Cameroun - Culture. Cameroun : L’amour à la camerounaise

Le Jour Mardi le 14 Février 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
St Valentin. Encore à l’école du romantisme, les Camerounais montrent leurs sentiments amoureux de diverses manières.

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La question fait sourire, signe d’une gêne certaine, même chez les plus décomplexés ou les plus libérés, si l’on veut. Comment exprimez-vous votre amour pour l’autre ?
Et voilà que des femmes se lâchent. Agée de 32 ans, une étudiante déclare amoureusement : « Je me donne à lui corps et âme. C’est au lit que je lui montre que je l’aime. Je lui fais des choses. Nous vibrons en phase.».
 
Au-delà des effusions et des fusions charnelles, les manifestations d’amour sont aussi ailleurs, pense Marie-Louise, 35 ans, secrétaire d’administration. « Mon homme et moi vivons dans des villes différentes », explique-t-elle. Pour lui montrer son amour, elle dit lui accorder du temps, se déplacer de Yaoundé pour Buéa pour le voir, lui concocter aussi les plats qu’il aime.
Dans le domaine du romantisme, les fleurs cherchent encore leur place dans les cœurs des Camerounais et Camerounaises. « Je suis fleuriste depuis 25 ans. Les ventes de fleurs évoluent timidement les jours de fête, même le 14 février. Mais les jours ordinaires, presque personne ne demande de fleurs d’amour », déplore Ambroise Nyobe, installé au marché du carrefour Abbia à Yaoundé. « Pourtant, avec 1.000 F.Cfa, on offre une rose à sa dulcinée », ajoute-t-il.
 
« Les bouquets, il y en a pour toutes les bourses, même à 500 F.Cfa. » Une belle composition florale pour dire « je t’aime », c’est encore rare. Mais le mouvement est enclenché. En quatre ans de relation amoureuse, Marie-Louise a offert des fleurs trois fois à son prince. Il a fait pareil une seule fois. Carine a eu moins de chance. « J’ai déboursé 7.000 F.Cfa pour offrir des fleurs à mon homme qui les a négligées. Il n’est pas très romantique, mais je ne me décourage pas. Avec lui je fais ce que me dicte mon cœur. Il m’arrive de faire des économies pour l’inviter au restaurant et lui faire un cadeau. Mais ma plus grande preuve d’amour ce sont nos deux enfants », explique cette étudiante qui vit en concubinage avec son amoureux.
 
Le romantisme est loin d’avoir gagné tous les cœurs. Beaucoup sont simplement pragmatiques, comme Paul, 33 ans, agent de réception dans une entreprise. Trois années avec une fille, aucun cadeau offert, surtout pas à la St Valentin. « L’amour que j’ai pour ma compagne s’exprime par le temps que je lui consacre au quotidien. Je lui donne de l’argent pour notre fils et sa fille issue d’un autre lit, sans discrimination. J’achète systématiquement ses produits de beauté. Il nous arrive de sortir de temps en temps», affirme-t-il.
 
Si « je t’aime » semble être rentré dans les usages, le dire n’est pas toujours aisé pour les pudiques. Surtout, ne leur demandez pas d’embrasser en dehors de leur intimité.
 
Assongmo Necdem
 

“Aller vers l’autre avec ce qu’on a”
 
Armand Leka Essomba. Enseignant de sociologie à l’université de Yaoundé I, il décrypte les représentations de l’amour.
 
Les Camerounais expriment-il l’amour d’une façon particulière ?
Leur expression de l’amour obéit toujours aux accents spécifiques de chaque culture, de chaque civilisation et même de chaque individu tout en étant aussi fonction des époques. La spécificité de chez nous peut se voir dans la tendance à gaver la femme de cadeaux divers (tissus pagne, bijoux, etc.). On « entretient bien » la belle-famille de la personne aimée. Dans les villages et pas seulement, des femmes  préparent le plat préféré de la personne aimée, etc. Ailleurs, pour exprimer son amour en direction d’une femme, on lui fait tenir des fleurs avec des mots gentils ; on l’invite à diner ou à déjeuner. On observe chez nous une tendance à la mondialisation de l’expression des comportements amoureux, notamment dans les grandes villes, du fait de leur grande exposition aux flux culturels qui viennent de loin. Les grandes séries de 19h que nos chaînes de télévision diffusent allègrement jouent un rôle. Si la fleur n’est vraiment pas encore intégrée dans le rituel de cette expression du sentiment amoureux, l’invitation au restaurant ou à une ballade dans un lieu suggestif est presque systématique. On s’envoie des textos par téléphone portable, etc.
 
Dans nos sociétés, les hommes et les femmes ont-ils les mêmes attentes en amour ?
Il est vrai que dans nos sociétés très largement gouvernées par l’imaginaire phallocratique, c’est-à-dire où, en quelque sorte, tout ce que la femme est censée faire doit l’être pour la gloire de l’homme, il est clair que les attentes vont différer. Mais d’un strict point de vue sentimentaliste, le cœur de la femme et le cœur de l’homme ont les mêmes battements.
 
Face à l’influence de la modernité, nos valeurs traditionnelles priment-elles encore ?
Les spécificités de nos expressions du sentiment amoureux cheminent simultanément, pas nécessairement dans un rapport de concurrence avec celles que nous avons copiées au contact des autres. Et c’est bien ainsi. Les hommes partout, en fonction de leurs époques, se sont servis de ce qu’ils avaient à leur disposition pour entrer en relation. Aller vers l’autre avec ce qu’on a : une parole, quelques phrases, un geste, une mimique, une intonation, un symbole (celui du cœur notamment), un cadeau, une louange, etc. Sur ce plan, je n’ai pas à établir des hiérarchies. On ne peut raisonnablement nier par exemple, que la  finesse des bonnes manières ait apporté quelque chose de nouveau dans la poésie de la relation amoureuse chez nous.
 
Propos recueillis par A.N.

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