Cameroun - Corruption. Affaire Prebap : Nganou Djoumessi, Motaze, Salé et Ndongo dans le coup des 70 milliards ?

Mamouda Labaran | La Météo Jeudi le 03 Septembre 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Ils apparaissent dans le scandale du Programme de reconversion économique de la filière banane plantain (Prebap) comme des magiciens dont on a fini par connaître tous les tours de passe-passe par cœur. Les prises d’intérêt des uns et autres dans cette rocambolesque mafia sont aujourd’hui mises à nu.

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L'invraisemblable scandale tentaculaire Prebap qui vise aujourd’hui la bande à Yaou Aïssatou, a certes de quoi étonner d'abord, susciter ensuite de belles indignations quand on y retrouve des membres de l’actuel gouvernement qui prétendent soutenir le président de la République et son opération Epervier. Pour une large opinion, il ne faudrait pas être devin pour flairer d’importantes ramifications et demander en urgence une ouverture d’information complémentaire au Tribunal criminel spécial (Tcs) afin d’étendre l’enquête à d’autres acteurs et suivre la piste des 70 milliards déboursés par l’Etat.

Au Tcs, où l’on s’emploie à déterminer l'éventuelle part de responsabilité de chaque acteur de la chaîne, les enquêteurs pourraient d’abord s’intéresser de près, à la manière dont Charles Salé a géré le Prebap. Et pour cause, c’est lui, devenu ministre de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique (Minimidt), a procédé, le 31 décembre 2004, au lancement du Prebap, en installant la Cellule d’appui. Cette entité technique a pour animateurs Yaou Aïssatou, directeur général de la Société nationale d’investissement (Sni) et président ; Patrice Teuguia (initiateur privé du Prebap) et vice-président ; Célestin N’donga (directeur de l’Industrie) et secrétaire exécutif. Cette cellule technique a pour mission principale d’assurer un encadrement efficace du Prebap de sa phase pilote (durée 3 ans) au lancement de la phase d’exploitation. Le coût de la phase pilote s’élève, apprend-on, à environ 4,5 milliards de Fcfa. De quoi se frotter les yeux…

Il est aujourd’hui fondé à soutenir que Charles Salé était au courant de tous les montages financiers greffés autour de cette importante somme d’argent. Pour appuyer cette thèse, il y a cette correspondance du 28 novembre 2005 qu’il adresse au secrétaire général de la présidence de la République. On peut y lire : «J’ai l’honneur de porter à votre connaissance, pour la haute information de monsieur le président de la République, chef de l’Etat, que suite aux hautes instructions relatives à l’achèvement des études et négociations concernant certains projets industriels, une série de concertations est en cours. Pour ce qui concerne particulièrement le Programme de reconversion économique de la filière banane plantain (Prebap), la première phase, qui est en cours de finalisation, a abouti à l’élaboration d’un projet consacrant l’acte constitutif de la plate-forme».

Hold-up

A ce niveau, l’on ne se doute de rien. Pourtant, rapportent nos informateurs, Charles Salé signe un nouveau protocole d’accord de partenariat pour le Prebap pour faire entrer au comité de pilotage un certain Clobert Tchatat et Olivier Eldin de la société des Plantation de Mbanga, en remplacement de Patrice Teuguia Waffo, l’initiateur privé du projet. Là, il ne fait pas mystère que les torpillements du Prebap commencent véritablement à se dessiner. Pour que la mayonnaise tienne, un autre acteur, et pas des moindres fait son incursion dans ce scabreux montage: Jules Doret Ndongo. C’est lui, à l’époque secrétaire général des services du Premier ministre (Sg/Pm) qui notifie, le 4 janvier 2006, au Minimidt, l’accord de principe de son patron. En fait, c’est Jules Doret Ndongo qui prépare le terrain avant le déblocage des 70 milliards par le président de la République. Une somme qui représente la première tranche des 300 milliards de Fcfa prévus pour la mise en œuvre du Prebap.

Les 70 milliards ainsi débloqués par Polycarpe Abah Abah, les grandes manœuvres commencent au niveau de la Primature pour faire main basse sur le pactole. Charles Salé, jouant le jeu de la mafia, prétend qu’il doit organiser un séminaire pour dissiper les zones d’ombres du Prebap. Pour lui, il faut repenser la reconfiguration du projet. Trop tard. Il quitte le gouvernement, le 7 septembre 2007, non sans avoir cautionné le décaissement en liquide des 300 millions de Fcfa, effectués sous le fallacieux prétexte de régler les dépenses de fonctionnement du secrétariat permanent du Prebap. A sa place, le nouveau Minimidt Badel Ndanga Ndinga n’a pas le temps de s’imprégner du dossier.

Selon des sources entrecroisées, Jules Doret Ndongo, au nom du Premier ministre chef du gouvernement, lui instruit aussitôt de transmettre le dossier au ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat). Badel Ndanga Ninga qui n’y comprend rien du tout, s’exécute à la quatrième vitesse. Voilà comment le programme est désormais coordonné par Louis Paul Motaze, selon l’arrêté du 21 avril 2009 qui crée la plate forme technique de formulation du Prebap. Depuis cette date, en réalité, c’est l’alors Minepat et les autres acteurs qui se frottent les mains dans ce projet en termes d’actions à entreprendre, ainsi que sur les mécanismes de financement. La suite se passe de commentaires : le Minepat prend sur lui d’initier la relecture du projet de texte portant création, organisation et fonctionnement de l’agence d’exécution du programme, agence également proposée par la plate forme technique de formulation du programme. Le Minimidt est ainsi définitivement mis à l’écart.

Ce qui donne l’occasion à Yaou Aïssatou et sa camarilla de revenir à la charge. A ce qui se murmure, elle se souvient que la structure qu’elle dirige (la Sni) est l’ordonnateur chargé du contrôle et du suivi dudit projet (selon la lettre n°15557/Mindic du 17 septembre 2004). On ne sait trop pourquoi, elle décide de parapher l’acte de décès du Prebap, remplacé au pied levé, renseigne-t-on, par un autre projet baptisé «Agi Business», et curieusement avec le même budget de 30 milliards de Fcfa que le Prebap. Visiblement, la présidente du bureau national des femmes du parti de Paul Biya a reçu l’onction des administrateurs Dieudonné Evou Mekou et Gilbert Tsimi Evouna (délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé), qui n’ont aucun problème de conscience pour rouler pour elle. Info ou intox ? Rien n’est moins sûr. En revanche, l’on reste toujours sans nouvelles des véhicules acquis dans le cadre du Prebap et biens d’autres actifs, sous Yaou Aissatou. Ce qui fait dire à certains magistrats du Tcs, au regard de la qualité des préjudices causés à l’Etat, que l’affaire Prebap s’apparente à l’Albatros bis.

Nganou Djoumessi le cerveau du gang ?

Le dossier Prebap risque fort bien de devenir incandescent dans les jours qui viennent avec beaucoup de révélations, quand on voit à quel rythme la machine judiciaire s’emballe. Surtout qu’au sommet de l’Etat, l’affaire est suivie avec la plus grande attention. A preuve, depuis le 10 décembre 2014, le secrétaire général adjoint de la présidence de la République (Sga/Pr), Séraphin Magloire Fouda demande au ministre Emmanuel Bondé de lui faire le point de l’état d’exécution du Prebap, après avoir été saisi par Patrice Ruben Teuguia Waffo. Mais ce que le Sga/Pr ne sait apparemment pas, c’est que, depuis décembre 2011, c’est le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) Emmanuel Nganou Djoumessi, himself, qui assure le pilotage du projet.

Du moins, si l’on se réfère à la correspondance du 19 janvier 2015, du ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minimidt), adressée au ministre secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr), Ferdinand Ngoh Ngoh. On peut y lire : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que le Ministre en charge de l’Industrie  a assuré le pilotage de ce programme jusqu’en 2011, date à laquelle le dossier a été transféré au Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT), sur hautes instructions du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, pour sa mise en œuvre. J’ai transmis par lettre séparée de ce jour votre correspondance au MINEPAT pour compétence et suite à donner.»

A y regarder de près, l’on constate que, en lieu et place de Séraphin Magloire Fouda,  Emanuel Bondé choisit plutôt de s’adresser directement au secrétaire général, Ferdinand Ngoh Ngoh, lui même. Pourquoi ? En se référant au Sg/Pr, voulait-il ainsi insinuer que le proche collaborateur du chef de l’Etat serait lui aussi mains et pieds liés dans ce dossier et en sa qualité de grand patron, il avait intérêt à faire taire l’affaire? À voir. La lettre de M. Bondé a, tout au moins, le mérite de confirmer pourquoi il ne faut plus remuer ciel et terre pour auditionner Emmanuel Nganou Djoumessi, dans ce qui constitue l'un des plus grands scandales financiers du siècle, sous nos tropiques. Pour en savoir plus, La Météo a vainement tenté d’arracher des responsables du Minepat quelques confidences dans ce sens. Mais, nous nous sommes butés à un silence de cimetière qui cache pourtant mal la persistance de tous les soupçons qui pèsent de plus en plus sur le chef de ce département ministériel. Toujours est-il que M. Nganou Djoumessi, décidément dans tous les coups, devra sans conteste dénouer tous les louvoiements et autres incohérences qui ont poussé dans les flancs du Prebap depuis près de 4 ans.

Il faut comprendre à la fin pourquoi et comment un programme qui a pour objectif de faire de la filière banane plantain, un maillon essentiel de la relance économique et de la lutte contre la pauvreté au Cameroun,  est devenu un éléphant blanc du régime Biya. Qu’on se souvienne au moins qu’il avait globalement pour objectifs de porter la production de la banane plantain de 1,5 millions de tonnes à 3 millions de tonnes en 5 ans ; améliorer la structure de la balance commerciale par les exploitations ; apporter une contribution plus importante des agro-industries à la formation du Produit intérieur brut (Pib). Malheureusement, pour des intérêts mercantiles, il est resté dans le registre de simples annonces, prouvant même que ce projet structurant aura finalement été en grenier à sou pour des dignitaires du régime. Comme pour dire que l’opinion va assister,  tout le long du mois de septembre, à un bal de caciques du système au Tcs.
 

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