Cameroun - Economie. André Sohaing : Vie et mort d’un baobab

Mutations Samedi le 25 Juillet 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’homme d’affaires et maire de Bayangam est décédé hier dans son village natal à 82 ans.

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La grande cour de l’imposante résidence de André Sohaing au quartier Kassap à Bayangam, à environ 4 kilomètres sur l’axe-lourd Yaoundé-Bafoussam, présente des signes de deuil. Quelques femmes qui ont pris place dans la tribune privée du défunt, inondent le ciel de pleurs. Une cinquantaine d’hommes accourus à l’annonce de la triste nouvelle, croisent leurs bras. Une manière de dire que ça ne va pas. Des visiteurs entrent et sortent sans protocole, pour se rassurer que le maire n’est plus. La nouvelle de sa mort s’est répandue ce 23 juillet 2015 comme une traînée de poudre. Le maire de Bayangam, André Sohaing, s’en est allé. A 82 ans. Surtout qu’il disait à ses proches qu’il portait le même âge que le président de la République, son ami.

Un départ pour l’éternité dont les circonstances n’ont pas encore été révélées.  Tout ce que l’on sait, néanmoins, c’est que André Sohaing est arrivé à Bayangam, son village natal où il était maire, en début de semaine. Il préparait un conseil municipal prévu ce vendredi. En même temps qu’il s’employait à doter le nouvel immeuble de la mairie qu’il a construit, d’équipements de bureau. « La veille de son décès, mercredi dernier, nous avons passé toute la journée avec le maire. Il n’y avait aucun problème », témoigne une dame, la quarantaine dépassée, visiblement affligée. La mort a frappé dans la nuit, en déracinant celui qui comptait pour l’arrondissement de Bayangam, constitué de trois villages : Bayangam, Batoufam et Badrefam : «Je ne sais même quoi dire. Une nouvelle très brusque. On m’a appelé ce matin [23 juillet 2015] à 6h en disant que la radio annonce que le maire est mort. J’ai demandé qu’il est mort comment, alors que nous nous sommes séparé la veille à 14h. Il était bien portant. Je suis touchée, je suis finie. Je ne sais sur quel pied danser. Je ne sais pas ce qui s’est subitement passé dans la nuit », s’interroge une militante du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc),  de son sobriquet Super Mado.

Au lieu dénommé Tougouo-Mbem, abritant le quartier administratif à Bayangam, on plonge dans la méditation. Des prières montent pour le repos éternel de l’illustre disparu : « Cette triste nouvelle nous a surpris. Nous n’y croyions pas du tout. Parce que nous étions ensemble avec le maire la veille. Il était d’autant plus bien portant qu’il grimpait aisément les escaliers de la nouvelle mairie qu’il venait de construire. Il me disait qu’il faut qu’il donne cet immeuble à l’administration. Il ne présentait aucun signe de maladie », affirme le sous-préfet de Bayangam, William Mungambo Ekema. Tout en ajoutant : « Ce matin de jeudi [hier, Ndlr], à 4h, son garde du corps m’a appelé pour dire que le maire est un peu souffrant.  Et qu’il faut que je vienne avec le commandant de brigade. J’ai demandé si le médecin de l’hôpital est informé. Il m’a dit non, que je dois d’abord venir. Quand je suis arrivé à sa résidence, on m’a dit que le maire est décédé. Je n’y croyais pas ». Le sous-préfet a encore en mémoire les chantiers sur lesquels il travaillait avec le défunt: « Mardi dernier, le maire est venu me voir pour me dire qu’il veut déjà équiper la nouvelle mairie de matériels de bureau. Il souhaitait que j’assiste à cette séance. Nous y étions avec ses ouvriers. Nous avons passé de bons moments ensemble pour apprécier les belles œuvres qu’il a faites pour Bayangam.  Il voulait que le conseil municipal prévu ce vendredi se tienne dans le nouvel immeuble de la mairie ». Le destin en a décidé autrement.

Fo Wagap 1er

Tout un vaste chantier dont il ne verra plus l’évolution. André Sohaing venait de doter Bayangam d’une mairie digne de ce nom à Tougouo-Mbem. Un joyau architectural financé de ses poches à hauteur d’un milliard de Fcfa. Le maire de Bayangam qu’il était jusqu’au dernier souffle, devait y tenir un conseil municipal ce jour, n’eût été l’appel du destin fatal.

A la résidence du défunt, des cris de requiem n’en finissent pas. André Sohaing a quitté la terre des vivants. D’après de recoupements, le maire de Bayangam a été victime d’un malaise dans la nuit du 22 au 23 juillet 2015. Il aurait succombé à une attaque cardiaque. Son corps aurait été conduit dans une morgue à Douala où il s’était établi.  Dans son entourage, on ne cesse de revisiter ses œuvres de bienfaisance. A l’instar du nouvel hôtel de ville. Ou encore du foyer qu’il a bâti, en plein Bayangam, pour diverses cérémonies. André Sohaing était connu  pour ses largesses et son sens de responsabilité. Ce qui justifie le titre nobiliaire de Fo Wagap 1er [traduction de chef qui dépèce et partage au peuple] qu’il portait de son vivant. « Avec cette nouvelle, c’est comme si le ciel est tombé sur Bayangam. Nous n’avons pas encore digéré la mort du promoteur de la savonnerie Nosa  [Samuel Noumsi, Ndlr] qu’un

autre malheur nous frappe. C’est vraiment triste.  C’est comme si c’est l’arrondissement de Bayangam qui est mort, puisque c’est le maire qui portait cette localité. Il faisait presque  tout pour sa localité. Il n’y a que Dieu qui sait pourquoi il l’a  appelé auprès de lui à cette période. Nous étions de bons amis. Je l’appelais le père et il me disait que je suis son ami, son fils.   Il me prodiguait des conseils chaque fois, je ne peux pas l’oublier.  C’est mon seulement une perte pour Bayangam, mais également pour  l’administration que nous représentons », conclut le sous-préfet de Bayangam.        

Le défunt était également un fervent militant du Rdpc qu’il a rejoint dès le lancement à Bamenda, en 1985. Raison de plus pour qu’il soit, jusqu’à la mort, membre du Comité central (Cc). La vie militante d’André Sohaing s’est davantage prolongée dans la conquête de l’électorat. C’est ainsi que depuis 1996, il occupait le poste de maire sans discontinuer, à l’issue des élections municipales de la même année. Son  bail à la tête de cette commune s’est prolongé en 2002, 2007 et 2013. Bien avant, André Sohaing a contribué au sein de l’Union nationale camerounaise (Unc), parti mis sur pied par le premier président de la République, Ahmadou Ahidjo.

Quant aux affaires, M. Sohaing était à l’image de quelques richissimes de la République comme Victor Fotso, Joseph Kadji Defosso etc. Des hommes qui ont forgé l’admiration en excellant dans le commerce. Des selves made men, même si quelques sources laissent croire qu’ils ont bénéficié d’un coup de pouce de Ahmadou Ahidjo, pour asseoir leur notoriété financière après le départ des colons d’un Cameroun devenu indépendant le 1er janvier 1960. L’homme d’affaires qui vient de quitter la scène était connu du public comme étant promoteur de l’hôtel Akwa Palace à Douala. Il s’était aussi imposé dans le secteur de l’immobilier aussi bien au Cameroun qu’ailleurs. Le défunt laisse une quinzaine d’enfants, dans une vie maritale où il aura connu trois femmes. Le père Sohaing, comme aimaient à l’appeler des proches rejoint dans l’au-delà son fils William Kevin Sohaing [35 ans], mort en 2011 en tombant du 12ème

étage d’Akwa Palace. L’homme était faiseur de roi dans le département du Koung-Khi, au même titre que Victor Fotso et Joseph Kadji Defosso. Si certains membres du gouvernement lui doivent leur ascension, d’autres, par contre, lui imputent leur chute. Pour un homme du sérail qui appelait Paul Biya à sa guise.

Michel Ferdinand, à Bayangam

 

Biographie

21 janvier 1933 : naissance à Bayangam

1950 17 ans) : départ de Bayangam à Douala pour des activités commerciales à Bessengué. Il est marqué par des Grecs qui tiennent la plupart des affaires au Cameroun

1950-1966 : Exerce le commerce de l’alimentation, des boissons et d’importation du sucre

1975 : Nommé membre du Comité central de l’Unc par Ahmadou Ahidjo

1977 : Entrée dans l’hôtellerie par l’acquisition d’Akwa Palace (hôtel 4 étoiles)

1981 : Classé 9ème homme d’affaires le plus important aau Cameroun

1983 : dirige la compagnie soudanaise au capital de 240 millions de Fcfa (mise en bouteille de vin et représentant de marque, société biscuiterie Koupan-Sohaing Cameroun, Etablissements Nein & compagnie

1985 : désigné membre du Comité central du Rdpc au 4ème congrès de l’Unc à Bamenda

1988 : intronisé compagnon de Beaujolais, nommé commandant du Grand conseil de Bordeaux, chevalier du Coteau de champagne

1996 à nos jours : maire de la commune de Bayangam

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