CEEAC. Golfe de Guinée: Pourquoi l’Occident tient à sécuriser la zone…

Rodrigue N. TONGUE | Le Messager Lundi le 24 Juin 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Ce jour, s’ouvre à Yaoundé une conférence réunissant une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement sur les questions de sécurité maritime autour et dans le Golfe de Guinée au moment où de nombreuses menaces venant des eaux agitent les continents. Derrière ce déploiement, de nombreux experts voient les intérêts des pays du Nord.

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S’il fallait graduer les enjeux de la conférence de Yaoundé, on dirait que l’énergétique occupe le haut du pavé. Car, le pétrole du Golfe de Guinée prend une importance grandissante dans la géopolitique mondiale. Et ce, pour plusieurs raisons. Il intéresse les puissances dont les Etats-Unis qui se déploient dans cette sous-région de l'Afrique. Pour Gen-Serbé Siniki, expert des gouvernances publiques, si ce pétrole a un impact macroéconomique sur les Etats producteurs et, participe de la sécurité énergétique des Etats-Unis, il occasionne l'émergence de nombreux flux (économique, migratoire, etc.) qui donnent lieu à la décomposition du champ sécuritaire dans cet espace, favorisant ainsi les crises et les conflits. Pis, cet aspect du pétrole, comme facteur de désordre sécuritaire, présente des effets néfastes pour les exportations, la répartition de la rente, mais surtout, décrédibilise les institutions sociopolitiques dans les Etats du Golfe de Guinée, dont les figures sociales se sont déjà, fortement déteintes. De la même façon, le désordre sécuritaire dans le Golfe de Guinée menace directement la sécurité nationale des Etats-Unis dont un des pans demeure la sécurité énergétique.

De plus, Gen Serbé Siniki estime que cette situation de désordre pousse à la reconsidération des logiques sécuritaires de la part de chaque acteur étatique. La sécurisation est ainsi une opportunité pour fiabiliser cet environnement sociopolitique. Pareille entreprise, en mobilisant les Etats individuellement les Etats de cette région, puis collectivement, se présente comme un moyen de restaurer la légitimité des institutions, d'améliorer la gestion des ressources pétrolières, et partant, de contribuer à la construction multidimensionnelle de la paix, aussi bien à l'intérieur des Etats que dans l'espace du Golfe de Guinée. Pour les Etats-Unis, il s'agit, d'abord, de sécuriser les routes d'approvisionnement énergétique, de se pré-positionner militairement dans cette région, ce qui coïncide avec les objectifs globaux de leur sécurité nationale «post-11 septembre». Ceci apparaît comme une projection de puissance. Comme telle, cette orientation n'est pas sans répondre aux logiques d'hégémonie américaine.


Confiance mutuelle

D'ailleurs, la volonté d'être présent dans le Golfe de Guinée pousse Washington à déployer les autres traits de sa sécurité nationale, lesquels participent au maintien de sa puissance. Ailleurs, sur le plan local, le Golfe de Guinée a fait quelques efforts d’institutionnalisation en mettant sur pied, en 2001, la commission du Golfe de Guinée (Cgg). Cet organisme vise le renforcement des liens de coopération et de solidarité entre l’Angola, la République démocratique du Congo, le Nigeria, Sao Tomé-et-Principe, le Gabon, le Cameroun et la Guinée équatoriale qui constituent à l’essence le Golfe de Guinée. Même si, c’est 6 ans après en 2007 que la Cgg a pris, effectivement, corps.

Elle entendait à sa création offrir un cadre permettant le développement des relations pacifiques par une approche de confiance mutuelle favorable au développement et au maintien d'un climat sécuritaire et exempt d'exploitation des ressources naturelles des pays de la région. A l’épreuve du temps, cette organisation a eu du mal à se donner une âme, mais aussi à gérer, toute seule, les enjeux de la zone qu’elle couvre. Ce qui peut expliquer l’ouverture actuelle de ses travaux à la Communauté des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) et à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedao) sous le regard attentif des secrétaires généraux de l’Otan et de l’Onu.

Rodrigue N. TONGUE


PR. MICHEL KOUNOU: «Les puissances occidentales ont des intérêts dans le Golfe de Guinée»

Enseignant-chercheur, attaché à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Yaoundé II, le professeur Michel Kounou est aussi un politologue de haut vol, de formation canadienne, spécialisé en économie politique du développement et en institutions et relations internationales. Dans ses multiples recherches, l’enseignant qui a sillonné la ligne maritime du Golfe de Guinée, est également auteur d’un livre fort à propos intitulé « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara»


Quand on parle du Golfe de Guinée, cela renvoie à quoi?

Le Golfe de Guinée renvoie à ce territoire maritime qui s’étend de la côte du Sénégal à celle de l’Angola. Cette bande qui rassemble un peu plus de dix (10) pays, couvre une superficie de 6 millions de Km2 ; elle regroupe une population de près de 230 millions d’habitants. Zone très diversifiée, le Golfe de Guinée propose des types culturels anglophone, francophone, hispanophone et lusophone, en même temps que se côtoient des civilisations bantoues et sahéliennes, tout comme les religions animiste, chrétienne et musulmane.


Parlant de sécurité, quelles sont les principales menaces; quel peut être l’enjeu majeur dans le Golfe de Guinée?

On parle généralement de « terrorisme », mais je vous fais remarquer que le concept de sécurité est polysémique, voilà pourquoi il serait simpliste de ne s’arrêter qu’au « terrorisme ». On doit pouvoir, ne serait-ce que de manière schématique, s’arrêter aux problèmes de sécurité stratégique, c’est-à-dire, ceux qui sont fondamentalement d’origine externe et sont de l’ordre de la piraterie et du brigandage maritimes, des prises d’otages ou des rapts, du trafic des armes de petit calibre, sans oublier – et cela va s’avérer être de plus en plus sensible, l’occupation de notre espace maritime par des navires de guerre des puissances venues prétendument nous aider à «combattre le terrorisme». Il faudra également relever les problèmes de sécurité politique, dont l’origine est d’abord interne, comme les conflits sociaux, les groupes armés, les coups d’Etat, les vols à mains armées, les viols, etc. Mais il y a également des problèmes de sécurité économique, dont la contrebande et les trafics divers


Quel intérêt pour les puissances occidentales invitées?

Les puissances occidentales ont des intérêts colossaux liés à leur convoitise des ressources africaines et à la sécurisation des voies maritimes d’acheminement de ces richesses vers l’Europe ou l’Amérique. Il ne faut pas non plus oublier que les rivalités géopolitiques vont pousser les puissances industrielles et commerciales à se mettre en exergue chaque fois qu’un tel sommet est organisé. Ces occasions ouvrent également des perspectives alléchantes en ce qui a trait au recyclage ou à la relance des dépenses militaires. Les risques liés à l’insécurité dans le Golfe de Guinée ouvrent par ailleurs un marché plutôt florissant pour les compagnies occidentales d’assurances ou de réassurances, en même temps qu’ils permettent de doper les sociétés des services de sécurité privée, qui prétendent désormais se substituer aux forces de l’ordre officielles.


Le Cameroun se présente-t-il comme le leader de la zone en organisant ce sommet?

Qu’on le veuille non non, le Cameroun est un Etat majeur de cette zone et je crois qu’il n’a pas besoin d’organiser des sommets de ce genre pour affirmer ou réaffirmer son leadership, d’autant plus que sa situation sécuritaire n’est pas des plus désastreuses


Les frontières naturelles, la mer surtout, ne sont-elles pas autant d’obstacles à la sécurité dans cette région?

Bien entendu ! Les frontières sont poreuses et mal sécurisées, ce qui permet aux brigands et aux criminels de s’en donner à cœur joie ! Quant à la mer, elle est une voie de communication par excellence par laquelle transitent des navires marchands en permanence. Il est donc compréhensible que la mer se présente comme une zone de prédilection pour le grand banditisme international.


Comment éviter les menaces qui, bref, Comment peut-on s’organiser pour assurer la pleine sécurité dans le Golfe de Guinée?

Il me semble que la pleine sécurité n’existe nulle part dans ce monde. Vous avez vu ce qui est arrivé au World Trade Center et au Pentagone, des lieux les plus sécurisés dans un pays que l’on croyait le plus sécurisé de la planète ! La simple vigilance interne des services de sécurité des Etats est un facteur décisif qui pourra permettre de nous mettre à l’abri de nouveaux dangers qui prolifèrent, ainsi qu’une mutualisation des informations et des efforts nous permettront d’éviter le pire. Nous devons également éviter des alliances compromettantes avec des puissances ou Etats pris en chasse par des groupes «terroristes» internationaux pour refuser d’importer les problèmes externes dans le Golfe de Guinée.


Vous avez écrit un livre intitulé « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara», comment se présente la situation à ce jour ? Ne va-t-elle pas s’aggravant ? Que faire pour que les ressources naturelles et artificielles profitent aux populations de nos pays?

Nous avons montré dans ce livre publié aux éditions Clé en 2006 que contrairement aux autres Etats du monde, qui ont su s’approprier la ressource pétrolière pour le bien-être de leurs populations, le pétrole, pour les Africains n’était qu’une source d’appauvrissement (voir le Nigeria par exemple) et de conflits sociaux sanglants (voir Angola, Congo, Nigeria, Tchad, Soudan). La situation semble contrastée aujourd’hui, tant il semble y avoir une timide prise de conscience des gouvernants sur la nécessité de rendre le pétrole utile en Afrique. C’est ainsi que certains pays producteurs investissent maintenant massivement dans les infrastructures de base (Guinée équatoriale), tandis que certains nouveaux producteurs ne commettent plus les erreurs de gestion d’antan, en instituant une rigueur implacable dans la gestion de la ressource stratégique en question (Ghana).

Entretien avec Souley ONOHIOLO

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