Cameroun - Agriculture. François Mefinja Foka « Quand l’UCCAO était maitre du café du Cameroun, on avait la qualité »

Investir au cameroun Jeudi le 11 Avril 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
François Mefinja Foka est le directeur général de l’Union centrale des sociétés coopératives agricoles de l’Ouest (UCCAO), l’un des plus grands producteurs de café au Cameroun. Il pose un regard sans complaisance sur la filière café au Cameroun. Il dénonce la ruée des amateurs qui plombent la qualité du café et plaide pour une réglementation de la filière par l’Etat.

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Comment se porte aujourd’hui la filière café au Cameroun ?

La filière café au Cameroun commence à se relever, parce que pendant plus de vingt ans, la filière avait été abandonnée. Les plantations n’étaient plus entretenues, les engrais étaient devenus trop chers. Pour une filière qui demande beaucoup d’investissement, s’il n’y a pas d’encadrement, s’il n’y a pas d’argent, ça ne peut pas aller. Donc, depuis la crise des années 86-87, nous avons perdu pas mal d’argent. Nous avons perdu en termes de production et de devises. Mais, depuis la mise en place de certaines structures, notamment depuis la mise en place du FODEC, depuis que le gouvernement a pris conscience qu’il devait subventionner la caféiculture, les planteurs semblent engagés et résolus à revenir à la caféiculture. Les effets sont déjà perceptibles, parce que la baisse de la production est maitrisée. Donc, nous pensons que ca devrait mieux aller dans le futur.

Quelle évaluation faites-vous des pertes enregistrées pendant cette période de crise ?

Par exemple, en termes de production, avant la crise, c’est-à-dire dans les années 80, nous ne produisions pas moins de 30 000 à 40 000 tonnes de café Arabica. Après la crise, on se situe aujourd’hui en 2012 autour de 10 000 tonnes de café Arabica.

Combien de producteurs comptiez-vous lors de ces périodes de crises ?

Dans la région de l’Ouest que je maîtrise mieux, le nombre de producteurs se situait à peu près à 150 000. Donc, c’est à peine la moitié de la production qu’on avait avant. Aujourd’hui, la baisse est très forte. Entretemps, beaucoup de producteurs se sont aussi désintéressés de la production. Les jeunes ne s’y intéressent pas. Et il est question aujourd’hui de trouver les voies et moyens pour amener les jeunes à s’intéresser à la production, notamment en facilitant le travail de la production, en facilitant le travail post-récolte. Car, le café demande beaucoup de travail après la récolte, il faut cueillir, dépulper, fermenter, sécher, transporter pour décortiquer dans les usines et transformer localement une petite partie, exporter la grande partie. Donc, cela nécessite beaucoup de moyens d’investissement humains et financiers.

Quel est l’apport du FODEC dans tout cela ?

Je suis membre du conseil exécutif du FODEC (Fonds de développement de la filière cacao-café, ndlr). Le FODEC est un organisme public de financement. Les sources de financement proviennent des prélèvements. Les projets gouvernementaux sont financés par le FODEC. Il s’agit des projets conçus au niveau du ministère de l’Agriculture, du ministère du Commerce, du ministère de la Recherche et du ministère de l’Industrie. A ce jour, nous avons financé pas mal de projet. Donc, c’est un instrument de financement qu’il fallait créer, on l’a fait et les résultats sont là. On vient d’ailleurs de mettre sur pied un projet pour le financement des engrais. Il y a un autre projet pour le traitement des vergers. Ce que nous déplorons au FODEC c’est qu’on ne finance pas directement les projets des producteurs. Il faut passer par ce qu’on appelle les ordonnateurs qui sont les départements ministériels que je viens de citer. Et cela fait un peu mal aux opérateurs que nous sommes, parce qu’il ya beaucoup de lenteurs, parce qu’il y a beaucoup de procédures. Vous savez quand on dit Etat, cela voudrait dire procédures. Qui dit procédures, dit lenteurs. Donc, voilà le problème que nous avons au Cameroun.

Quelle est la proportion des jeunes qui s’intéressent à la culture du café dans notre pays ?

Personnellement, je situe cette proportion à moins de 15%. La moyenne des producteurs de café au Cameroun se situe au dessus de 50 ans. C’est pourquoi je dis qu’il faut absolument trouver des moyens pour inciter les jeunes à produire et à augmenter cette production.

Combien de producteurs dénombre-t-on actuellement dans la région de l’Ouest ?

Le nombre de producteurs a beaucoup baissé. Je ne peux pas donner des chiffres, faute de statistiques. Mais, c’est une évidence lorsqu’on on voit la production ou lorsqu’on voit le verger qui se rétrécit. Donc, il faut tout revoir. Nous avons beaucoup de jeunes oisifs en ville et même au village qui ont besoin d’un coup de main, qui ont besoin d’une chiquenaude pour se lancer dans la production. Le Conseil interprofessionnel du cacao et du café a mis en place le projet de New Generation. On a commencé par le cacao. Nous pensons que dans la région de l’Ouest cela devrait permettre d’inciter les jeunes.

Pourquoi dit-on qu’au Cameroun la région de l’Ouest est la région la plus productrice de café?

C’est naturel. Vous savez, le café répond à des conditions écologiques spécifiques. Il ne se retrouve pas partout, la région de l’Ouest est une région essentiellement agricole. Déjà aussi parce que l’écologie s’y prête. C’est une zone rurale par excellence. Et l’avantage que l’Ouest fournit, c’est que nous avons de la plaine, des basses altitudes, mais nous avons aussi des hautes altitudes et des plateaux. Vous savez, le café Arabica ne se cultive pas n’importe où. Il faut au moins 900 mètres d’altitude et ce n’est pas partout que vous retrouverez ces 900 mètres d’altitude pour cultiver le café Arabica.

Comment répartissez-vous la production actuelle ?

Sur les 10 000 tonnes produits, il faut savoir que le café Arabica se cultive essentiellement sur les hauts-plateaux. Donc, à l’Ouest et au Nord-Ouest. La proportion est d’environ 80-20.C’est-à –dire 80% à l’Ouest et 20% dans le Nord-Ouest. Du moins, ce sont les proportions que nous avions avant la crise, je ne pense pas que cela peut substantiellement baisser.

Sur le marché international, on ne parle pas trop du label café camerounais, comment percevez-vous cela et comment évaluez-vous la qualité du café camerounais aujourd’hui ?

C’est malheureux parce que c’est l’UCCAO qui vous parle. Quand l’UCCAO maîtrisait la production, quand l’UCCAO était maitre du café du Cameroun, on avait la qualité. Nous regrettons aujourd’hui. L’UCCAO faisait la qualité et la référence. Avant les années 90, partout dans le monde entier on vous disait que le café camerounais était accroché au nom de l’UCCAO. Malheureusement, lorsque la crise est arrivée, tout le monde est entré dans la filière. Personne ne maitrise plus la production. Nous produisons, mais la qualité n’est plus l’affaire de personne. Disons-nous les vérités. Le café c’est quoi ? C’est l’investissement. Ces gens qui sont dans l’exploitation et la transformation du café au Cameroun, demandez leur où se trouvent leurs usines. C’est cela le problème. C’est cela qui détruit l’image du Cameroun et c’est cela qui détruit la qualité du café du Cameroun. Sur le marché, aujourd’hui, vous trouverez difficilement trois entreprises comme l’UCCAO qui détient le matériel et l’expertise pour faire la qualité. Ils viennent sur le terrain, prennent un café, ils ont à peine un décortiqueur, le lendemain, le café se retrouve au port prêt à partir. Comment peut-on avoir la qualité dans ces conditions ? Ce n’est pas possible. Or, l’UCCAO a toute sorte de machine pour dégager et sortir ce qu’il y a comme impuretés dans le café avant l’exportation. C’est cela qui faisait et qui fait la qualité du café. Actuellement, il y a beaucoup d’amateurisme et c’est regrettable. Nous avons au Cameroun plus de 120 usiniers. Pour quelle production ? Pour 10.000 tonnes de café ? Au Rwanda, il y a cinq usiniers pour 16.000 tonnes. Ils ont d’ailleurs atteint aujourd’hui 20.000 tonnes. Avec cinq usines. Faites la proportion. C’est du désordre au Cameroun.

Comment faut-il mettre de l’ordre dans la filière, d’après vous ?

C’est le gouvernement qui doit agir. Je le dis partout et ailleurs, j’en discute les structures publiques comme l’ONCC ; j’en parle avec le ministre du Commerce et avec le ministre de l’Agriculture. On doit réglementer la filière. Pour être usinier, il faut faire inspecter ses usines. Une usine c’est quoi ? C’est de la réception à la table en passant par le séchoir, le décortiqueur, les épierreuses, etc. Quel usinier dispose de tout cela ? Lorsque vous mettez un café au bout de la chaine, il doit ressortir avec tous les traitements possibles. On doit même déguster et savoir que c’est un bon café avant de le mettre sur le marché. Quel est l’usinier qui a une unité de dégustation ? Quel est l’usinier qui a une unité de séchage ? Parce que quand le planteur apporte son café qui n’est pas sec, en principe, il faut le sécher avant de l’acheter. Quel usinier a un séchoir ? Aujourd’hui, on prend le café à 20% de taux d’humidité. Est-ce normal?

Quelle est la norme requise ?

Il faut au trop 12% de taux d’humidité. Et comme nous l’avons dit tout à l’heure, nous avons un climat essentiellement humide. Cela va faire une semaine au port, cela va partir du port avec 20% d’humidité. Cela va arriver comment ? Moisi.

Cela me permet de faire une transition sur la qualité du café UCCAO. Respectez-vous toutes les normes ?

Nous essayons de produire la qualité, parce que nous avons le matériel. Mais nous ne sommes pas les seuls au Cameroun. On n’a jamais été les seuls, c’est vrai. Mais, il y a beaucoup de mauvais operateurs sur le marché maintenant. Nous nous retrouvons en train de nous battre avec des gens qu’on ne connait pas. Ils ne sont installés nulle part. Donc, on ne peut pas contrôler la qualité de ce café. Voilà pourquoi il n’y a pas de qualité au Cameroun. Je veux parler du café d’origine. Vous vous retrouvez dans les usines avec ce qu’on appelle de la balayure. Les gens mettent de la balayure dans les sachets pour aller vendre sur les marchés. Et on va mettre dessus 70% Arabica, je ne sais quoi d’autres... L’UCCAO vend son café à 3000 FCFA, vous retrouvez un sachet de quelqu’un d’autre à 2000 FCFA. Mais à 2000 FCFA, où a-t-il acheté son café pour le vendre à ce prix ? Ce n’est pas possible. Puisque un 1kg aujourd’hui c’est 1500 FCFA. Il faut le transformer, le décortiquer, il faut passer dans les machines, il faut torréfier. En torréfiant, vous perdez déjà 25%. Alors comment se retrouver avec le Kg à 2 000 FCFA. Je dis ce n’est pas possible. Cela veut dire que ce n’est pas du café.

Propos recueillis par Beaugas-Orain Djoyum



L’UCCAO

L’Union des coopératives de café arabica (UCCAO) est née le 17 octobre 1958. En 1978, l’Uccao devient l'Union centrale des coopératives agricoles et décide de la diversification de ses activités. Le nom commercial UCCAO est conservé, car l’Union avait déjà imprimé ses marques sur les marchés mondiaux des matières premières agricoles. L’Uccao est administrée par une assemblée générale, un conseil d’administration, un comité de surveillance et une direction générale. Son assemblée générale est composée de 70 membres qui sont les délégués des planteurs des coopératives membres. C’est l’organe suprême de l'Union qui représente l’ensemble des adhérents.

 

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