Affaire Marafa. Affaire de l'avion présidentiel: Le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya peut-il être condamné?

RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel Jeudi le 23 Aout 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les débats du procès intenté contre l'ancien secrétaire général de la présidence de la République et ses co-accusés pour détournement de 31 millions de dollars Us (24 milliards de FCFA) sont achevés.

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Situation peu ordinaire le vendredi 17 août dernier au Tribunal de grande instance de Yaoundé (Tgi), l'audience consacrée au procès pour détournement des 31 millions de dollars Us (24 milliards de FCFA à l'époque des faits) destinés à l'achat de l'avion présidentiel en coaction s'est achevée peu avant 15h alors qu'elle avait démarrée peu après midi.

Marafa Hamidou Yaya, Yves-Michel Fotso et Julienne Nkounda, les trois accusés présents, ont pu regagner leurs geôles avant la tombée de la nuit. Cela n'était quasiment pas arrivé depuis le début des débats dans ce procès. A trois reprises d'ailleurs, lors des trois précédents rendez-vous, l'audience s'était poursuivie au-delà de 23h... Un rythme démentiel qui a parfois suscité des éclats de voix entre les avocats des accusés et le président du collège des juges. Le 17 août dernier, le procès est en fait arrivé au terme de la phase consacrée à l'audition publique des accusés et de leurs témoins. La phase des débats.

Dès le lundi 27 août 2012, prochaine audience, la parole sera donnée aux représentants du ministère public (procureur de la République) puis aux avocats de l'Etat et de la Liquidation de la Cameroon Airlines (Camair), parties civiles dans ce procès. Les magistrats du ministère public devront donc présenter leurs réquisitions au Tribunal, c'est-à-dire essaye de démontrer sur la base des informations glanées pendant les débats que les accusés sont effectivement des criminels financiers au sens de la loi pénale, et qu'ils doivent par conséquent être punis. Le Tribunal entendra le même jour les observations des avocats des parties civiles qui, en principe, devraient soutenir les accusations pour espérer obtenir, plus tard, réparation des torts subis. Il est prévu, en principe, dix jours plus tard si le Tribunal tient sa promesse, que la parole soit donnée aux avocats de la défense et à leurs clients pour détruire l'accusation. Ce sera la phase des plaidoiries qui précède le verdict.

En quittant la salle d'audience vendredi dernier, une question revenait sur la majorité des lèvres: est-il possible sur la base de ce qui a été dit pendant les débats que le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya, la vedette de ce procès, soit condamné? Quel sort sera-t-il réservé à l'homme d'affaires Yves-Michel Fotso et à Mme Nkounda, ancien Directeur général adjoint de la Commercial Bank of Cameroon (Cbc), la banque du groupe Fotso, au regard de ce qu'ils ont révélé au Tribunal? Pour l'instant, il faut être dans le secret du Tribunal et connaître d'avance le contenu des réquisitions et des plaidoiries pour le savoir. En attendant le verdict, qui pourrait intervenir dans un mois si le collège des juges maintient son rythme infernal, les observateurs avertis peuvent se faire une opinion propre sur la base des faits mis en exergue pendant les débats publics.


Base de l'accusation

Dans l'ordonnance de renvoi délivrée le 26 juin 2012 par Pascal Magnaguemabé, le juge d'instruction alors chargé de l'affaire, document qui sert de base au procès public contre l'ensemble des accusés (dont huit sont-supposés en fuite), il est rappelé qu'en 2001, le gouvernement avait décidé d'acquérir auprès de la compagnie Boeing un avion neuf de Type Boeing Business Jet de 2ème génération (Bbj-2) pour les déplacements du chef de l'Etat. Que la mission avait été confiée à Marafa Hamidou Yaya, à l'époque secrétaire général de la présidence de la République. Mais que ce dernier, «sans motif valable, a associé à l'affaire Fotso Yves-Michel» alors Administrateur directeur général de la Camair. Et qu'au lieu de traiter cette affaire directement avec le constructeur Boeing, les deux personnalités, «par diverses manœuvres dolosives», ont fait intervenir l'entité Gia International Inc Corporation et «fait virer par la Société nationale des Hydrocarbures l'avance de 31 millions $Us sur le prix de vente de l'aéronef fixé à 45 millions $US». Une bonne partie de ces fonds, 29 millions $Us a donc disparu. Marafa Hamidou Yaya et Yves-Michel Fotso sont donc jugés pour ces faits-là, pendant que les huit autres accusés, dont Mme Nkounda julienne, doivent se justifier d'avoir facilité la disparition des fonds en cause.

Pour soutenir ces accusations devant le Tribunal, le ministère public a fait défiler cinq témoins: l'ancien ministre de I ‘Economie et des Finances, Michel Meva’a m'Eboutou, le représentant de la SNH, M. Mendim Meko'o, l'expert comptable Okalla Ahanda, l'ancien ambassadeur du Cameroun à Washington DC, Jérôme Mendouga, et Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, Directeur général de APM Cameroun, une entité dont la structure mère, APM Londres, avait audité les contrats de location des avions de la Camair entre janvier et juin 2003. Le témoignage de Michel Meva'a m'Eboutou, témoin clé de l'accusation, a consisté à dire qu'il avait pris part à deux réunions convoquées en août 2001 à la présidence de la République, sur l'initiative de Marafa Hamidou Yaya. Le chef d'Etat-major particulier du président de la République et l'Adg de la Camair étaient également conviés à ces réunions. Au cours de la première séance de travail, «une réunion d'information», a-t-il dit, le Sg/prc Marafa Hamidou Yaya a indiqué que le chef de l'Etat avait décidé d'acquérir un avion pour ses déplacements, l'objet de la rencontre.

Selon M. Meva'a m'Eboutou, M. Marafa Hamidou Yaya a ensuite donné la parole à l'Etat-major particulier qui a présenté le type d'appareil sélectionné pour le chef de l'Etat, ses capacités et sa robustesse. Puis M. Fotso Yves-Michel a fait «un brillant exposé» de présentation de la société américaine Gia International, institution spécialisée dans le financement de l'acquisition des aéronefs au moyen d'un montage financier exigeant de la part de l'acquéreur définitif de l'avion à la fois l'émission d'une lettre de crédit à paiement différé (standby letter of credit) pour une bonne partie du coût de l'acquisition projetée, le paiement des traites pendant dix ans pour le reste de l’enveloppe et les commissions, puis une hypothèque sur l'appareil qui ne disparaît qu'après épuisement des traites. L'avion, précisait l'exposé de M. Fotso rappelé par M. Meva'a m'Eboutou, était la propriété de Gia International jusqu’à l'épuisement des traites. Mieux, qu'il serait immatriculé au nom de cette société américaine.


Qui a donné l'ordre?

Le ministre Meva'a m'Eboutou a indiqué s'être catégoriquement opposé autant au mécanisme de la lettre de crédit, à la mise à gage de l'avion et à son immatriculation en terre étrangère «parce que l'avion présidentiel fait partie du territoire national». Il s'est prononcé pour une acquisition de l'avion au comptant et a proposé que l'avion soit acquis et «provisoirement immatriculé au nom de la Camair», qui servirait de «mot de passe», afin de contourner les bailleurs de fonds internationaux, le FMI et la Banque mondiale, hostiles à ce type d'investissement. Que des discussions sont nées de ses réserves. Un nouveau rendez-vous a été pris, l'initiateur du projet, M. Marafa Hamidou Yaya, promettant d'indiquer que ce sera l'occasion de connaître les décisions prises.

Au cours de ce second rendez-vous, selon M. Meva'a m'Eboutou, le Sg/prc a annoncé qu'il avait la solution à tous les problèmes posés. Qu'un avion du type présenté par le chef de I ‘Etat était disponible et en fin de fabrication dans les ateliers de Boeing. Une avance non remboursable de 2 millions $Us avait déjà été payée par la CBC pour le consigner, Qu'il était urgent que le Cameroun verse, «dans un délai de 72 heures», un acompte supplémentaire de 29 millions $Us pour éviter de perdre définitivement le «déposit» de 2 millions initialement fait. M. Meva'a a affirmé qu'il était dès lors entendu que la lettre de crédit et la location-vente étaient désormais écartées. Gia International restait un simple intermédiaire. Il a ordonné à la SNH le virement des 29 millions $Us dans le compte de Gia International «pour versement à Boeing» et le remboursement des 2 millions $Us avancés par la CBC, «une dépense régulière», a-t-il précisé. Il revenait, selon M. Meva'a m'Eboutou, au ministre Marafa Hamidou Yaya, initiateur du projet, de suivre son dossier.

Certaines questions posées au ministre Meva'a m'Eboutou, notamment par M. Marafa Hamidou Yaya, voire par les avocats de l'Etat, ont mis le témoin sérieusement en difficulté. En effet, pendant l'enquête policière et l'instruction judiciaire qui ont précédé le débat public, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances (Minefi) avait affirmé avoir ordonné le virement des 31 millions de dollars Us après avoir reçu «tous les accords». Devant la barre, Marafa Hamidou Yaya a demandé à l'ex-Minefi s'il avait obtenu un quelconque accord de sa part? Le silence de M. Meva'a m'Eboutou a amené Marafa Hamidou Yaya à dire au Tribunal qu'il n'avait pas le pouvoir de donner une instruction pour le décaissement de l'argent. Et qu'il n'avait même pas transmis une quelconque instruction dans ce sens. Le public s'est par la suite montré intrigué par le refus catégorique de répondre opposé par M. Meva'a m'Eboutou à un avocat de l'Etat qui voulait savoir s'il avait discuté de cette opération avec le chef de l'Etat en personne...


Financement du terrorisme?

Le second témoin, M. Mendim Meko'o, représentant de la SNH a corroboré les propos du ministre de l'Economie et des Finances au sujet de l'instruction reçue par son employeur. Et indique que suite à l'exécution de la lettre du ministre datée du 21 août 2001 et ordonnant les opérations financières en question, la SNH avait été mise en demeure pas ses propres banquiers d'apporter les justificatifs (facture et contrat d'achat de l'avion) du bien-fondé économique du transfert des 31 millions de dollars Us dans le compte de Gia International aux Usa. Et malgré les multiples relances, autant en direction du ministre de l'Economie et des Finances que vers la Camair, la SNH n'avait pas pu obtenir lesdits justificatifs. Il a fallu une mission du DG de la SNH auprès de ses banquiers en France pour réussir à apaiser les soupçons de financement du terrorisme qui pesaient sur le Cameroun du fait du volume des sommes virées à Gia. Le virement avait été opéré quelques semaines avant les attentats du 11 septembre 2001.

L'expert-comptable Okalla Ahanda est venu pour sa part expliquer au tribunal ce qui lui semblait être des dysfonctionnements constatés par ses soins, via une expertise judiciaire ordonnée par le juge d’ instruction, dans la gestion du compte dans les livres de la Cbc d'une entité dénommée Beith Ltd. Ce compte avait reçu en octobre 2001, 16 millions $Us, produit d'un crédit documentaire émis depuis le compte aux Usa de Gia International pour l'achat par cette dernière d'un Boeing 767-200 auprès d'une autre entité dénommée RothweIl Management. Pour l'accusation, les 16 millions $Us en question n'étaient qu'une partie des 31 millions $Us destinés à l'achat de l'avion présidentiel. L'expert-comptable a témoigné que certains mouvements opérés dans ce compte, notamment des retraits ou transferts d'argent avaient été masqués. Ce qui apparaissait comme une manœuvre visant à cacher les bénéficiaires réels de ces fonds.

Quant à l'ancien Ambassadeur du Cameroun aux Usa, Jérôme Mendouga, qui avait effectué une mission au siège de Boeing à Seattle, à la demande de Jean-Marie Atangana Mebara, successeur de Marafa Hamidou Yaya à la présidence de la République, il a indiqué avoir vu, le 1er avril 2003, le Bbj-2 fabriqué pour le Cameroun qui était parqué dans les ateliers de Boeing. Il a dit que l'avion, selon les déclarations des responsables de Boeing, était prêt pour la livraison depuis octobre 2002. Mais que l'aéronef n'avait pas été livré parce que Boeing était toujours en attente du paiement. Sur les 45 millions $Us attendus, coût de l'avion nu, Boeing n'avait reçu que 4 millions $Us jusque-là. Dont, 2 millions transférés par Gia International sur les 31 millions reçus de la SNH. Et deux autres millions versés par Yves-Michel Fotso...


Indian Airlines...

Le passage du cinquième témoin de l'accusation a retenu le public en haleine. Pendant deux audiences successives, le 31juillet et le 02 août 2012, Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, déjà jugé et acquitté par le Tgi de Yaoundé en compagnie de M. Atangana Mebara de l'accusation de tentative de détournement des mêmes 31 millions $Us, a expliqué ce qu'il considère comme le montage frauduleux, «la cavalerie financière par Stumpfage» selon ses propres termes, qui a permis la dissipation des fonds reprochés à Marafa Hamidou Yaya et consorts. Il a notamment cité pas moins de treize sociétés écrans différentes utilisées selon lui par Yves-Michel Fotso, en plus de la CBC, pour détourner les 31 millions de dollars. Il a indiqué que Gia International, intermédiaire choisi par le Dg de la Camair, n'avait ni les capacités financières, ni la crédibilité nécessaire pour livrer au Cameroun un Bbj-2 neuf. Qu'au contraire, cette société avait utilisé l'argent destiné à l'acquisition de l'avion présidentiel et s'était gloutonnement servie dans les caisses de la Camair pour acheter deux avions qu'elle avait ensuite loués à la même Camair en opérant d'énormes surfacturations.

En août 2001, a-t-il témoigné, Gia International n'avait que 4.907 dollars us dans son compte. Trop peu à ses yeux pour une institution qui prétend financer l'acquisition des avions. C'était une société créée en 1996 qui était jusque-là en dormance. Elle n'avait rien réalisé pour mériter une quelconque confiance selon M. Otélé Essomba, qui a ajouté que le contrat de livraison de cinq Boeing 737 que Gia International avait signé avec Indian-Airlines n'avait pas été exécuté du fait de cette incapacité de Gia. Et d'ailleurs; a-t-il poursuivi, le mécanisme de la standby letter of credit proposé par Gia était inopérant dans la mesure où Gia avait échoué dans la livraison de la commande des cinq aéronefs à Indian Airlines malgré l'émission par cette dernière de la lettre de crédit. Pour lui, les responsables de Gia International n'étaient que des escrocs. Qui avaient été coincés dans leur tentative de se faire virer une partie des fonds mobilisés pour la lettre de crédit. Ce qui avait conduit à la liquidation judiciaire de Gia.

L'accusation a achevé l'audition de ses témoins en obtenant de M. Otélé Essomba des commentaires sur des documents qui lui étaient présentés. Devant le Relevé d'identité bancaire (Rib) de Beith Ltd (société qui a encaissé 16 millions $Us dans son compte à la CBC à Douala) dans une banque française où le nom de Yves-Michel Fotso et toutes ses références sont apparus comme ceux de l'ayant droit économique de l'entité, autrement dit son propriétaire, le témoin a indiqué que ses soupçons de fraude étaient confirmés. Et face à une lettre concernant le processus d'acquisition de l'avion présidentiel adressée en 2003 par M. Fotso sur papier en-tête de la Camair à Marafa Hamidou Yaya, à cette période ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, M. Otélé Essomba a expliqué que c'était la preuve irréfutable de la collusion entre les deux hommes.


Qui a choisi GIA?

Dans la phase des débats devant le tribunal consacrés à l'audition des témoins des accusés, ces derniers se sont investis comme on devait s'attendre à montrer que les accusations portées à leur encontre étaient totalement factices, infondées. Tous ont décidé de plaider «non coupable», de témoigner sous serment c'est-à-dire d'accepter de subir le feu nourri des questions de l'accusation après leur audition par leurs propres avocats. Premier à entrer dans le box des témoins pour sa propre défense, le 9 août 2012, Marafa Hamidou Yaya a essentiellement contredit nombre de déclarations faites par Michel Meva'a m'Eboutou dans le témoignage de ce dernier. Pour lui, une seule réunion avait été organisée à la présidence de la République au sujet de l'achat de l'avion présidentiel. Et cette réunion avait pour unique prétexte, le mécanisme d'utilisation de la «standby letter of crédit» (Sblc) pour le financement de l'opération. C'est, a-t-il dit, un mécanisme innovant qui prévoyait l'achat de l'avion sans la sortie des fonds, dont du reste le Cameroun ne disposait pas en 2001.

Le ministre d'Etat a expliqué que c'est le Dg de la Camair qui lui avait parlé de ce mécanisme, au sortir des négociations avec Gia International qui avaient permis selon lui que la Camair ait une bouffée d'oxygène et acquiert deux aéronefs alors qu'elle était sous pression financière. «L'intérêt des financements de Gia, c'est qu'il n'y avait pas d'acompte initial à payer. Gia demandait une Sblc. Après discussions entre Gia et Camair, le Dg de la Camair m'a rendu compte de la bouffée d'oxygène qu'il connaissait. J'en étais heureux. J'en ai rendu compte au président de la République. C'est alors que l'idée d'exploiter cette piste Gia pour l'avion présidentiel est née. J'ai donc demandé au Dg de la Camair de se renseigner sur les mêmes conditions pour l'acquisition du Bbj-2. Gia était d'accord. Le président m’a autorisé à poursuivre».

Pendant la réunion organisée par ses soins à la «mi-août 2001» et regroupant autant l'État-major particulier du président de la République, le ministre de l'Economie et des Finances et le Dg de la Camair, M. Marafa Hamidou Yaya explique que M. Fotso a présenté le spécimen d'un contrat conclu un an plus tôt entre Gia et Indian Airlines pour l'achat de cinq Boeing 737, un échange de correspondances entre un expert d'Air France sur le mécanisme de financement en plus des copies de deux projets de contrat pour les deux avions exploités par la Camair que Gia avait accepté de refinancer. «Le choix de Gia s'est imposé à nous qui étions à Ia réunion. Ce n'est pas moi qui l'ai imposé», précise-t-il. Il poursuit: «La Camair n'avait été invitée à la réunion que pour son expertise technique lors la gestion de l'avion et pour faire un exposé sur la méthode innovante de financement des aéronefs par Gia. C'est le Minefi qui a eu l'idée que le contrat initial soif fait au nom de la Camair, avant son transfert à l'Etat du Cameroun. Il nous a donné ses raisons. Au moment où nous arrivions à la réunion, il n'en était pas question».


Gestion des 31 millions $US

S'agissant du choix de faire virer les 31 millions $Us des comptes de la SNH vers celui de Gia International, M. Marafa Hamidou Yaya se montre catégorique: «Ce n'est pas moi qui l'a ordonné. Il n'en était pas question. Au sortir de la réunion, il était question de payer les 2 raillions $Us dans l'immédiat, dans les 72 heures, afin de réserver l'avion en faveur du Cameroun. Les 29 millions $us devaient faire l'objet d'une Sblc. Je n'ai jamais imaginé que les sommes avaient été virées. La cause de la réunion, c'était le financement innovant. Le Minefi a dit dans l'une de ses dépositions à la police judiciaire "(qu'avec) tous les accords", il a écrit au Dg de la SNH pour qu’on vire l'argent à Gia. C'est dans Ie dossier de la procédure judiciaire que je l’ai découvert. Il n'était pas question qu'on vire de l'argent à Gia... Des initiatives ont été prises à mon insu. Des accords ont été obtenus à mon insu et pas de moi. Je devais suivre la bonne exécution de l'accord entre Camair et Gia».

Lorsqu'on lui demande s'il a reçu les comptes rendus de la gestion des 31 millions $Us virés par la SNH, il répond de façon sèche. «Non ! Je n'avais pas la prétention d'en recevoir. A quel titre les aurais-je reçus?» Question de dire que c'est à ceux qui avaient ordonné le paiement en espèce à son insu qu'il revenait de suivre cet aspect des choses. Il ajoute que chacune des administrations présentes à la réunion qu'il avait présidée rendait compte directement à qui de droit. Et il dit avoir travaillé pour que l'avion soit livré en dépit de la décision prise à son insu de virer les fonds à Gia, ce qui de son point de vue «a ajouté une vulnérabilité au processus».

Pour lui, ce qui a fait échouer le projet est indépendant de sa personne. «Lorsque je pars de la présidence de la République (le 24 août 2002, Ndlr). explique-t-il, le Bbj-2 est en fin de fabrication. En septembre 2002, le président de la République reçoit le Dg de la Camair et les techniciens de Jet Aviation (société suisse qui devait procéder à la peinture externe et à l'habillage intente de l'avion). Sans que je sache pourquoi, mon successeur n'a pas vendu continuer avec le processus enclenché depuis plus d'un an. Le 12 octobre 2008, il a tenu une réunion au cours de laquelle il a été décidé que le Cameroun traite désormais avec Boeing pour la finalisation de l'avion présidentiel. Dans l'une de ses dépositions, le ministre d'Etat Atangana Mebara dit que le chef de l'État a approuvé ses propositions pour la récupération de tout ou partie de ce qui avait été versé à Gia.»


Secret de l'information

Il rappelle que l'avion avait fait l'objet d'une réception technique à Seattle par une équipe conduite par le Directeur technique de la Camair. Qu'un contrat avait été signé après cette réception technique entre Boeing et le ministre des Finances pour l'acquisition du Bbj-2. Que l'Autorité aéronautique du Cameroun avait émis un permis de convoyage (certificat de vol) et une immatriculation temporaire pour que l'avion soit conduit le 15 octobre 2002 de Seattle à Bâle en Suisse pour son habillage intérieur. «Je ne sais pas pour quelle raison le Cameroun n'a pas pris possession de l'avion», conclut-il tout en niant toute relation et tout intérêt avec les entités présentées comme des sociétés écrans contrôlées par Yves Michel Fotso.

L'entrée de l'ancien Dg de la Camair dans le box des témoins, le 13 août 2012, pour une audition marathon de trois jours, a surtout été mise à profit par l'intéressé pour discréditer tout le témoignage d'Hubert Patrick Marie Otélé Essomba. Il s'est livré à la lecture d'une abondante correspondance datée de 2002 et 2003 mettant en scène le Dga de Apm-Cameroun, témoin de l'accusation, son oncle, le défunt René Owona, à l'époque où ce dernier officiait comme secrétaire général adjoint de la présidence de la République, puis Joseph Kevin Walls, le Dg de Apm Londres et Apm Cameroun. Dans ces correspondances, tantôt M. Otélé Essomba sollicite l'intervention de son oncle pour obtenir le contrat d'audit des contrats de la Camair, tantôt il propose que Apm hérite de la gestion de la compagnie aérienne nationale. Il est parfois question, toujours sous la plume de M. Otélé Essomba dans une lettre adressée à Alain Edgard Mebe Ngo`o, Directeur du cabinet civil de la présidence de la République à cette époque, que Apm fournisse à la présidence de la République un Bbj-2 neuf pour les voyages du chef de l'Etat...

Toutes ces correspondances seront mises en scène par M. Fotso Yves Michel dans le but de montrer que le témoin de l'accusation n’était pas crédible, un «expert-débrouillard» comme il l'a surnommé. D'ailleurs, il dira que le rapport de l'audit des contrats de location des avions par la Camair, réalisé par Apm, avait été critiqué par le ministre des Transports parce que ledit rapport s'éloignait de la mission attendue du cabinet londonien. Pour Yves-Michel Fotso, les interférences de Apm dans la gestion de la Camair et le mandat confié à ce cabinet par le secrétaire général de la présidence de la République, Jean-Marie Atangana Mebara, pour recouvrer auprès de Gia International les fonds reçus de la SNH a contribué à compliquer la possibilité du recouvrement de cette somme.


Contradictions devant la barre

Et, suivant les traces du ministre d'Etat, Marafa Hamidou Yaya, il a nié tout intérêts dans les sociétés écrans évoquées par M. Otélé Essomba, Il a indiqué que l'argent avait été viré au compte de Gia International sur l'initiative solitaire du ministre Meva’a m'Eboutou. Devant des informations tirées de l'audition devant la justice américaine (syndic de faillite) de Russel Meek, Président directeur général de Gia International, qui affirmait que les 31 millions de dollars ont été dépensés suivant les instructions reçues de M. Fotso et n'ayant aucun rapport avec l'acquisition de l'avion présidentiel, notamment pour acheter des avions loués plus tard à la Camair, l'ancien Dg de la Camair s'est réfugié dans le silence en indiquant que lesdites informations relevaient du secret d'une information judiciaire encore pendante en Suisse. Il a affiché la même attitude quand il devait s'expliquer sur certaines des sociétés écrans présentées par M. Otélé Essamba.

Enfin, l'audition de julienne Nkounda sera la plus brève de toutes: environ deux heures. Accusée d'avoir ouvert le compte de l'entité- Beith Ltd dans les livres de la CBC (compte qui a reçu une partie des fonds décaissés par la SNH) au mépris des conditions imposées par la banque elle-même, donc d'avoir participé à la préparation du dispositif qui a permis le détournement de la somme en jeu, Mme Nkounda est revenue, avec peu de bonheur, sur certaines de ses déclarations faites au cours de l'information judiciaire.

Elle s'est défendue de n'avoir jamais accusé Yves-Michel Fotso de quoi que ce soit. De n'avoir jamais procédé à l'ouverture du compte de Beith Ltd. Et de n'avoir jamais été «intriguée» comme écrit dans l'ordonnance de renvoi, «par la rapidité avec laquelle les 16 millions de dollars us ont été transférés de le Bank of América (compte de Gia International) à la CBC)». Elle a laissé entendre que le juge d'instruction avait dénaturé ses propos et opéré une fixation sur le nom de M. Fotso. Mais la lecture par le procureur de la République de nombreuses déclarations de l'accusée devant le juge d'instruction suivie de sa signature, ont surpris les observateurs présents.

Il reste maintenant au ministère public et aux avocats de chacune des parties de tirer les conséquences juridiques qui découlent de tous les débats avant le verdict attendu du collège des juges. Un pan du voile sera levé le lundi 27 août prochain.

En attendant, à la présidence de la République, le procès est suivi de très près. Pour preuve, cette discrète réunion du 16 août 2012, au secrétariat général de la présidence de la République, pour évaluer les chances de condamnation de l'ex-ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya. Un participant a même évoqué, le plus sérieusement du monde, une condamnation pour «négligence professionnelle»!


 

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