Opération Épervier. Cameroun: Aventures et mésaventures des Premiers Ministres sous le Renouveau

Edouard Kingue | Le Messager Vendredi le 03 Mai 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les Premiers ministres (Pm) sous le Renouveau ont connu des fortunes diverses. Si Sadou Hayatou avait su innover afin de remplir les vides de la coquille, le Premier ministre de la tripartite n’est plus qu’un retraité malade.

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Les Premiers ministres (Pm) sous le Renouveau ont connu des fortunes diverses. Si Sadou Hayatou avait su innover afin de remplir les vides de la coquille, le Premier ministre de la tripartite n’est plus qu’un retraité malade. Aujourd’hui en prison, Inoni a maille à partir avec la Justice. Achidi Achu se faisait admirer par ses coups de reins politico-artistiques sous l'air du « njangui » électoral. Le prince l’a sacré sénateur. Mafany Musonge s'était taillé sur mesure un costume de Pm. Il n’a pas été oublié. Le voici grand chancelier des ordres nationaux. Bello Bouba, le tout premier Pm de Biya a été fortement cannibalisé et n’est plus que l’ombre de lui-même au sein de l’échiquier politique, tandis que peinard, Ayang Luc son successeur, a durablement creusé son trou au conseil économique et social…

Tombeur de Ni John Fru Ndi aux sénatoriales à Bamenda, Achidi Achu a fait d’une pierre deux coups. A 83 ans passés et une carrière politico-administrative bien remplie, il vient de rebondir comme sénateur après une longue traversée de désert. L’ancien premier ministre peut se dire verni. Ce n’est pas le cas de son prédécesseur Sadou Hayatou, qui après une primature a tous points exemplaire, a curieusement été parqué à la Beac notamment, d’où il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Nommé le 26 avril 1991, il sera remercié un an presque jour pour jour. «Odontol» comme on l’appelait à cause de son mystérieux sourire qui ne le quittait jamais, est l’homme de la tripartite, ce temps fort politique du Cameroun qui a contribué à désamorcer la bombe des revendications sociales des années de braise. Même s’il n’a pas cédé a toutes les sollicitations de l’opposition, on lui doit par son charisme et sa fermeté, d’avoir contribué à donner a ce forum un caractère consensuel ayant débouché plus tard à la Constitution de janvier 1996 avec le Conseil constitutionnel (art 47), la Haute Cour de Justice (art 53), les Conseils régionaux et leurs présidents respectifs (art 57), la déclaration des biens (art 66), qui sont appelés à constituer la charpente institutionnelle d’un Etat à prétention démocratique.

Aujourd’hui diminué par la maladie, entre Garoua et Yaoundé, Sadou Hayatou nommé à l’époque pour des raisons économiques s’est retrouvé en plein cœur de la bataille politique, respectant ses adversaires et se faisant respecter, pour aboutir à un texte consensuel dont l’application se fait à goutte à goutte au gré des intérêts du prince. Aura-t-il le temps d’écrire ses mémoires, pour nous dire le regard qu’il porte sur le jeu et les acteurs de cette époque? En 1992, Achidi Achu prendra le relais de Sadou Hayatou à la primature. Deux styles différents, deux personnalités aux antipodes l’un de l’autre. Le premier était un banquier issu du privé, le second un magistrat de haut rang. Mais le père de la formule bien camerounaise de «politik na njangui » sera un Premier ministre tout en rondeur, dont le ‘mandat’ a été marqué par l’intrusion dans les affaires de la ‘feymania’. Ce jeu fait d’escroquerie, de prestidigitation et de mensonge politique. On a encore en mémoire, un malfrat -en l’occurrence - le fameux Donatien, remettant …10 millions en coupures au Premier ministre devant une opinion estomaquée. La jeunesse a pris date et l’enrichissement illicite a pris racine dans toutes les strates de la société. Il rentrera vivre de ses rentes à Santa, avant d’être rappelé au Sénat sans doute pour services rendus.


Exécution des lois

Quatre ans après, Achidi cède la place à un autre Premier ministre, en plus sérieux. Mafany Musonge qui battra tous les records de longévité, de 1996 à 2004, avec en prime le physique de l’emploi. Même s’il se pose en avaleur de couleuvres dans un gouvernement sur lequel il n’avait pas la main mise, il a su donner l’impression de travailler, ne sachant pas ce qu’on lui demande. Il prend toutefois à bras le corps les problèmes économiques, notamment la période des vaches maigres héritée de son prédécesseur et conduit tant bien que mal le Pas. Jusqu’en 2009, Mafany aujourd’hui grand chancelier des ordres nationaux, fait office de chef de gouvernement avant de céder le tabouret à chief Inoni, venu en droite ligne de la présidence. L’ancien instituteur connaît bien le gouvernement du Renouveau et toutes ses articulations. Il a les faveurs du prince et surtout des nombreux collatéraux qui en profitent pour lui refiler des bébés encombrants. C’est sous sa primature que la feymania politico-administrative s’est amplifiée jusqu'à prendre des proportions insoutenables. Mais qu’y pouvait-il ? Ceux qui pillent sont proches du prince. Il n’a aucun pouvoir de coercition. Il n’est comme les autres, que le premier des ministres. Une certaine ingénuité du chief le conduira ainsi jusqu’en prison, abasourdi par ce qui lui arrive. Pouvait-il s’en tenir au texte qui régit ses fonctions : « le Premier ministre est le chef du gouvernement dont il dirige l'action. La Constitution le charge de l'exécution des lois. Il exerce le pouvoir réglementaire, nomme aux emplois civils sous réserve des prérogatives reconnues au président de la République dans ces domaines (Article 12). Le gouvernement met en œuvre la politique de la nation telle que définie par le président de la République. Il est responsable devant l'Assemblée nationale (Art.11) l'une des deux chambres du Parlement». Encore fallait-il que son autorité soit garantie. Ce qui est loin d’être le cas de tous les premiers ministres affublés du titre de chef de gouvernement.

Edouard Kingue

Les PM du Cameroun depuis 1982:

Bello Bouba Maigari: 6 novembre 1982-22 août 1983

Luc Ayang: 22 août 1983-25 janvier 1984

Poste vacant: 25 janvier 1984-26 avril 1991

Sadou Hayatou: 26 avril 1991-9 avril 1992

Simon Achidi Achu: 9 avril 1992-19 septembre 1996

Peter Mafany Musonge: 19 septembre 1996-8 décembre 2004

Ephraim Inoni: 8 décembre 2004-30 juin 2009

Philémon Yang: 30 juin 2009 en fonction


Focal: Philémon entre le ‘yin’ et le ‘yang’

Yunji Yang n'est pas une divinité chinoise comme son nom tendrait à le faire croire. La preuve de sa "camerounité" c'est qu'il s'appelle Philémon. On le croit chef de gouvernement, dans le civil Philémon Yunji Yang est le premier ministre camerounais. Mais il serait difficile de le reconnaître sur une photo, tellement l'homme apparaît transparent dans une fonction vidée de sa substance. Difficile de cataloguer ce magistrat et diplomate, tellement l'homme semble issu d'une galaxie étrangère à notre système solaire, et ce n'est pas son principal collaborateur, Louis Paul Motaze qui se gênerait pour lui reconnaître un visage d'homme au sein de la nébuleuse du pays organisateur...

Il y a eu le dramatique épisode d’Inoni Ephraïm qui croit toujours naïvement que le président Biya va l'élargir parce qu'il n'a "rien fait". Et voici Philémon Yang, ancien ministre sous Ahmadou Ahidjo. Mais qui s'en souvient ? Voilà ce qu'un confrère écrit sur lui : «... pondéré, on dit de lui qu'il est transparent et ne fait pas preuve d'assez d'autorité. Très soumis, Philémon Yang prend très peu d'initiatives et ne fait, en général, que ce que lui demande son patron. Rien de consistant à mettre à son actif.» De toutes les façons, son leadership terne sur les membres du gouvernement mais surtout son incapacité à juguler le chômage comme ses prédécesseurs, en fait un "bon" premier ministre. Louis Paul Motaze peut donc claironner. Le secrétaire général des services du premier ministre aurait, selon Mutations, " été investi d'une mission lorsqu'il a été nommé : celle de le surveiller dans son action. C'est une attribution non écrite. Il est dans les habitudes du chef de l'Etat de nommer à côté d'un pouvoir formel un contre-pouvoir informel, qui lui rend directement compte. Cela s'appelle aussi diviser pour mieux régner ". Jamais premier ministre n'a chaussé des bottes aussi inconfortables. Il préfère raser les murs pour ne pas faire des vagues. Les coups de tête présidentiels sont réputés redoutables. Comme les autres, Yang préfère avaler les couleuvres, inaugurer les chrysanthèmes et se faire enjamber allégrement, avec ou sans son consentement. C'est ce qu'on appelle sans doute la méthode du Yin et du Yang.

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