politique poursuivi, lequel ne peut qu’être approuvé par tout esprit de bonne foi, soulève néanmoins, d’un point de vue juridique, un problème de constitutionnalité, dans la mesure où il renvoie au règlement des questions dont on peut raisonnablement penser qu’ils relèvent du domaine de la loi, du domaine de la compétence exclusive du pouvoir législatif, notamment : «la composition et les modalités de fonctionnement des commissions électorales», «les modalités spécifiques applicables aux opérations préparatoires à l’élection du Président de la République et au référendum, à l’organisation et à la supervision des opérations électorales et référendaires, aux opérations de vote ainsi qu’au recensement des votes des citoyens camerounais établis ou résidant à l’étranger». Dans l’ordre juridique camerounais tel qu’il existe actuellement, ces matières ne sont traitées et n’ont jamais été traitées, en détail, que par les lois électorales, parce qu’il appartient au législateur seul de les «fixer», et cette prérogative constitutionnelle, laquelle est également une sujétion, ne peut être transférée par le législateur, non pas au domaine de l’ordonnance, mais directement au domaine du règlement, car alors il y a modification du partage des domaines respectifs de compétences établi par la Constitution entre la loi et le règlement.

Lorsque la loi promulguée énonce à ses articles 3 alinéa 4 et 4 que les matières qui y sont traitées sont «fixées par voie réglementaire», alors que la Constitution prévoit clairement que les règles régissant l’élection présidentielle et le référendum sont «fixées» par la loi , il y a là sans doute matière à réfléchir. Le changement, lors du débat législatif, à l’article 4 du terme «les règles», par celui actuel des «modalités» ne suffit certainement pas à régler le problème. Certes, selon les termes de l’exposé des motifs du projet de loi, le recours à l’outil réglementaire s’expliquerait par le souci de «tenir compte des spécificités inhérentes à l’organisation desdites consultations hors du territoire national». Ce souci de la spécificité de la chose ne peut être ignoré, sauf à faire preuve de mauvaise foi. Toutefois, pour autant qu’une telle préoccupation est indéniable, le pouvoir législatif devait être tenu pleinement informé de la manière dont ces spécificités allaient rejaillir sur la composition et les modalités de fonctionnement des commissions électorales, ainsi que sur les autres aspects de l’élection, et se prononcer clairement dessus par un vote formel, compte tenu de leur importance. Il ne s’agit point là de détails, mais du c?ur même de l’affaire. Du point de l’observateur, tout semble s’être passé comme si le pouvoir réglementaire, tenant à traiter lui-même de la question du vote des camerounais de l’étranger, est venu obtenir pour des besoins de régularité juridique carte blanche du législateur.

Cela dit, la loi votée ne porte pas bien son nom de baptême, puisqu’elle ne traite du vote des citoyens camerounais résidant à l’étranger qu’à deux types de votations, l’élection présidentielle et le référendum. Or, les citoyens camerounais de l’étranger peuvent participer à d’autres types de votations, pourvu qu’ils se déplacent en territoire camerounais, sans cesser d’être pour autant de la diaspora. Et ce sera l’un des éléments de la mise en oeuvre de la loi, la détermination plus précise des bénéficiaires visés. Les notions de «citoyens camerounais», avec le rapport à la question de la nationalité, d’«établis» ou de «résidents» ne sont pas définies dans la loi et devront l’être impérativement pour les besoins de son application. La manière dont les missions diplomatiques et les postes consulaires, guère préparés à ce type d’exercice puisque n’en ayant jamais organisé depuis l’indépendance, exerceront leur tâche devra être réglée.

Idem pour la manière dont les commissions devront être composées et devront fonctionner, la manière dont Elecam et les partis politiques vont se déployer, etc. L’on a l’impression que beaucoup d’aspects méritaient manifestement d’être encore travaillés avant de présenter à la représentation nationale un texte de qualité, et lui permettre d’avoir une discussion de fond et de se prononcer réellement en connaissance de cause. Le Gouvernement ne peut légitimement rester insensible à une demande forte d’une partie de la nation, et pour cela il lui faut prendre des actes concrets affichant sa bonne volonté. Qui pourrait raisonnablement le lui reprocher ? Mais la réponse juridique qu’on apporte à une demande ne peut être de qualité satisfaisante que si elle est mûrie et préparée par une discussion apaisée, retournant la question dans ses divers aspects, et avec un temps raisonnable accordé à cette discussion. Avec un peu de bonne volonté, nous sommes profondément convaincus que cela est possible. Est-ce être excessif et malintentionné que de le dire ?

Par Alain Didier Olinga * 

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