Cameroun - Corruption. Les dessous de l'Affaire des 140 millions

Michel Ange Nga | Défis Actuels Jeudi le 25 Février 2016 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
...je ne suis pas surpris d’être la cible de telles accusations. Je ne suis non plus choqué car je sais comment ces choses-là marchent : on commence par vous accuser et ensuite la vérité fini par triompher...

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Je ne suis pas au courant de cette affaire », jure Daouda Mouchangou. Le président du conseil d’administration de la Société civile des droits audiovisuels et photographiques (Scaap), l’une des sociétés de gestion collective du droit d’auteur, est pourtant cité dans une affaire de soupçon de détournement de deniers publics d’une somme de 140 millions de francs CFA.

C’est le journal L’Equation qui a lancé le pavé dans la mare la semaine dernière. Dans un article signé de Yvettes Koung, on apprend en effet que Daouda Mouchangou, Elise Mballa Meka, la présidente du conseil d’administration de la Société des droits de la littérature et des arts dramatiques (Sociladra) et Edmond Mballa Elanga, le directeur du livre et de la lecture au ministère des Arts et de la culture (Minac) seraient les principaux responsables de cette supposée distraction de fonds.

M. Mballa Elanga, principalement visé par ces accusations, a choisi de rester zen. « Personnellement, je ne suis pas surpris d’être la cible de telles accusations. Je ne suis non plus choqué car je sais comment ces choses-là marchent : on commence par vous accuser et ensuite la vérité fini par triompher », fait savoir le directeur du livre et de la lecture.

Justement, Philemon Yang, le Premier ministre, à qui le président Paul Biya a explicitement confié la mission d’assainir le secteur du droit d’auteur, est le premier à vouloir connaître la vérité sur cette mystérieuse affaire de détournement de deniers publics. Il a depuis demandé à Narcisse Mouellé Kombi, le Minac, de lui faire le point sur cette affaire. Surtout que l’article du journal L’Equation reste évasif sur le contexte de ce supposé détournement de 140 millions.

Pour l’histoire, il faut remonter à l’année dernière quand Edmond Mballa Elanga est désigné pour assurer l’intérim à la tête de la Commission permanente de médiation et de contrôle (CPMC), une instance qui fait office de régulateur du secteur du droit d’auteur. Sa mission à la tête de la CPMC est définie par un arrêté du Premier ministre signé le 29 septembre 2015. Cet arrêté donne trois mois à M. Mballa Elanga pour liquider les affaires courantes. « Par affaires courantes il fallait surtout entendre l’organisation des répartitions aux artistes », indique le concerné.

Répartition speciale

Le 10 novembre 2015, soit deux mois après sa nomination pour une durée de trois mois à la tête de la CPMC, Edmond Mballa Elanga organise une première répartition du droit d’auteur. C’est en tout 33 millions de francs CFA qui sont partagés entre la Scaap, la Sociladra et la Société civile de droit d’auteur et de droits voisins des arts plastiques et graphiques (Socadap). Seuls les artistes musiciens, qui n’ont pas de société de gestion collective agrée depuis 2014, ne participent pas à cette répartition. La loi du 19 décembre 2000, qui organise la gestion du droit d’auteur au Cameroun, prévoit en effet que les sociétés de gestion collective ont seules le droit de procéder aux répartitions.

Mais en attendant que la justice se prononce sur la guerre entre les sociétés du droit musical qui réclament chacune un agrément, un juge d’instruction a pris la décision d’ouvrir un compte séquestre dans lequel sont reversés les droits des artistes musiciens. Ces derniers ne participent non plus à la seconde répartition organisée par Edmond Mballa Elanga. Le 31 décembre 2015, la CPMC autorise ainsi la répartition de 68,4 millions de francs CFA entre la Scaap, la Sociladra et la Socadap. Sauf qu’en septembre 2015, peu de temps après la nomination de Edmond Mballa Elanga, le Minac de l’époque, Ama Tutu Muna, ordonne une répartition spéciale exclusivement réservée aux artistes musiciens. La presse s’empresse d’indiquer que cette répartition est la volonté du chef de l’Etat. « J’en doute fortement. C’est une simple décision du ministre Ama Tutu Muna », rectifie un auteur.

Quoiqu’il en soit, Ama Tutu Muna crée une commission ad hoc présidée par François Misse Ngoh pour organiser cette répartition spéciale. C’est cette commission qui arrête la liste des artistes musiciens bénéficières. Elle arrête aussi le volume de la répartition à 295,6 millions de francs CFA. Seul problème, le fonds séquestre n’est pas assez fourni.

Ama Tutu demande alors aux autres sociétés de gestion collective de participer financièrement à l’opération. C’est ainsi que 140 millions sont sortis du compte de dépôt spécial, qui est commun à toutes les sociétés. Est-ce suffisant pour parler de détournement de deniers publics ?

62 millions

« Cette opération est floue et elle n’est pas encadrée par la loi du 19 décembre 2000. Et quand il y a un flou c’est normal qu’il y ait des soupçons de détournements de deniers publics », indique Justin Blaise Akono, journaliste et auteur d’un livre sur le droit d’auteur au Cameroun.

Pour Edmond Mballa Elanga par contre, cette opération, décidée par l’ancien Minac, est claire. Il a même rédigé un rapport pour éviter que des zones d’ombres ne subsistent. Mais pour Justin Blaise Akono, le problème se résume à la légalité des répartitions spéciales. « Ces formes de répartition ne sont pas légales. Et quand le président de la CPMC participe à une telle opération, il est responsable en tant qu’individu au pénal », argue l’auteur du livre « Qui a étranglé le droit d’auteur ? ». Il reste que cette affaire de détournement supposé n’est pour l’instant qu’une rumeur. Le rapport de cette opération spéciale va certainement atterrir sur la table de Philemon Yang dans les prochains jours. Pour Edmond Mballa Elanga, son passage à la tête de la CPMC a fait l’objet d’un volumineux rapport qu’il a d’ores et déjà transmis au ministre Narcisse Mouellé Kombi. Il explique, entre autres, sa gestion des 62 millions de francs CFA que la CPMC et les trois sociétés de gestion collective existantes ont pu collecter. « Nous avons fait un bon usage de cet argent », affirme Edmond Mballa Elanga.

Un de ses anciens collaborateurs est convaincu que ce soupçon ne ressemble en rien à l’histoire de Mélanie Nguénang, qui l’a précédé à la tête de la CPMC. Cette dernière est actuellement concernée par une affaire de détournement de deniers publics instruite par un juge d’instruction du tribunal criminel spécial (TCS). « On soupçonne Mme Nguénang d’avoir distrait plus de 50 millions de francs CFA dans le cadre d’une répartition spéciale ordonnée par Ama Tutu Muna. Et plus grave, elle aurait logé cet argent dans une microfinance, ce qui lui aurait généré des bénéfices », explique Justin Blaise Akono.

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