Cameroun - Sécurité. Martin Mbarga Nguele : Les petits plats dans les crans

Félix C. Ebolé Bola | Mutations Lundi le 03 Janvier 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le nouveau Dgsn voudrait ramener la police à ses missions citoyennes, en dépit des vents contraires.

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Ils sont de plus en plus élégants, courtois et serviables. Pour un peu, les agents de la police camerounaise passeraient subitement pour de doux agneaux, depuis quelques semaines. Surtout ceux exerçant dans les grandes agglomérations, désormais voués qu’ils sont aux patrouilles nocturnes, à la facilitation de la circulation routière et à une présence dissuasive dans les lieux publics. Du coup, l’on (re)découvre un corps presque sympathique, à visage humain, citoyen. Les Camerounais retrouvent cette police citoyenne qui n’aurait jamais dû cesser de l’être. Il y a comme un retour de la courtoisie et de la confiance.
On n’aurait pas pu en dire autant voici quelques mois seulement, au moment où la présence d’un homme en tenue, loin de rassurer, constituait plutôt le début des tracasseries. C’est que la police camerounaise avait fini par revendiquer, et avec aplomb, une image crade, répressive et corrompue formatée depuis l’école de formation. Comme une force d’occupation, elle arnaquait, mendiait, intimidait publiquement, se pavanait dans la rue avec ses armes et insignes. Pays hospitalier par essence, le Cameroun donnait l’impression d’un territoire au bord de l’implosion où la force de sécurité, l’œil inquisiteur, accueille le visiteur avec des armes menaçantes et non la fleur au fusil.

Déviances
Pourtant, depuis que le nouveau délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguele, a suspendu les contrôles de police sur la voie publique, le pays ne s’est pas embrasé pour autant. Et c’est bien la preuve que ces opérations étaient contreproductives et ruinaient l’image de toute une communauté nationale, qu’on dit tournée vers la recherche d’investisseurs et la bonne gouvernance. Comme dirait quelqu’un : il y a la paix en ville, depuis que les policiers ne chassent plus les dossiers des véhicules et les surcharges dans les taxis.
Dès sa nomination, le 31 août dernier, Martin Mbarga Nguele avait embouché le discours de la lutte contre la corruption, l’indiscipline, le trafic d’influence et le laxisme. Après l’ère de l’immobilisme affirmé de Pierre Minlo’o Medjo, après la main de fer généreuse de Edgar Alain Mebe Ngo’o, après la période presque lisse d’Emmanuel Edou, on avait fini par croire que la police camerounaise était plus que jamais immunisée contre l’assainissement. De lourdes sanctions plurent certes, surtout sous M. Mebe Ngo’o, mais le peuple «mbéré» semblait avoir fait le vœu de malhonnêteté.

A cette fermeté, M. Mbarga Nguele a allié la séduction : «Tout policier qui ira ou agira à l’encontre de la loi sera puni convenablement, et ceux qui se démarqueront positivement par leur travail seront promus et récompensés.» Les flics doivent aimer la carotte et bâton, puisque jusqu’à présent aucune tête ne dépasse des rangs. Le temps et les déviances accumulées, eux, diront un jour si les «ripoux» ont définitivement rendu les armes…
Sa première victime de poids, pour l’exemple, est le commandant du Groupement mobile d'intervention (Gmi) n°1 de la région du Centre, le commissaire de police principal Josué Nna Nna, suspendu de ses fonctions le 16 novembre dernier pour «violation de consigne» : il avait envoyé ses éléments «chasser» le «tchoko» en route. La dernière grosse baleine en date est l’inspecteur général n°1 à la Dgsn, Nkome Ntungwa Charles Nsong, commissaire divisionnaire, relevé de ses fonctions en fin de semaine dernière par décret présidentiel sur instigation du patron de la police. Il aurait fait libérer un dangereux trafiquant, selon des sources introduites.

Fondamentaux
En réalité, Martin Mbarga Nguele, 78 ans et ancien ambassadeur du Cameroun en Espagne, ne fait rien d’extraordinaire. En vieux policier ayant dirigé la Sûreté nationale 25 ans plus tôt, il rappelle simplement les fondamentaux du rôle du maintien de l’ordre : la protection désintéressée des hommes et des biens, le respect de la fonction, la dignité dans l’exercice et la recherche effrénée de la respectabilité. Il veille aussi à ce que les règles édictées soient respectées de tous, blâme le cancre et châtie le récalcitrant. En attendant des récompenses aux plus méritants, ces rares rescapés de la pègre qui font encore honneur à leur tenue de travail et au respect de l’image du corps.
Après ça, on se dit naturellement que la discipline est plus que jamais de retour. Mais c’est sans compter avec les vents contraires, qui soufflent violemment dans cette maison où les batailles d’intérêts personnels et les mauvaises pratiques ont supplanté l’éthique. Il n’est pas exclu, bientôt, que quelques nostalgiques essayent, par des moyens divers et des actions pernicieuses, de saboter ce travail de salut public. Auquel cas, les choses deviendraient difficiles, sinon impossibles à gérer, venant de gens qui estiment qu’ils doivent se faire rembourser, dans la poche d’honnêtes citoyens, les frais engagés pour la formation professionnelle. Le Dgsn aurait donc tort de garder l’arme au pied : l’ennemi est dans la maison et le ver sera difficile à extirper du fruit.

 

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