Affaire Marafa. Celestin Bedzigui: ce que nous révèlent les « Lettres de Marafa »

Cameroonvoice Mardi le 26 Juin 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
A l’heure où l’actualité bruisse de ‘’révélations’’ d’un ex-épigone du régime, le peuple camerounais doit saisir l’occasion exceptionnelle qu’offrent ces ‘’ révélations’’ pour comprendre les pratiques cachées du régime et demander des comptes à ceux qui le gouvernent depuis trois décennies.

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La posture que certains jugent être de reniement et d’ auto- absolution que M. Marafat se donne a beau être considérée comme un acte de haute trahison par ses camarades du Rdpc qui enjoignent au public à l’ ignorer, les citoyens avisés ne sauraient céder à cette injonction qui équivaudrait à jeter le bébé avec l’ eau du bain, le bébé ici étant une confirmation de première main de la vérité sur une gestion calamiteuse de l’ Etat, chose que nous subodorions et avons tant de fois dénoncée au fil des années...en nous faisant traiter d’ « apprentis-sorciers’’ par le chef de ce régime.

Notre propos n’est pas de juger le motif invoqué par ses amis d’ hier pour l’incarcérer aujourd’hui, ayant eu depuis des années déjà à critiquer les pratiques suspectes auxquelles ceux qui sont aux commandes de ce régime, privilège que M. Marafat a eu à partager avec eux pendant des années, se livrent, au prétexte de l’assainissement des mœurs publiques. Pour le politique que nous sommes et qui lui fait face depuis tant d’années, le Rdpc est une véritable ‘’tanière de diablotins’’ ; nous ne saurions faire du ‘’ baise- corne’’ au premier qui en réchappe. Toutefois, nous restons ouvert à l’ idée que ces ‘’ lettres’’ pourraient indiquer une réelle repentance de son auteur pour le tort qu’ il a causé au peuple durant toutes ces années passées aux commandes de la machine de fraude électorale qui a permis à ce régime de confisquer le pouvoir jusqu’ à ce jour.

Les ‘’ coups de... plume ’’ et le «Camair/SSA- GATE »

Dans ces circonstances, les ‘’coups de... plume ‘’ de M. Marafat- une vieille connaissance depuis le campus universitaire à Ngoa Ekelle en 1972, il y a quarante ans, dont le sort, du fait d ‘ une complicité générationnelle et des proximites sociales, ne saurait nous laisser indifférent, - ont à notre sens un intérêt et une utilité significatifs, exclusion faite de toute accointance politique qui nous est prêtée par certains journaux spécialistes en pure spéculation.

L’utilité de ces ‘’révélations’’ tient à ce que certaines des informations délivrées sont de vérités qui confirment les pratiques inacceptables dans un Etat modèle. Une des vérités livrées par ces ‘’coups de plume’’ sur le vrai visage de ce régime est l’ incertitude de la destination prise par les 30 milliards Fcfa perçus en Afrique du Sud pour le compte de la Camair par Jean Foumane Akame, conseiller technique et plus proche ami et confident du président de la République, argent dont personne ne peut produire la trace du reversement dans le budget et la caisse de l’ Etat. L’implication personnelle du président de la République dans cet épisode peut difficilement être écartée par un esprit un tant soit peu rationnel. Sinon, comment expliquer que M. Foumane Akame soit parti de la Présidence pour aller s’occuper du recouvrement d’une créance, par dessus la tête et de la Camair, et du Ministère de tutelle, et du Ministère des Finances et ... du Premier ministre ?

Jeter en pâture à l’opinion comme on le voit venir l’affaire de la commission de 87 millions Fcfa qu’aurait touchée le ministre de Transport de l’époque, pour être répréhensible, n’est qu’ une grossière manœuvre de diversion par rapport à ce sujet grave. Le peuple ne devrait donc pas se laisser distraire. Les professionnels des medias doivent éviter de tomber dans cette trappe, au contraire, ils doivent approfondir l’investigation.

Les Camerounais ont le droit de connaître la vérité et avoir la réponse à la question que je pose ici, en tant que citoyen et homme politique : Quelle a été la destination des 30 milliards Fcfa virés par la Ssa dans le compte ouvert en son nom par le ‘’Conseiller Technique- ami et confident’’ du président de la République, mis selon toutes les apparences en mission par ce dernier pour collecter cet argent ? Cet argent n’ayant pas été reversé a la Camair pour servir à indemniser les victimes du crash de son avion et financer son redressement, le président de la République sait- il l’usage qui en a été fait, un usage qui de toute manière aura été inapproprié ?

Le président de la République aurait- il bénéficié de l’usage inapproprié de ces fonds et laisser ainsi couler une entreprise nationale emblématique ? Voila les questions graves qui se posent. Voila les lourds soupçons dont doit se laver le président de la République aux yeux des citoyens de ce pays. Pourquoi n’évoquerais-je pas ici le cas similaire des dizaines de milliards Fcfa récupérés dans une banque aux Caraïbes dans le dossier de la liquidation de la défunte Banque Bcc au début des années 2000 par le même personnage, dans le même rôle bien curieux , et qui cette fois-là conduisait une mission composée d’ un représentant du ministère des Finances et d’ un représentant de la Src, la Société Camerounaise de Recouvrement, dizaines de milliards dont le peuple est également en droit de savoir où ils sont passés ?

Beaucoup d’autres compatriotes pourraient citer plusieurs ‘’ curiosités’’ de la même veine. Je pourrai ajouter à la liste les 14 milliards Fcfa des Fonds Stabex débloqués en son temps par l’Union européenne pour dédommager les créanciers de l’Oncpb dans la filière cacao. La liquidation de l’Oncpb n’en avait reçu en son temps que 3 milliards Fcfa. Le reste de l’argent n’est jamais arrivé au Trésor. La Sacherie qui était classée en tête de liste des créanciers s’est vu refuser le paiement de sa créance de 2 milliards Fcfa qui lui aurait pourtant procuré les ressources nécessaires au financement de sa restructuration... Face à une telle insouciance du régime sur le sort de cette entreprise à capitaux majoritairement public, le directeur général de la Sacherie que j’étais à l’époque n’avait eu d’autre choix que d’envoyer sa lettre de démission motivée au ... président de la République. Ceux qui ont vécu les moments dramatiques de la tentative de putsch du 6 avril 1984 ont certainement gardé en mémoire cette bribe du discours des putschistes : " L`armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya...et de leur rapine incalculable.’’ Les termes ‘’ bande’’ et ‘’ rapine’’ entendus ce jour-là voient-ils ici leur illustration révélée au grand jour ? Le peuple a-t-il ici un début d’éclairage sur certaines causes de la mort de la Camair, la Scb, l’Oncpb, la Cnr et j’en passe?...

Si le Cameroun était un pays normal...

Les ‘’Lettres de Marafat’’ ouvre une boîte de Pandore qui permet au peuple de comprendre avec quelle duplicité désinvolte et coupable est gérée la fortune publique. Lorsqu’ on en saisit la substance et les non-dits, on ne peut que s’interroger sur le cynisme insouciant des hommes au pouvoir vis-à -vis des drames où sont plongées des milliers de familles dont les parents ont été victimes de la calamité économique que représente une fermeture d’ entreprise. Les quelques cas évoqués ci-dessus et qui pourraient ne représenter qu’une infime minorité de cas fournissent des indications sérieuses sur ce que notre pays est peut-être sous la coupe d’une véritable maffia d’Etat.

Si le Cameroun était un pays normal, face au constat accablant révélé par ces épisodes, le chef de l’Etat commettrait sans délais l’ouverture d’une enquête et s’adresserait au peuple pour lui demander pardon pour sa négligence ou, s’il sait avoir trempé dans cet immense scandale, rendrait sa démission, sa responsabilité politique dans ces méfaits étant indéniable. La promesse tonitruante d’ un avenir radieux de ‘’ pays émergent’’ à long terme - quand nous serons tous morts comme l’ a dit l’ économiste Keynes- , sans même d’ une part se donner la peine de préciser les caractéristiques de ce qu’on nomme ‘’ pays émergent’’ , lesquelles caractéristiques auraient servi d’objectifs chiffrés de l’ action gouvernementale, sans d’ autre part présenter un programme économique articulé pour atteindre ces objectifs , est une fumisterie politique et intellectuelle d’ un régime qui veut détourner l’ attention du peuple sur le bilan de son action qui après trente ans, affiche un taux de chômage de jeunes que certains observateurs évaluent à plus 85%, une énergie électrique rationnée, l’eau potable considérée comme une denrée précieuse, et j’ en passe...

Aux Etats-Unis, le président Obama est tenu comptable du taux de chômage et du nombre d’emplois créés chaque mois. En comparant au Cameroun où le président de la République n’en a cure, on comprend la nécessité et l’urgence des changements à opérer au sommet de l’Etat, pour mettre notre pays sur les rails d’une prospérité effective, au lieu des incantations aux allures de propagande des ‘’ Grandes Réalisations’’. Plus préoccupant, l ‘ incertitude politique générée par l’ atmosphère perceptible de fin de règne aggravée par une absence de lisibilité des politiques sectorielles permettant d’envisager une baisse de la tension sociale résultant du chômage et de la dégradation des conditions de vie des populations sont des facteurs qui plombent la notation financière du risque- pays du Cameroun. La conséquence en est qu’en dehors de la Chine, aucun investisseur international de référence ne considère notre pays comme une destination favorable à l’investissement a court et moyen terme.

De l’effondrement de l’empire romain au 4ème siècle de notre ère à l’accession au pouvoir des Merovingiens au 8ème siècle, l’Europe a vécu une période connue par les historiens sous le nom de ‘’ Dark Age”. Examinée à travers le prisme des caractéristiques du régime actuel qui sont le refus avéré de la culture et des pratiques d’une véritable démocratie, la violation permanente de l’ éthique et de la morale publiques, la répression systémique, une économie perpétuellement en berne, la situation que nous vivons depuis une trentaine d’années pourrait être consignée dans l’Histoire politique de notre pays comme le ‘’ Dark Age’’ du Cameroun, le ‘’Temps des Ténèbres’’. En sortir est la bataille à laquelle dans un avenir proche, les authentiques patriotes devront s’ impliquer, sous un leadership d’ expérience, éclairé et avisé des enjeux de notre époque.

Celestin Bedzigui
Homme Politique
CEO, Global Rating Services, Wall Street, New York.

 

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