Brésil 2014. Cameroun - Dans la tanière - Prosper Nkou Mvondo: «L’enquête instruite par Paul Biya, c’est de la poudre aux yeux»
Ancien candidat malheureux à la présidence de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), président de Ngaoundéré Fc, analyse les contours de la débâcle des Lions indomptables au Mondial 2014.
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Vous n’êtes plus présent dans les médias comme c’était le cas il y a un an. Que se passe-t-il ? êtes-Vous essoufflé ?
Loin de là ! Le combat pour le redressement de notre football, je le mènerai jusqu’au bout, dans les limites des compétences qui sont les miennes. Hors des médias, je travaille beaucoup. A ma demande, la Chambre arbitrale du Comité national olympique et sportif du Cameroun a ordonné la révision des textes de la Fécafoot en mars 2013. Cette décision a été confirmée par deux sentences du Tribunal arbitral du sport de Lausanne en Suisse. Faut-il vous dire que lors des dernières élections à la Fécafoot, j’ai fait annuler les scrutins, dans la quasi-totalité des ligues régionales du Cameroun. C’est le lieu pour moi de dire merci à son Excellence Roger Milla et son Comité de redressement du football camerounais qui m’ont beaucoup aidé dans cette entreprise. Je peux donc me vanter d’être de ceux-là qui, à travers leurs actions, ont amené la Fifa et les autorités politiques du Cameroun à mettre en place un Comité de normalisation. Je reconnais n’avoir pas beaucoup communiqué sur ces victoires engrangées. Mais, il faut aussi reconnaître qu’étant installé à Ngaoundéré, je n’ai pas beaucoup accès aux médias qui ont, pour la plupart, leurs sièges à Yaoundé et Douala.
Le Cameroun vient de sortir précocement du Mondial 2014 avec au compteur zéro point et classé 32ème sur 32 pays. Comment avez-vous apprécié cette sortie honteuse ?
C’est le Cameroun tout entier qui a été humilié à la Coupe du monde 2014. Au-delà de la place de dernier que les Lions ont occupée, il y a le comportement barbare que certains joueurs ont affiché aux yeux du monde entier. Tout ceci vient de ce qu’au Cameroun, ont ne scrute plus la moralité de ceux à qui des missions de services publics sont confiées. Les joueurs qui ne sont en réalité que les enfants adoptifs d’un système, ont bien assimilé les leçons d’immoralité et d’incivisme à eux données par leurs parents que sont les dirigeants sportifs et politiques. N’a-t-on pas vu, en juin 2013, en mondovision, une candidate à la présidence de la Fécafoot, tordre le cou à un dirigeant de la Fécafoot, accusé d’escroquerie et de corruption ? Le mépris des institutions de la République, les joueurs l’ont appris des dirigeants. Souvenons- nous que jusqu’à ce jour, le Comité dit de « normalisation » refuse de se soumettre à une décision rendue par la plus haute juridiction sportive nationale, instituée par une loi votée par l’Assemblée nationale et promulguée par le président de la République.
Le Comité n’est pas le seul responsable de cette débâcle…
Il y est pour beaucoup. Ce Comité osera t-il jeter la première pierre aux joueurs qui ont refusé de prendre le drapeau national des mains du premier ministre ? Quel dirigeant politique ou sportif n’a jamais transporté dans ses valises l’argent puisé du Trésor public lorsqu’il va en « mission » à l’étranger ? Les joueurs n’ont pas voulu être en marge de l’opération de pillage du Cameroun à l’occasion du Mondial de 2014. Dans la maffia, personne ne fait confiance à personne. Par crainte d’être roulés plus tard, les « bébés maffiosi » on réclamé leur part de butin avant la fin du braquage. L’argent dans les poches, un avion d’une compagnie étrangère a été mis à contribution pour des vacances au Brésil, avec épouses et maîtresses. Dans un environnement aussi pollué, il n’y avait rien à attendre sur le plan sportif, du séjour des Camerounais au Brésil.
Face à cet échec, l’encadrement technique doit-il être maintenu ?
Pas du tout. Même si on va chercher un entraîneur-sélectionneur sur la planète Mars, le résultat sera le même : l’échec. Le problème n’est donc pas celui de l’encadrement technique. Il faut nettoyer toute la maison du football camerounais ; la désinfecter pour faire disparaître tous les cafards et les cancrelats. Une fois ce travail préalable fait, on peut alors y installer de nouveaux meubles propres, de fabrication locale. Vous comprenez que pour l’avenir, je milite pour un encadrement technique composé de nationaux. Avec un pays comme le Cameroun, où les nationaux sont déjà capables de piloter des avions de ligne, de faire des chirurgies en opérant à cœur ouvert, d’enseigner dans les plus grandes universités du monde, il est malhonnête d’aller chercher un entraîneur étranger pour une banale activité comme le football.
Le chef de l’Etat a instruit le Premier ministre de mener une enquête sur cette débâcle. Que doit-on attendre concrètement de cette instruction ?
Pour moi, une enquête, c’est de la poudre aux yeux ; une façon de faire taire tout le monde. On aura alors le temps d’oublier l’événement scandaleux. Les problèmes du football camerounais sont connus depuis des décennies ; on en a déjà débattus dans des commissions, dans des comités, dans des ateliers, dans des forums, dans des états généraux… Les pouvoirs publics sont restés de marbre après avoir reçu les multiples résolutions et propositions de solutions issues de ces divers travaux : où est l’académie de football annoncée depuis des années ? A mon avis, il n’y a rien à attendre de l’enquête prescrite en grande pompe. Si les conclusions de cette enquête sont remises dans un mois comme prévu, le contenu ne sera qu’un rappel de ce que tout le monde sait déjà. Le dossier sera expédié en « haut lieu » et sera sans doute enterré par l’inertie qui y règne en maître absolu. J’entends dire que des sanctions seront prises à la suite de cette enquête. Soyons un peu sérieux : La Fifa a-t-elle eu besoin d’une commission d’enquête pour sanctionner le joueur camerounais, auteur d’un coup de coude contre son adversaire ? Le Ghana t-il eu besoin d’une enquête d’un mois pour exclure de l’équipe nationale deux joueurs indisciplinés ? Le président de la République de ce pays-là a-t-il eu besoin d’une enquête d’un mois pour limoger son ministre des Sports après l’échec des Blacks Stars au Brésil ? Dans un mois, je suis convaincu qu’il n’y aura rien de nouveau au Cameroun! On prendra les mêmes, et on se lancera dans la préparation de la participation des Lions aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations.
N’êtes-vous pas très pessimistes ?
Pas du tout. Qui vivra verra. On sera sans doute déjà en train de manœuvrer pour une autre prorogation du mandat d’un Comité de « normalisation » qui a révélé son inaptitude à faire face au « système » destructeur de notre football. Ce comité continuera à gérer les « affaires courantes », en attendant l’argent en provenance de la Fifa, contrepartie de l’humiliation du Cameroun au Brésil. Les agents d’entraîneurs seront déjà à pied d’œuvre pour proposer des « dessous de tables » en vue du recrutement d’un nouvel entraîneur sélectionneur des Lions indomptables. Le ministre des Sports sera toujours en poste. Le décret portant organisation de l’équipe nationale de football sera toujours en vigueur en dépit de son illégalité. Les nouveaux textes de la Fécafoot, annoncés depuis plus d’un an seront toujours classés « secret défense ». Le processus électoral à la Fécafoot ne sera donc pas encore lancé. Le peuple camerounais se contentera de dire, comme d’habitude: «on va faire comment ?».
Peut-on forcément faire un parallèle entre la déconfiture des Lions et les élections à la Fécafoot ?
Tous ceux qui sont allés au Brésil avaient pour préoccupation majeure: se remplir les poches. Il y en a qui n’ont pas mis une seule fois les pieds dans un stade de football au Brésil. Couchés dans leurs chambres d’hôtel à Vitoria, ils regardaient les matches à la télévision. Ils comptaient sur la chance ou sur la sorcellerie pour faire gagner les Lions afin que le séjour à l’étranger s’allonge. Ceci permet de multiplier le nombre de jours de « mission » à l’étranger et de récolter encore plus d’argent. Evidemment, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les élections à venir à la Fécafoot. Parmi ceux qui étaient au Brésil, certains savent qu’après les élections à la Fécafoot, ils vont quitter le monde du football. Alors, pour cette derrière coupe du monde, il faut emporter le maximum d’argent possible. D’autres caressent le rêve d’arriver ou de se maintenir aux affaires à la Fécafoot. Alors, il faut amasser beaucoup d’argent pour corrompre le plus grand nombre d’électeurs possible. Vous comprenez alors qu’au lieu de réfléchir pour la réussite sportive des Lions à la coupe du monde, on réfléchissait sur les stratégies d’enrichissement personnel, en pensant aux élections à venir.
L’après-Mondial s’annonce donc palpitant ?
C’est clair. Ne perdons pas de vue qu’il existe deux camps dans cette bataille encore souterraine, pour le contrôle futur de la Fécafoot. D’une part, on a les « footballeurs » qui estiment qu’ils sont les seuls à pouvoir légitimement gérer une fédération de football ; de l’autre, ceux qui vont jusqu’à dire que le football est une chose tellement sérieuse que l’on de devrait pas la laisser entre les mains des footballeurs. L’échec ou la réussite des Lions sert ou dessert forcément l’un ou l’autre des deux camps. Pour tout dire, pendant qu’un camp, à travers ses alliés parmi les joueurs, dans l’encadrement technique et dans le staff administratif s’investissait pour le victoire, l’autre camp s’investissait pour l’échec. On a assisté à la victoire du camp de l’échec, qui attend désormais les retombées lors des élections à venir.
Serez-vous encore candidat à la Présidence de la Fécafoot ?
La question de ma candidature ou pas ne se pose vraiment pas en ce moment. Je suis encore dans la bataille pour les textes. Lorsque le Comité de normalisation sortira ses textes des tiroirs, je les attaquerai si jamais ils ne sont pas conformes à la loi et au bon sens. J’attends aussi que les mesures qui seront prises pour la conduite du processus électoral prennent en compte les décisions rendues par la Chambre d’arbitrage du Cnosc en juin 2013. Vous comprenez alors que je suis plus occupé, en ce moment, à affûter les armes de combat pour une véritable normalisation dans le football camerounais qu’à penser à mon éventuelle candidature a la présidence de la Fécafoot. Demain ou après demain, une nouvelle Fécafoot va voir le jour. Forcément, un nouveau président sera élu. Nous nous battrons pour que ce dernier n’ait pas le même profil que ceux-là qui, depuis trente ans, ont pillé et détruit le Cameroun.
De qui parlez-vous concrètement ?
Je parle de ces prétendus «intellectuels», bardés de diplômes, acquis on ne sait trop comment, incapables de sortir de leurs livres pour affronter les réalités du terrain et qui n’ont pour seul argument de débat que leurs titres. Le président de la Fécafoot ne doit pas être un gestionnaire ou un ancien gestionnaire de la fortune publique, ces gens-là qui, pour la plupart, ne savent utiliser leur intelligence que pour détourner les fonds mis à leur disposition. Je rêve d’un président de la Fécafoot, passionné de football sur le terrain, dans les stades, et non d’un amoureux de ce football-là qui se joue dans les avions, dans des hôtels de luxe et dans les bureaux feutrés.
Entretien avec Christian TCHAPMI
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