International. Arthur Zang et Sénamé Koffi: deux stars de la tech africaine débarquent à Bordeaux

Laure Belot | Le Monde Jeudi le 23 Avril 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Pour sa troisième édition, la Journée nationale des diasporas africaines, le 25 avril à Bordeaux, mise sur l’innovation et les technologies.

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Parmi les invités, on trouve deux inventeurs, l’un du Cameroun, l’autre du Togo, qui ont bluffé les jurys internationaux et pourraient, bientôt, séduire les investisseurs. À cette occasion, le Monde Afrique republie les deux articles sur Arthur Zang et Sénamé Koffi Agbodjinou qui faisaient partie, début avril, de la grande enquête de Laure Belot sur quatorze start-up qui font bouger l’Afrique.

 

Le docteur Ndjomo Mba, directeur de l'hôpital de Mbankomo, à Yaoundé (Cameroun), teste le Cardiopad avec l'un de ses patients.

 

La tablette imaginée par Arthur Zang, permet de mesurer les données physiologiques du cœur puis de les transmettre à un cardiologue. Très utile au Cameroun, où il n’y a que 50 cardiologues pour 20 millions d’habitants.

 

Son apparence est ordinaire, mais cette tablette peut tout bonnement sauver des vies. Testé au CHU de Yaoundé et dans le petit hôpital de Mbankomo à 25 kilomètres de la capitale camerounaise, le Cardiopad permet à toute personne, même sommairement formée, de mesurer les données physiologiques cardiaques.

 

Fréquence des pulsations ou encore durée des « intervalles RR » entre deux battements, ces informations sont calculées, visualisées et enregistrées par cette tablette et peuvent être simultanément transmises à distance à un cardiologue afin que celui-ci établisse un diagnostic. Cet outil, particulièrement prometteur alors que le Cameroun ne compte que 50 cardiologues pour 20 millions d’habitants, a été créé de toutes pièces par un jeune ingénieur de 27 ans, Arthur Zang. Et ce, sans moyen propre et en à peine cinq années.

 

Il se forme à l’électronique en suivant un cours indien sur internet

C’est en 2009 que l’idée germe dans l’esprit de cet inventeur. Alors étudiant en informatique à l’école polytechnique de Yaoundé, Arthur Zang fait un stage dans le service de cardiologie du professeur Samuel Kingue. Étonné par l’utilisation, au XXIe siècle, d’électrocardiogramme papier, il propose au professeur de concevoir un logiciel utilisable sur ordinateur.

 

Artur Zang ne le sait pas encore, mais c’est le début de son aventure entrepreneuriale. Une aventure qui se confond d’ailleurs avec l’essor du numérique africain : entre 2010 et 2014, cet inventeur opiniâtre va utiliser tous les moyens disponibles gratuitement en ligne pour faire aboutir son projet. Pour se former à l’électronique, condition sine qua none pour adapter son système à une utilisation sur tablette, cet informaticien va suivre pendant un an et à distance les cours d’un Mooc (Massiv Open Online Course), trouvé sur le site de l’Indian Institute of technology.

 

Il trouve les financements grâce à un film sur YouTube

Pour obtenir des matériaux, l’entrepreneur soumet ensuite son idée à un concours international, le Microsoft Imagination Competition, qu’il découvre en ligne. Son projet est remarqué, il reçoit alors certains composants électroniques nécessaires à la construction de la tablette prototype. Afin de se faire financer, il fait preuve d’une autre initiative numérique : il filme son projet et le poste sur YouTube. Son audace paye. La vidéo est remarquée par le président camerounais Paul Biya « qui me remet officiellement 45 000 dollars pour poursuivre l’aventure », explique-t-il.

 

Son projet est aussi remarqué par les chasseurs de talents de la Fondation Rolex, qui sélectionnent Arthur Zang en 2014 pour leurs prestigieux Rolex Awards. Un prix de 50 000 francs suisses (48 000 euros) ainsi qu’un accompagnement qui va lui permettre de passer la vitesse supérieure. En novembre 2014, une dernière fois, Arthur Zang mise sur le réseau mondial pour obtenir un coup de pouce. Sous l’intitulé « Saving Africa from Heart Diseases with Cardiopad », il soumet son projet sur la plate-forme de crowdfunding Indiegogo afin de récolter des fonds pour financer la production industrielle. Le projet obtient 8 800 euros. « C’est moins qu’espéré, mais assez pour lancer le début de la production en Chine », explique-t-il.

 

Une centaine de tablettes viennent, au mois de mars 2015, d’être réalisées et devraient être commercialisées au prix d’environ 3 000 euros. Arthur Zang cherche encore des financements mais voit déjà plus loin. Son prochain projet ? Permettre une échographie à distance, et ce, par tablette interposée.

 

Sénamé Koffi Agbodjinou et des composants recyclés qui lui ont permis de fabriquer la première imprimante 3D africaine

 

 

A Lomé, l’espace Woelab, imaginé par l’architecte et chercheur en anthropologie Sénamé Koffi Agbodjinou, est un espace de créativité ouvert et participatif. C’est là qu’a été conçue une imprimante 3D faite à partir de composants trouvés dans des décharges.

 

Que faire des monceaux de déchets technologiques déversés en Afrique ? Sous la houlette de l’architecte et chercheur en anthropologie Sénamé Koffi Agbodjinou, la communauté Woelab qui réunit une trentaine de jeunes « makers » à Lomé, la capitale togolaise, a conçu une imprimante 3 D « low cost » à partir de composants trouvés dans différentes décharges. « Nous n’avons pas de dépotoirs géants comme au Ghana et allons faire notre collecte dans différentes casses », explique Sénamé Koffi Agbodjinou.

 

Dans la plus pure tradition des « fab lab », (contraction de l’anglais fabrication laboratory, laboratoire de fabrication) cet espace de créativité est ouvert et participatif. C’est une pépinière et un lieu de vie, une « démocratie technologique » autoproclamée qui accueille des personnes de multiples horizons, « maçons, menuisiers, étudiants dans tous les domaines, mais pas d’ingénieurs », précise l’animateur du lieu. « Il s’agit de réconcilier le monde de la tradition et de la technologie et d’investir des domaines de pointe avec ce que nous avons sous la main », explique-t-il.

 

Il se fait remarquer par… la Nasa

L’espace Woelab est également un projet urbain dans un « quartier délaissé de la capitale » : ce lieu de fabrication a investi le no man’s land frontalier de Lomé, seule capitale africaine à la bordure entre deux états, le Togo et le Ghana.

 

Ce projet de récupération inédit a même été remarqué par… la Nasa. « En 2013, nous avons participé au Nasa Space App Challenge, un hackaton international et avons imaginé transférer une partie des déchets que nous recevons sur Mars pour y fabriquer des imprimantes 3D », explique le chercheur. Une manière d’interroger l’incongruité de ces envois massifs de D3E (déchets d’équipements électriques et électroniques), notamment de pays européens, qui passent parfois pour des « dons en nature » et s’entassent dans des décharges gigantesques sur le continent africain.

 

D’ici à 2017, selon une étude chapeautée par l’ONU, les déchets électroniques mondiaux représenteront 65,4 millions de tonnes de détritus par an, soit près de 200 fois la masse de l’Empire State Building.

 

Il reçoit le prix de la meilleure invention sortie d’un « fab lab » ces dix dernières années

Ce projet collectif a reçu, en juin 2014 à Barcelone, le Global Fab Award, le prix de la meilleure invention sortie d’un « fab lab » des dix dernières années. Un des prototypes est déjà en activité dans un collège de Lomé pour donner « des cours de dessin 3D à des élèves entre 14 et 16 ans », explique l’architecte.

 

Sept prototypes ont déjà été construits et l’organisation aimerait attirer l’attention d’une grande organisation telle que l’Unesco pour développer cette approche éducative. Le lieu continue à fourmiller de projets et est devenu depuis peu un incubateur. Les trente jeunes makers, qui « circulent d’un projet à l’autre », explique Sénamé Koffi Agbodjinou, sont légalement propriétaires des cinq premières entreprises incubées.

 

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