Cameroun - Santé. Le sida et la barrière des préjugés

MONDA BAKOA | Cameroon-tribune Mardi le 08 Mars 2016 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le professeur Victor Anomah Ngu (1926 – 2011), alors ministre de la Santé publique du Cameroun, déclarait en 1986 que la victime de la lèpre souffrait de deux maladies : « Il a la lèpre et il est lépreux ».

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 Cela pour dire qu’aux affres physiques dus à la maladie, s’ajoute le tourment que crée le regard des autres. Un regard lourd de préjugés et propice à toutes sortes de discriminations. Le tableau demeure identique aujourd’hui, s’agissant du sida. Une maladie contre laquelle l’éminent professeur avait mis au point, une cure, le Vanivax, que la communauté scientifique n’a pas validée. Comme la lèpre dans les années 80, le sida régresse actuellement, sans pour autant que les mentalités aient évolué sous tous les toits.

On est certes loin des années 80, lorsqu’au début de la pandémie, dans un tribunal de San Francisco aux Etats Unis, les membres d’un jury portaient des masques et des gants pour juger un prévenu porteur du Vih. On pouvait les comprendre ! A cette époque, le syndrome d’immunodéficience acquise était peu connu dans ses modes de contamination. La recherche autour du sida a rapidement évolué pour établir que le Vih, découvert en 1983 par Luc Montagnier et Robert Gallo, ne se transmettait ni par l’air ni par simple contact physique. Mais que cette contamination est sexuelle pour l’essentiel, sanguine aussi ou encore materno fœtale (de la mère à l’enfant pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement). Cette découverte, bien que de nature à dissiper les doutes et à inverser les perceptions à l’égard des porteurs du Vih, n’a pas suffisamment fait bouger les lignes, trente ans après.

Dans son édition de lundi dernier, 7 mars, Cameroon Tribune en a fait l’amer constat en approchant des associations de personnes vivant avec le virus du sida (Pvvs). Il apparait qu’aujourd’hui encore, l’alternative pour les porteurs du Vih est « se taire » ou « être discriminé ». C’est l’évidence qui surgit à Espoir et Vie Cameroun (Evicam) à Yaoundé où à chaque deuxième dimanche du mois, une séance publique de catharsis aide des Pvvs à se soutenir mutuellement, en donnant libre cours à des témoignages sur la stigmatisation et des discriminations dont des membres sont victimes. L’école, le milieu professionnel et l’enceinte familiale semblent des lieux de prédilection pour la manifestation de ces rejets. Des employés qui perdent leur emploi, des orphelins du sida chassés par l’entourage proche de leurs parents défunts… Que n’aura-t-on pas vu ?

La stigmatisation des Pvvs est d’autant plus curieuse et choquante qu’elle s’exprime encore plus là où l’on s’y attend le moins. Une enquête menée en France en 2012 par SIS Association sur les discriminations à l’encontre des personnes vivant avec le Vih, témoignages à l’appui, montre que la stigmatisation de ces personnes commence dès l’annonce du statut sérologique positif à l’hôpital. Les médecins et autres personnels de la santé, mieux informés sur le sida, sont malheureusement les premiers ouvriers de cette discrimination.

Et pourtant, si la séroprévalence régresse partout dans le monde, on le doit en partie à l’implication des Pvvs dans la sensibilisation, selon les rapports de l’Onusida. Les témoignages à visage découvert de personnes contaminées ont très tôt conféré une dimension visible à la pandémie aux premières heures de la lutte, au moment où bon nombre de personnes s’offraient encore le luxe de douter de son existence. Au Cameroun, au début des années 2000, des programmes de lutte contre le sida en entreprise et à l’école ont mis en avant des Pvvs pour conjurer la stigmatisation dans le milieu du travail et au sein de la communauté éducative. Il faudrait sans doute persévérer dans cette voie. Les changements dans les comportements, on le sait, prennent du temps à s’instaurer.

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