France. «Sarkozy ne connaît vraiment rien au boulot de prof»

Liberation Mercredi le 29 Février 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
En meeting à Montpellier mardi, le candidat Sarkozy a dévoilé les grandes lignes de son projet pour l'école. Parmi les annonces, il propose aux enseignants du secondaire de passer huit heures de plus dans les établissements en échange de 25% de salaire en plus. Cela permettra, selon lui, de résoudre «deux problèmes : celui de l'augmentation de la présence des adultes» dans les établissements scolaires, et «celui de l'amélioration du statut des enseignants».

ADS



Réponses des intéressés à travers quatre témoignages.
«On ne fait pas prof pour gagner de l'argent»

Marion, prof de français depuis sept ans, enseigne à des 5e et 4e dans un collège «classique» de Seine-et-Marne. Elle touche 1 900 euros net par mois.

«Encore une fois, Nicolas Sarkozy assimile l'école à une entreprise. Le rendement, le rendement, toujours le rendement. On oublie le côté humain de notre métier : les élèves. L'objectif de Sarkozy n'est pas de nous permettre de passer plus de temps devant les élèves, en petit groupe. Le but, c'est de supprimer des postes. Je suis contre cette logique, et je continuerai à m'y opposer. Si cette mesure est mise en place, je m'y opposerai de la même manière que je refuse les heures supplémentaires. Par conviction. On ne fait pas prof pour gagner de l'argent, ce n'est pas comme cela que je conçois le métier. Mais j'ai bien conscience d'être un cas isolé. Dans la salle de profs, les collègues se disputent la moindre heure sup', on dirait des rapaces. C'est une évolution récente, depuis la rentrée. A voir, c'est désolant et un peu frustrant.»
«Complètement irréaliste»

Laurent, professeur depuis dix-sept ans de lettres et histoire dans un lycée pro de Seine-Saint-Denis, plutôt sensible. 2 200 euros net par mois.

«Je me demande si vous allez trouver un seul professeur favorable à cette proposition ! En ce qui me concerne, travailler plus me paraît complètement irréaliste. Je ne le vois pas possible. Humainement, c'est déjà très dur. J'ai quatre classes différentes plus des BTS en alternance. Au total, je fais déjà 20 heures de cours par semaine, et globalement autant à la maison. C'est toujours difficile de quantifier le travail à côté des heures de cours.

Mais si on me donnait les moyens de faire les préparations de cours et la correction des copies au lycée, pourquoi pas. Je peux très bien faire 35 heures comme n'importe quel salarié et rentrer chez moi me consacrer à ma vie de famille. Sarkozy propose que les profs aient des bureaux, parfait. Mais c'est complètement utopiste. Allez dans n'importe quel établissement scolaire, vous verrez. On se partage une salle des profs souvent exiguë. L'équipement informatique, je ne vous en parle même pas. La connexion à Internet fonctionne un jour sur deux, on ne peut pas travailler dans de bonnes conditions. Quant à passer plus de temps devant les élèves, c'est humainement très usant. Pour 300 euros net, je ne le ferai pas, il en va de ma survie mentale.»
«Je passe 32 heures au lycée»

Dominique, professeur de maths certifié en fin de carrière dans un lycée ZEP du Val-d'Oise. 3 200 euros net par mois en comptant les primes (ZEP, transport...) et le statut de professeur principal.

«Décidément, Sarkozy ne connaît vraiment rien au boulot de prof. Croire que l'on passe aujourd'hui seulement 18 heures dans nos établissements, c'est vraiment méconnaître notre profession. J'ai compté rapidement, en moyenne, je passe 32 heures par semaine au lycée pour 17 heures de cours. Evoquer avec les autres profs le cas de certains élèves qui ont des difficultés, aller chez le CPE pour faire le point sur les absences de jeunes, faire des photocopies pour les cours, les conseils de classe le soir... Franchement, je ne connais aucun prof qui ne soit pas au moins 25 heures par semaine dans l'établissement. Sans compter bien sûr tout le travail à côté de préparation et correction. Là, je suis en vacances avec deux tas énormes de copies à corriger. C'est vrai que l'on a beaucoup de congés, mais on ne les vole pas. La semaine dernière, j'étais au bout du rouleau. Sarkozy balance des trucs comme ça, pour faire passer l'idée qu'on ne travaille pas beaucoup. Les gens le croient. Sauf ceux qui ont un prof dans leur entourage. Eux savent.»
«On me change les règles en cours de route»

Frédéric, professeur de sciences physiques depuis douze ans dans un lycée cossu de Marseille. 2 000 euros net par mois.

«Evidemment, je suis scandalisé. Il nous propose de travailler huit heures supplémentaires, soit un tiers de notre service, payé 25%... Donc, une baisse de salaire. Déjà que nous sommes les profs les moins payés de l'OCDE, super. Surtout que si je fais le compte, depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy, ma quantité de travail a augmenté. Avec les baisses des volumes horaires de certaines matières, comme la mienne, je me retrouve à avoir plus de classes. Au total, j'ai 90 élèves de plus qu'il y a cinq ans. C'est autant de copies à corriger, de conseils de classe... Je travaille plus pour le même salaire : 2 000 euros net. Pour la première fois de ma vie, ce mois-ci, je vais payer des agios. Je ne vais pas jeter la pierre aux collègues qui font des heures sup, je n'exclus pas d'ailleurs d'accepter la proposition de Sarkozy. Mais j'ai le sentiment que mon mode de vie est mis en cause. J'ai fait maths sup, j'ai fait le choix de l'enseignement, ce n'est pas pour passer ma vie au lycée. Là, on me change les règles en cours de route.»

ADS

 

Lire aussi : Arrestation d'une maire après la découverte de stock de drogues à son domicile
Lire aussi : La gendarmerie découvre 70 kg de cannabis au domicile d'une maire
Lire aussi : Le scooter qu'utilisait François Hollande pour ses rendez-vous secrets mis aux enchères

ADS

ADS

Les plus récents

Rechercher un article

ADS

ADS