Cameroun - Politique. Etienne Sonkin « Le Sénat est une copie conforme de l’Assemblée nationale »

Pascal Dibamou | Mutations Mardi le 30 Juin 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le sénateur du Sdf, vice-président de la commission des Finances critique la diminution de leurs émoluments.

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A moins de deux semaines de la clôture de la session parlementaire de juin 2015, quel est le bilan  à  mi-parcours ?

A mon sens, il n’y a pas un gros bilan à faire sur la session en cours. Les journalistes aiment le sensationnel. Je ne trouve pas du sensationnel dans ce qui a été fait  au Sénat au cours de cette session. L’Etat a déposé jusqu’ici cinq projets de loi et trois ont déjà été adoptés.

En début de session, il y a eu une grogne sourde concernant la diminution de vos émoluments. Qu’en est-il  exactement ?

Je suis très embêté par cette  tendance qui donne à croire que les sénateurs se plaignent ou revendiquent un quelconque salaire. Pourtant, il n’en est rien du tout. Nous nous trouvons face à une absurdité, à une aberration du système. Depuis que le Sénat a été mis en place, les sénateurs perçoivent les émoluments d’un montant de 1,5 millions Fcfa, contrairement à ce que racontent les médias.  Ce montant, les sénateurs ne l’ont jamais fixé. Le règlement intérieur du Sénat devait être conçu par les sénateurs, mais il n’en demeure pas moins vrai que la proposition de règlement intérieur est venue de quelque part : la présidence de la  République. C’est cette dernière qui  a proposé  ces émoluments. Je suppose que ce montant était voulu par celui-là qui a créé le Sénat.  Nous sommes surpris que, par une opération clandestine, ce montant soit divisé en deux. Il passe de 1,5 millions Fcfa à peine à 800 mille Fcfa aujourd’hui.

Comment est-ce que le secrétariat  général du Sénat a justifié ce changement ?

Le secrétariat général du Sénat l’a justifié par une lettre qui donne à comprendre que l’instruction vient de la présidence de la République. Pour reprendre les termes que j’ai vus dans la notification,  c’est une aberration parce que  la Constitution dans son article 22 alinéa 2 stipule que « le Sénat fixe lui-même ses règles d’organisation et fonctionnement sous forme de la loi portant règlement intérieur ». Le règlement intérieur du Sénat voté le 10 juin 2013, dans son article 108, précise que « le Sénat jouit d’une autonomie administrative et financière ». Ces deux dispositions sont consolidées par la loi de finance 2015, qui en son article 22, chapitre 53, fixe le budget du Sénat à 15,2  milliards Fcfa. Celle-ci a été votée et promulguée par le chef de l’Etat.

Où se situe exactement le problème ?

Le budget du Sénat dans son volet fonctionnement a été calculé en  fonction des émoluments des sénateurs déjà établis. Je reprends les textes fixés plus haut pour me poser la question de savoir si le Sénat fonctionne sous la base des textes fondamentaux de la République ou alors sous la base des instructions de la présidence de la République ? Ces instructions ont-elles un certain rang dans la hiérarchie des normes de la République ? Elles se situent à quel niveau. Avec cela, on constate que l’arbitraire gère la République.

Il se dit que les salaires des sénateurs doivent être harmonisés avec ceux perçus par les députés…

Cette harmonisation ne veut rien dire. Les textes que je viens de vous citer sont clairs. Chaque chambre jouit d’une certaine autonomie financière et administrative. Cela a un sens en droit. En plus, c’est chaque chambre qui fixe le montant de ses émoluments. Quand vous parler d’harmoniser ou d’aligner nos émoluments à ceux des députés, cela ne veut rien dire. Ce n’est pas le Cameroun qui a inventé le Sénat. Cette chambre existe dans d’autres pays.  Aller voir au Nigeria, aux Etats-Unis, en France et ailleurs, les sénateurs ne sont pas obligés de toucher les mêmes salaires que les députés.

Le Sénat est-il une pâle copie de l’Assemblée nationale ?

Je suis gêné de constater que le Sénat  n’est autre chose qu’un doublon de l’Assemblée nationale par son style de fonctionnement : dépôt de loi,  examen par la commission compétente, adoption en plénière et puis renvoi pour promulgation.  Les mêmes  procédures de l’Assemblée nationale sont répétées au Sénat. Au finish, quelle est la plus value apportée par le Senat ? C’est toute la question à mon sens.

Que voulez-vous dire plus clairement ?

Je voudrais savoir ce qui a justifié la création du Sénat dans notre pays ? Etait-il opportun, urgent ou nécessaire de le créer en  l’état actuel ? On dirait que le Sénat gesticule comme une copie certifiée conforme de l’Assemblée nationale.

Vous semblez critiquer le fonctionnement de la navette parlementaire. Que proposez-vous ?

Ce n’est pas une question de navette parlementaire. Le Sénat devait avoir d’autres missions que vérifier ce que l’Assemblée nationale a fait comme travail. Dans d’autres pays comme les Etats-Unis, le président de la République consulte les sénateurs pour prendre certaines grandes décisions. Le Sénat doit justifier l’argent dépensé pour son entretien par l’Etat. Pour mon cas, je dois mériter mon salaire. Avant  d’arriver au Sénat, nous n’étions pas en « mal-emploi ». Si certains d’entre-nous l’étaient ce n’est pas mon cas.

Faut-il supprimer le Sénat ?

Je dirais plutôt qu’il faut tout simplement que l’Etat tire les conséquences de cette aberration. La manière de fonctionner de l’Assemblée nationale et du Sénat pose problème. Les projets de loi déposés par le gouvernement ne connaissent aucune modification, malgré les amendements formulés. Avec la main mise de la présidence de la République dans notre fonctionnement, on peut conclure qu’au Cameroun, il n’y a pas séparation de pouvoir entre l’exécutif et le législatif. Le président devait gérer le pays par ordonnance.

Propos recueillis par Pascal Dibamou

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