Cameroun - Football. Pierre Laurent Tamo : « Pour arriver au professionnalisme, la structuration administrative de notre football est un processus non négociable »

Michel Ateba Mercredi le 24 Mai 2017 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Après la signature du nouveau partenariat entre la Ligue de football professionnel du Cameroun (LFPC) et la société de téléphonie mobile MTN Cameroun, le 11 mai dernier, notre rédaction a accordé une interview à Pierre Laurent Tamo, Expert-comptable agrée CEMAC et spécialiste des questions liées au football professionnel, pour appréhender les contours de ce nouveau partenariat et son impact sur notre football professionnel.

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A propos de la LFPC et son nouveau top sponsor MTN Cameroun, peut-on parler d’une bouffée d’Oxygène pour la structure, elle-même, mais aussi pour les 36 clubs des deux de nos championnats Professionnels ?

 Effectivement le retour de MTN est une excellente nouvelle financière pour la LFPC et surtout les clubs. Les difficultés financières de la Ligue ne sont plus à démontrer surtout précisément depuis le retrait de MTN en novembre 2013. Dès lors, la subvention de l’État et de la FECAFOOT ne semblaient plus suffisantes. Entrainant par là une réelle asphyxie dans le fonctionnement de notre football professionnel. Le fait le plus marquant étant l’élasticité de la durée du championnat. Le démarrage du championnat étant soumis à des multiples reports dus essentiellement aux difficultés financières. Cependant, l’apport de MTN apparait comme une bouée de sauvetage au point que la LFPC ne se pose pas certaines questions qui peuvent à court terme fragiliser sa relation avec MTN. Par exemple, vous présentez MTN comme « un top sponsor ». Étant donné que le championnat s’appellera désormais MTN Elite 1 et MTN Elite 2. C’est donc un contrat de «naming ». Mais à la lecture de la déclaration de Madame Philisiwe SIBIYA, Directrice Générale de MTN, l’apport de MTN devrait servir « exclusivement au paiement des salaires ». Là nous sommes plutôt en présence d’une subvention d’exploitation comme celle accordée par l’État. Illustration : la LFP vient de conclure un contrat de naming avec CONFORAMA. Le Prochain championnat de France s’appellera CONFORAMA LIGUE 1 ; tandis que la Ligue 2 s’appelle déjà DOMINO’S PIZZA ligue 2. Deux évidences : CONFORAMA ne donne aucune instruction à la LFP sur l’utilisation des ressources mises à leur disposition. Le contrat de CONFORAMA se limite à la LIGUE 1. Par conséquent, comme je le dis depuis longtemps, la LFPC devra revoir sa structuration afin d’engranger des ressources additionnelles. Mais en attendant nous saluons le retour de MTN et prions pour que cela s’inscrive dans la durée car MTN a posé des conditions qui ne seront pas facilement réalisables par la ligue dans les conditions actuelles.

 

Un milliard de F CFA par saison et sur trois années. Est-ce suffisant pour revigorer nos championnats ?

 

 

C’est déjà une très belle somme dans notre contexte. Surtout que le montant peut évoluer à la hausse si MTN se rend compte que la LFPC respecte le cahier de charges. N’oublions pas qu’à côté, il y a d’autres distinctions : en fin de saison les 5 premiers de Ligue 1 et de  la Ligue 2 seront primés, ainsi que les meilleurs buteurs et joueurs… Cependant, par rapport à l’objectif visé, il faudra une mutualisation des ressources pour atteindre l’objectif visé. A savoir prendre également en compte la subvention de l’État et de la FECAFOOT et continuer à prospecter d’autres sponsors. En effet, si on se base sur les prescriptions de l’État en 2011 quand il débloquait la subvention, chaque joueur de Ligue 1 devait percevoir au moins 100.000 FCFA par mois et 50 000 FCFA en Ligue 2. Si on considère qu’il existe 25joueurs par club, 4 encadreurs et 3 administratifs, on a une population de 32 par club. Le taux de charges fiscales, sociales et patronales au Cameroun tourne autour de 20%. On arrive à une masse salariale globale de 1,5 milliards pour les 38 clubs de l’élite. D’où la nécessité de mutualiser les efforts si nous voulons atteindre les objectifs fixés en terme de paiement des salaires aux joueurs et encadreurs. Or cette évaluation n’intègre pas d’autres coûts tels que les frais de fonctionnement de la Ligue, des arbitres, des Commissaires du match. Mais en sommes, pour chaque saison, c’est plus de deux milliards que la ligue va percevoir, inclus subvention Etat, Fecafoot, et du sponsor.

Est-ce assez pour juguler les problèmes des clubs en termes de salaires?

 A priori oui. Mais dans les faits c’est complexe. Les joueurs sont au bout de la chaîne. Donc si la machine se grippe quelque part, le joueur n’aura pas son salaire. D’où la nécessité de commencer par les fondamentaux que je décrie depuis plus de 5 ans à savoir la structuration juridique et administrative des clubs. Par exemple le paiement d’un salaire supérieur à 62 000 FCFA est soumis au préalable à l’établissement d’un bulletin de paie sur lequel les retenues sociales et fiscales seront opérées. Or pour reverser ces retenues afin de permettre aux joueurs de prétendre à une pension retraite, il y a des formalités administratives à réaliser auprès de la CNPS à commencer par l’immatriculation de l’employeur qui est ici le club.

Or pour y arriver le club doit à son retour remplir d’autres conditions telles que l’existence des statuts, de la personnalité juridique pour garantir la traçabilité des opérations et faciliter les contrôles, les opérations devront se faire par les virements bancaires. Là encore on aura des problèmes. La réglementation COBAC est de plus en plus exigeante sur les conditions de fonctionnement des comptes bancaires. Ainsi, impossible de faire fonctionner un compte bancaire si vous n’avez pas l’attestation de non redevance délivrée par le centre des impôts de rattachement. Or pour avoir ce document, il faut avoir sa patente, sa carte de contribuable, son contrat de bail enregistré par conséquent, il y a des préalables à accomplir si nous voulons atteindre nos objectifs. La structuration administrative de notre football est un processus non négociable si nous voulons arriver au professionnalisme.

 Le problème de répartition des subventions se pose avec acuité depuis plusieurs  saisons, les clubs ne renversent toujours pas aux joueurs ce qu’ils perçoivent. Une analyse?

 Il est toujours difficile de faire une analyse quand vous n’avez pas toutes les informations. A combien s’élève le budget de fonctionnement d’un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 ? Mystère ! Lorsque j’ai fait des simulations à propos des salaires, je me suis rendu compte qu’un club de ligue 1 devrait débourser environ 55 millions par saison uniquement pour la masse salariale s’il veut respecter le minimum prescrit par l’Etat. Or à côté, il y a d’autres charges telles que les frais d’entrainement, de transport, d’hébergement, de nutrition…On peut facilement atteindre ou dépasser la barre de 150 millions de francs cfa. Que représente la subvention reçue à côté d’un tel budget ? Une fois de plus, seule la structuration administrative que nous appelons de tous nos vœux peut permettre de répondre de manière claire à votre préoccupation qui est également mienne !

 Vous êtes expert-comptable et spécialiste des questions liées au foot Pro, vous pensez que Notre foot a mal à son professionnalisme ou pas?

 C’est l’évidence même ! Notre professionnalisme a beaucoup du mal à se déployer véritablement malgré la volonté de ses dirigeants. Il faut repenser notre modèle afin de pouvoir décoller. La FECAFOOT a un rôle essentiel dans le déploiement de la Ligue et je suis toujours surpris d’entendre des sons de cloche divergents entre les deux structures. N’oublions pas que la Ligue aurait pu être un département au sein de la FECAFOOT.

 Vous travaillez avec plusieurs pays de la sous-région, ça marche pourtant là-bas, pourquoi au Cameroun, ça coince?

 Au risque de me répéter je dirais que la structuration juridique, administrative et financière nous fait cruellement défaut.

 Vous venez de commettre un document qui parle de l’organisation d’un championnat Pro. Peut-on en savoir un peu plus?

 Rien ne vous échappe mon cher Michel ! C’est davantage des articles sur l’implémentation du football professionnel. Et, de ce point de vue, la première chose à faire est la réalisation d’un état des lieux. Cet état des lieux permettra d’avoir une base de données nécessaire à la définition du Business Model à implémenter. Par état des lieux, il faut entendre un inventaire exhaustif de l’environnement interne et externe du club. Sur le plan interne, il faut recenser les joueurs, les administratifs, le patrimoine (Aires de jeu), les décideurs, les élites, le mode de gestion. Sur le plan externe, il faut analyser la localité, les routes, les hôpitaux, le pouvoir d’achat, les entreprises implantées autour du club, la sécurité. La compilation de toutes ces données peut donner lieu à une bonne base de données à exploiter pour l’implémentation du football professionnel chez nous.

Interview réalisée par Michel Ateba

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