Bakassi. Guerre de Bakassi : Révélations exclusives de l’adjudant Mbida Ferdinand, un ancien prisonnier du Nigéria

La Nouvelle Expression Vendredi le 17 Juillet 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’adjudant Mbida Ferdinand croupit sous le poids d’une paralysie depuis un an. Il raconte le film de leur captivité par l’armée de Sani Abacha. Et les misères qu’il vit avec ses camarades depuis leur retour au pays natal.

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Nsam, lieu dit Sofavinc. 15h ce samedi 11 juillet 2015. Le temps semble doux. Le reporter qui a pris rendez-vous avec le «client», attend impatiemment la dame qui l’y conduira. Quelques cinq minutes. Le temps pour l’homme de s’impatienter, d’en vouloir à son interlocuteur qui a préféré lui envoyer son épouse plutôt que lui-même. D’ailleurs, le reporter a cru à un moment à du mépris : «pourquoi n’est-il pas venu personnellement ?  Certes, on le dit en méforme, mais au-delà de la substance informationnelle recherchée par le journaliste, l’autre n’a-t-il pas besoin de son étranger », se demandait-il intérieurement ? Alors que la guide est arrivée. Le regard balayant les quatre ou cinq personnes qui stationnent en bordure de route. «Je suppose que c’est moi que vous cherchez !», lança-t-il à l’endroit de la «dame aux cheveux courts, portant un kaba du 8 mars de l’année dernière», selon l’indication donnée par l’expéditeur. Deux minutes de marche, et la dame qui parle peu rompt le silence : «Voici la cabane dans laquelle nous vivons!», forçant un sourire en coin. C’est une pièce d’environ quatre mètres sur trois, bâtie en matériaux provisoires. Des planches non rabotées et alignées comme à-la-va-vite. Laissant apparaitre par endroits des trous. La porte largement ouverte laisse apparaître à un coin de la maison, ce qui fait office de cuisine. Un réchaud à pétrole supporte une marmite fermée. Quelques ustensiles trainent à côté. Des bâtons de manioc sont abandonnés sur une marmite. Du mortier a été étalé au sol. Tout près du lit, un revêtement précaire, résiste difficilement au relief irrégulier, avec ses petits monticules. Au fond de la pièce, au mur gauche, un homme est affalé sur un lit d’une place. C’est l’adjudant Ferdinand Mbida, ex otage capturé par l’armée nigériane du temps de la guerre de Bakassi. L’homme force la parole, de la position couchée qu’il a depuis une dizaine de minutes. Les pieds sont paralysés. Après trois ans de captivité à Enugu au Nigeria, le militaire est revenu, visiblement malade. «Quand je suis revenu de captivité, je ressentais déjà mal ; les pieds chauffaient. Parfois quand je rentrais du travail, j’enlevais les rangers et je posais les pieds dans une cuvette d’eau fraiche, avant de me sentir un peu à l’aise». L’homme force la parole de la position couchée qu’il a depuis une dizaine de minutes. Les pieds sont paralysés. Aujourd’hui à la retraite, l’homme traîne une maladie qui l’a cloué au lit depuis près d’un an déjà. «Il ne peut pas se lever si personne n’est là pour le porter. Le dos même ne tient pas», renseigne son épouse.

Sani Abatcha, un triste souvenir

Seul un t-shirt en treillis rappelle le souvenir d’un militaire. Le trapu que l’on voit sur le lit a perdu du poids. Au point où la garde-malade n’éprouve plus de difficulté à le porter du lit seule. «Mon frère, je suis en train de mourir à petit feu. Nous étions 87 au départ, au moins la moitié est partie tout doucement», murmure-t-il. Implorant la pitié du président de la République. «Je sais que c’est notre père à nous tous. J’ai donné ma vie à la protection de la nation camerounais et de ses frontières. Je ne réclame pas forcément quelque chose de spécial. Je souhaite être soutenu dans ma maladie. Je n’ai plus que ma petite pension, et elle ne suffit même pas», implore-t-il. Pas parce que le recours adressé au ministre de la Défense n’a pas abouti. «On m’a dit à la Garnison que puisque je ne suis plus en service, il n’y a que le ministre de la défense pour ordonner une prise en charge ou un allègement de mes frais, je lui ai adressé un courrier à cet effet, par l’entremise de quelqu’un. Parfois les procédures sont longues. Entre temps, je souffre atrocement», raconte-t-il. Après sa retraite, l’homme qui continue de subir les conséquences de la captivité, près de treize ans après la rétrocession de Bakassi au Cameroun, parle avec beaucoup d’amertume de Sani Abatcha, l’ancien président nigérian. «Le traitement que cet homme nous a fait subir est inhumain. Nous avons dormi à même le sol pendant trois ans, et on nous frappait, en nous disant qu’à notre retour, nous ne serons plus rien», se remémore-t-il. «C’est grâce aux président Abdul Salami et Biya que nous avons pu retrouver la liberté».

Vous restez cloitré au lit des jours durant ; de quoi souffrez-vous Adjudant ?
Je souffre  de la compression de la moelle épinière, vertébrale ; on me l’a fait comprendre dès mes premiers examens. C’est ce mal qui me paralyse comme çà.

Comment pouvez-vous décrire votre maladie ?
Il y a des mouvements parfois involontaires, des contractions, des crampes, des ballonnements au niveau du ventre, le mal de dos. C’est un peu ça que je vis tous les jours.

Comment en est-on arrivé là ?
Tout est parti de la captivité. Pendant notre captivité, il y a trop de choses qui s’étaient passées. Quand on nous a arrêtés, il y a eu des tortures, il y a même eu une décharge électrique sur moi. Surtout que moi je portais encore le nom d’un certain Ferdinand ; et à l’époque, Ferdinand Léopold Oyono était le ministre des Relations extérieures ici. Les Nigérians ont cru peut-être que j’étais de la même famille que lui. J’ai eu un traitement un peu spécial, on me branchait le courant électrique sur mon sexe. Et sans compter la bastonnade, au niveau du dos, ils ne nous ont pas laissés. Donc avec tout ça, le mauvais traitement et tout ce que nous consommions : le tapioca non contrôlé, la sauce des feuilles de gombo qu’on mettait dans le demi fût, on met juste l’eau et le madjanga (crevettes), on tourne, on nous donne ça avec le tapioca, à des heures tardives de la nuit. Parfois, c’était le riz charançonné avec les cacas (sic) de souris, avec les feuilles de gombo. Donc, ça n’a pas été facile pour nous. On dormait encore sur le ciment, pas de couverture, ni de matelas. Nous étions ainsi abandonnés à nous-mêmes dans une cellule. Donc, tout ceci a fait en sorte que nous ne pouvions pas sortir de là sains et sauf. Eux-mêmes les Nigérians, pendant que nous étions là-bas, nous ont dit que nous partirons de là avec la simple image de nous-mêmes ; que nous ne serions plus serviables à notre pays. On nous a fait subir trop de choses, les conditions de vie étaient très défavorables. Ce n’était pas facile. Pendant l’interrogatoire, beaucoup de nos camarades ont subi trop de tortures. Je n’étais pas seul, nous étions presque 87 personnes. Il y a même eu d’autres qui ont succombé là-bas. Depuis qu’on est rentré, sur les 87, il y a déjà au moins 35 ou 40 personnes qui sont parties, à cause des maladies contractées en prison.

Vous n’étiez pas soignés là-bas ?
On n’était pas soignés. Il n’y avait pas de soins. Il y a eu un de nos camarades qui a eu de la chance, car il était blessé, on l’a emmené jusqu’à Lagos. Il  a quand même été traité mais pas définitivement, parce qu’il est rentré à Yaoundé avec des balles dans le corps et la main droite complètement broyée. Ils ont juste soigné les blessures. On lui a juste redressé les bras, ils ont essayé de sauver un autre aussi qui avait l’ulcère gastrique ; ils ont aussi soigné celui-là. Ils n’ont soigné que les deux là. Quand on avait un problème, c’était à peine qu’ils s’y intéressaient, donc ce n’était pas leur souci.

Dans quelle circonstance avez-vous été capturés ?
Nous autres étions dans les postes avancés,  au niveau de Bakassi, dans la zone d’Idabato. Etant donc dans des postes avancés, il y a eu des attaques des Nigérians dans la journée, parce qu’ils se passaient pour des pécheurs, mais c’était pour voir nos positions et nos postes de combat. C’est comme ça que dans la journée,  le commandant Meloupou a lancé le coup de feu, pour essayer de disperser ces pêcheurs qui étaient près de nos postes ; ce coup de feu a poussé les Nigérians à résister. Les Nigérians nous ont contre-attaqué, et ont commencé à pilonner nos positions. Juste dans la soirée, quand Meloupou a vu nos camarades qui succombaient, lui-même, a paniqué. Etant au poste de commandement (Pc), il a paniqué et a annoncé à certains collègues qu’il va aller chercher le renfort à la base arrière. Or, nous qui étions dans les postes avancés, étions abandonnés à nous-mêmes. En continuant de combattre, on savait qu’il y a des appuis derrière, finalement, on est resté là jusqu’au lendemain, quand on a eu le manque de graisse, pour engraisser les armes qu’on avait, on a envoyé un camarade  au niveau du Pc pour savoir si on pouvait nous ravitailler en graisse, il est venu nous dire qu’il n’y a plus personne au niveau du Pc. C’est comme ça que nous sommes partis de là, et arrivés au Pc, nous avons constaté qu’il y a certains camarades qui ont perdu la vie au niveau du poste. Là, les embarcations étaient déjà faites, nous autres étions abandonnés à nous-mêmes. On est donc restés camouflés dans une île ; cette île était la zone qu’on protégeait. On a donc essayé de fuir les bombardements des Nigérians, ils ont récupéré nos positions, nous sommes partis faire six jours dans le matanda (marécages), croyant que le renfort allait arriver, mais rien. C’est de là que nous sommes sortis nous livrer à l’ennemi. Ils nous ont amenés au Pc, nous ont attachés les yeux pour nous passer aux armes. Malheureusement, il y avait un colonel nigérian qui est venu leur dire ‘’ceux-ci, ayant déjà passés six jours en brousse, vous ne pouvez plus les tuer ; c’est mieux de faire d’eux des prisonniers de guerre‘’. Ils nous ont emprisonnés à la première ville du Nigéria. C’est comme ça qu’on nous a pris, on a passé une nuit à Ekang, puis Kalabar où on va faire des interrogations. C’est de là qu’on nous conduit à Enugu state. C’est là qu’on a fait  trois ans de captivité.

Pendant que vous étiez en captivité, est-ce que vous aviez les nouvelles du pays ?
On n’avait pas les nouvelles du pays, puisque le feu général Abatcha qui était président de la république du Nigéria à l’époque, avait refusé toute communication, avait refusé même la Croix rouge internationale, qui pouvait nous aider. Il avait refusé tout contact, que ce soit de l’Etat ou de nos familles.

Comment avez-vous appris que vous deviez retourner au pays ?
La guerre n’était pas encore terminée, et notre retour a été l’objet personnel des deux chefs d’Etats, une entente entre Abdul Salami Aboubakar qui est venu après le décès de Sani Abatcha, et Biya. Ils ont constaté que le problème était déjà renvoyé à la Cour de justice internationale. Ils ne voyaient pas pourquoi on pouvait encore garder les responsables de familles dans les prisons, alors que le problème était déjà à ce niveau. Donc, les présidents ont voulu trouver un arrangement pacifique, pour libérer d’abord les prisonniers et les responsables des familles, avec tout ce que ça comportait, qu’on nous libère d’abord, parce qu’il y avait aussi des Nigérians au Cameroun. Ils se sont entendus et notre libération en a découlé. Il y avait des conflits continus, mais les gens attendaient le verdict final pour arrêter les combats.

Quand vous êtes  retournés au pays, comment avez-vous été accueillis ?
Quand on arrive ici à Yaoundé, on est accueilli à l’aéroport de Nsimalen. On a trouvé que beaucoup de nos grands chefs militaires étaient là, avec le ministre de tutelle de l’époque, qui était aussi là, c’était Amadou Ali. Donc l’accueil était favorable, mais ce qui nous a aussi surpris, c’est qu’on est parti avec nous dans des cars, comme s’il n’y avait pas un évènement. Je veux dire, sans attirer l’attention des gens que c’étaient des prisonniers du Cameroun qui sont rentrés, qui ont été libérés. On est arrivé à destination, quand nos familles étaient au courant, beaucoup sont venus nous voir, des amis aussi. L’accueil était favorable.

On a parlé d’indemnisations; le chiffre de 4 000 000 Fcfa par certains, 400 000F par d’autres. Qu’en est-il concrètement ?
Les indemnités, je ne sais pas trop de quoi il est question parce que lorsque nous sommes arrivés, nous avions un problème lié à notre santé. Le président de la République a dépêché une commission. Directement, on est arrivé pour qu’on commence à s’occuper de nous et nos problèmes de santé. A partir de cette commission, le désordre a commencé. A peine deux ou trois semaines après, le chef qui était avec nous, un capitaine, a dit que nous allons d’abord rentrer dans nos unités, et qu’on va continuer la commission de santé bien après deux mois. Là, on a commencé à nous donner les billets de 10 000F, pour payer le transport et rentrer dans nos unités. On a aussi pris cet argent pour le transport, et deux mois après, on pense qu’on va lancer le message pour que nous retournions à Yaoundé pour continuer les visites. Le même chef fait le tour des unités pour nous dire que nous devons directement reprendre le service dans nos unités respectives. C’est là que les femmes se sont fâchées. Elles ont demandé comment on leur  abandonne les militaires malades comme ça sans achever les visites? Elles vont faire comment avec eux ? Les femmes étaient regroupées dans une petite association et se sont donc organisées pour venir à Yaoundé rencontrer le chef d’Etat-major particulier de l’époque, le général Bénae. Le chef d’Etat-major appelle le ministre pour lui demander d’écouter cette plainte. Le ministre a encore convoqué une deuxième commission pour nos problèmes de santé. C’est après ça qu’on nous a remis à chacun une somme de 400 000 Fcfa, disant que c’est ce que le chef d’Etat nous avait donné. Il avait été aussi dit que, comme nous avions passé beaucoup de temps en captivité, nous devrions avancer en galons, mais à la dernière minute, tout cela n’a pas été respecté. Les seuls qui ont gagné dans cette affaire c’étaient les officiers. Nous qui étions sous-officiers, qui avons perdu trois ans, pas de stage, pas de galons. On croyait au moins que ce que le bouche à oreille disait était vrai, que nous avions vite faire des stages, avancer en galons, mais sur le terrain, ça n’a pas été ça. Même les médailles, ça a été difficile ; or on nous avait fait comprendre qu’il devait y avoir une cérémonie grandiose pour nous dire peut-être merci. Malheureusement, cette cérémonie n’a pas eu lieu ; sauf lorsqu’on nous donnait les 400 000F à l’Emia. Il n’y a pas eu plus.

Votre épouse fait état de ce qu’à votre retour vous aviez déjà des symptômes du mal dont vous souffrez. Comment se sont passés les examens médicaux ? Qui les faisait et comment ?
Il y avait beaucoup de commissions, beaucoup de spécialistes : on avait les dentistes, on avait pas mal de médecins spécialisés dans plusieurs domaines, qui nous suivaient. Mon problème particulièrement, était que j’avais des échauffements au niveau du pied, j’ai commencé à signaler. J’en ai fait part au colonel Bogos qui était neurologue à l’époque ; il m’a prescrit seulement les B complex, avec certaines vitamines. C’était juste ça, il m’a dit que ce n’était pas grave, que ça devait passer, mais quand je prenais les comprimés qu’il m’a donnés, au début il y avait un petit changement, mais au fur et à mesure que le temps passait, ça revenait en force. Les pieds continuaient toujours à chauffer, donc parfois dans la soirée quand j’ai porté les rangers, à mon retour, j’avais de la peine à rester tranquille. Le pied chauffe, je dis à madame, de prendre de l’eau glacée, je mets les pieds dedans. Mais à partir de la prison ces pieds chauffaient déjà. Moi je pensais que c’était dû à la malnutrition en prison et que de retour à la maison, en mangeant bien, que ça devait finir, or il y avait déjà des séquelles à l’intérieur. C’est comme ça que mon mal a commencé. Ça venait, ça repartait.

Aujourd’hui vous avez été opéré, mais le même mal revient, une même masse au niveau de la colonne vertébrale…
Pour la première fois en 2007, on a parlé d’hématomes. Heureusement, l’Etat, avec la direction de la santé militaire, m’a fait une prise en charge, qui m’a permis d’être opéré au niveau de l’hôpital général de Douala. On m’a opéré, on a enlevé cet hématome et on m’a mis sous traitement. Puisqu’après les analyses, on a dit que c’était une tuberculose osseuse. J’ai reçu neuf mois de traitement, mais quelque temps après, j’ai commencé à ressentir des douleurs, parfois ces crampes qui revenaient. Moi je croyais que je ne peux plus être en santé, mais j’ai essayé de faire comme ça, au fur et à mesure la situation s’aggravait et je ne passais pas deux mois sans être en difficultés. Je passais de centres hospitaliers en centres hospitaliers, pour essayer de voir comment on pouvait soulager ma douleur. C’est juste fin 2013, début 2014, que le mal est revenu. C’est au mois de mai-juin que je ne pouvais plus faire de mouvement avec mes jambes. Aucun mouvement, et c’est comme ça que j’ai encore recherché la route pour voir le médecin qui m’avait opéré. Je suis donc venu ici à Yaoundé, je l’ai vu, il m’a demandé de faire encore un scanner et je l’ai fait, il m’a dit que c’était le même mal qui revenait. Qu’il faut qu’il me remette encore sous le même traitement des tuberculeux. J’ai accepté. Après avoir passé sept mois de traitement, je constate qu’il n’y a pas toujours amélioration. C’est à partir de là que j’ai donc décidé de descendre sur Mbalmayo. J’y ai rencontré les Chinois, ils ont vu les clichés de mon scanner et ont dit qu’ils ne peuvent pas me soigner, parce que je voulais faire l’acupuncture. C’est là que je retourne voir mon docteur, il refait le scanner et on découvre que j’ai une masse qui refoule la moelle épinière. C’est cette masse qui m’a reconduit ici. Mon docteur voulait m’opérer à nouveau, je n’ai pas accepté bêtement ; il fallait que je réfléchisse car on devait opérer le même endroit. J’aurais pu accepter si on opérait une autre partie, mais c’est le même endroit qui a problème. J’ai un peu douté. Une connaissance m’a indiqué un professeur à l’hôpital central, Tchuinté, neurochirurgien. Il m’a dit qu’il faut refaire tous les examens, mais que je les fasse rien qu’au Centre pasteur. J’ai tout fait. Lui aussi a dit qu’il faut voir un hématologue, j’ai fait tous les examens, qui sont au Centre  Pasteur. J’attends de voir peut-être la semaine prochaine.

Entre temps, vous avez essayé le massage traditionnel ?
Oui je l’ai essayé, avec la maman qui nous a logés ici. J’essayais de frapper partout parce que je pensais que comme c’est le problème des os, les gens qui massent peuvent avoir un certain pouvoir pour apaiser la douleur. J’ai fait le massage pendant deux semaines, ça n’allait toujours pas, j’ai donc repris le chemin de l’hôpital, et je me retrouve ainsi ici.

Vous dites que vous faites tout ceci à vos soins personnels ?
Oui ; je le fais sous l’effort personnel, je ne reçois pas d’aide, aucune.

Avez-vous essayé de saisir le ministère de la Défense ?
Oui, j’ai écrit au ministre pour demander une prise en charge, ne serait-ce que pour ma santé, j’ai dit dans la lettre qu’il faut qu’il m’aide, parce que je suis dans cette situation depuis six mois, et je ne fais que dépenser. J’ai aussi écrit au niveau de la Présidence. J’attends, j’attends de voir si le père sera au courant ou pas. J’ai saisi le ministère et à la Présidence, s’ils peuvent m’aider car je suis à bout et vous-mêmes, vous voyez mon état. Je fais tout sur place, je ne peux pas m’en sortir seul, il faut que quelqu’un soit là pour m’aider. Je n’ai pas de force, et je demande juste à mes patrons de jeter un regard sur moi. Je souffre, ça fait plus d’un an  aujourd’hui que je n’ai pas de sommeil. Quand les crampes arrivent, je me réveille.

Vous avez tourné définitivement la page de la réparation de la captivité ?
Non, on n’a pas tourné cette page, mais je pense que la hiérarchie est mieux placée pour connaitre ce qui nous revient comme droit. Je pense qu’en toute chose on a des droits et on a aussi des devoirs, vis-à-vis de notre Etat. L’Etat a aussi des droits qu’il peut aussi nous reverser. Donc dans notre captivité, ils savent qu’il y a des choses qui nous appartiennent et qu’ils doivent nous remettre. Nous avons droits à ces choses. Nous ne revendiquons pas bêtement. Nous n’allons pas nous mettre dans la rue pour revendiquer. Nous savons tous que nous sommes dans un Etat de droit, et nul n’est sensé l’ignorer. Nos camarades qui sont de l’autre côté pour lutter contre Boko Haram, on leur donne leurs droits là-bas. Notre prime d’alimentation n’a pas été remise pendant que nous étions en captivité. On est en mission quand on est en guerre ; et on continue d’être en mission même étant en captivité. Pourquoi on refuse de nous donner notre prime d’alimentation ? Si on la paie, on peut se refaire le moral pour dire que nous étions quand même en mission au compte de notre Etat.

Si vous aviez un dernier mot à adresser au chef de l’Etat, ce serait lequel ?
Je demande au chef de l’Etat, de ne pas tourner la page pour nous les prisonniers de guerre de Bakassi, qu’il jette encore bien de regards sur notre situation. Parce que si moi je ne me battais pas comme je le fais là, vous ne seriez pas là aujourd’hui, en train de m’interviewer, je serais déjà mort certainement. Il y a des problèmes, il y a des malades, je ne suis pas seul. Il y a d’autres qui n’ont pas la possibilité d’arriver ici à Yaoundé. Que le chef de l’Etat fasse que nous ayons accès à un moyen de rétablissement chaque fois que nous avons un problème de santé. Parce que le reste ça passe, mais la santé, elle est primordiale. Que le chef de l’Etat nous donne l’opportunité de nous soigner. Cela va nous faire plaisir.

    Fenêtre : Les indemnités, je ne sais pas trop de quoi il est question parce que lorsque nous sommes arrivés, nous avions un problème lié à notre santé. Le président de la République a dépêché une commission. Directement, on est arrivé pour qu’on commence à s’occuper de nous et nos problèmes de santé. A partir de cette commission, le désordre a commencé…

Propos recueillis par Lindovi Ndjio

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