Cameroun - Santé. Pourquoi les médecins camerounais partent - Tetanye Ekwe : « De meilleurs salaires »

Le Jour Jeudi le 26 Novembre 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le vice-président de l’Ordre national des Médecins du Cameroun décrypte les causes de l’exil des médecins camerounais.

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Quel est le ratio des médecins camerounais ?
Le tableau de l’Ordre des médecins du Camerounais( ONMC) compte 7200 médecins inscrits. Les statistiques du ministère de la santé font état d’un effectif de près de 2100 médecins fonctionnaires. Près de 50% de ces médecins sont concentrés dans les villes de Yaoundé et Douala et leurs périphéries respectives. D’après les statistiques mondiales du PNUD de 2009 notre pays compte 0,1 médecin pour 1000 habitants c’est-à-dire un médecin pour 10000 habitants. Ce ratio est le même pour des pays tels que la RDC, le Rwanda, le Ghana.

On constate que la majorité des médecins formés au Cameroun s’exile vers les pays étrangers. A quoi est dû ce phénomène ?
C’est vrai que chaque année plus de 30% des jeunes médecins formés dans nos facultés vont travailler dans les pays étrangers principalement vers l’Europe notamment la France, la Belgique ou la Suisse. Un important contingent de jeunes médecins va travailler aux USA ou au Canada. Un contingent mineur trouve fortune dans d’autres pays africains tels que l’Afrique du Sud et quelques pays d’Afrique centrale (Gabon, Guinée Equatoriale, etc..). Quand on interroge ces jeunes gens, ils reconnaissent que l’exil est une condition difficile mais que les conditions de travail et les salaires qui leur sont offerts en exil n’ont aucune commune mesure avec les conditions offertes par leur pays. C’est un constat que l’Ordre des médecins (ONMC) déplore depuis de nombreuses années à l’appui d’un plaidoyer sans cesse plus insistant en faveur d’une amélioration significative des conditions de travail et de salaires des médecins de la Fonction publique. Notre plaidoyer est renforcé par la perte que représente le coût de près de 100 M Fcfa/par médecin formé dans notre pays.

Qu’est-ce qui, de l’avis de l’Ordre des médecins, pose problème au niveau de la formation des médecins au Cameroun ?
L’ONMC et les autres Ordres professionnels de santé(les pharmaciens et les Ch i r u r g i e n s - d e n t i s t e s ) avaient dénoncé en 2012 le désordre créé par le ministère de l’enseignement supérieur en autorisant la multiplication des instituts privés(IPES) agréés à former des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens-dentistes. Vous vous souvenez que ces Ordres avaient dénoncé le scandale de ces IPES dont la quasi-totalité, sauf une, ne réunissaient pas les critères minimum pour former ces professionnels de haut niveau : absence ou insuffisance d’enseignants qualifiés, absence ou insuffisance d d’infrastructures adéquates, absence ou insuffisance d’équipements didactiques appropriés, absence ou insuffisance d’hôpitaux d’application, etc…. Le gouvernement avait donc décidé de mettre de l’ordre dans ce secteur en créant une Commission Nationale de la Formation médicale, pharmaceutique et odontostomatologique (CNFMPO). Cette CNFMPO avait retenu certes les 4 facultés d’Etat, mais seules deux facultés privées avaient été agréées à la formation dans les sciences de la santé. Depuis lors, un certain apaisement s’est instauré avec l’organisation d’un seul concours d’aptitude aux études médicales, pharmaceutiques et odonto-stomatologiques. En outre, en milieu du parcours académique de leurs études, il est aussi organisé un concours d’aptitude devant vérifier le capital des connaissances de bases indispensables à-aux filières clinique de médecine, pharmacie et médecine dentaire. Nous avons approuvé ce dispositif réclamé par nos revendications. Les problèmes qui subsistent sont trois types. Le Minesup n’ a pas encore accepté d’inclure des évaluateurs étrangers dans les jurys d’examens pour crédibiliser le processus de réforme académique ci-dessus décrit. De plus, nous décrions la création de deux types d’étudiants : d’une part ceux qui étudient dans les facultés publiques et qui ne paient que 50.000 f des droits d’inscription par an c amer.b e, et d’autre part, ceux qui, admis dans les IPES, doivent payer des droits d’inscription prohibitifs de plus de 1.000.000 F par an. Cette situation engendrée par l’improvisation du système créé dans la précipitation est de nature à créer deux types différents de jeunes médecins pourtant appelés à soigner les mêmes malades dans le pays. Ce qui vient compliquer cette situation c’est le manque cruel d’enseignants dans toutes les filières et particulièrement dans les filières de pharmacie et de médecine dentaire où les étudiants dénoncent eux-mêmes cette carence de formation faute d’enseignants (Journal Emergence du 28-10-2015). Pour compléter ce tableau de problèmes, il faut signaler que, sans évaluation préalable de la réforme ci-dessus évoquée, instaurée et arrachée au forceps, le Minesup vient d’agréer à la surprise de toute la communauté scientifique un nouvelle IPES à Kumbo à quelques km de la faculté de médecine de Bamenda. Quand improvisation nous tient….

N’est-ce pas un peu ridicule de payer un salaire mensuel de 125.000 Fcfa( 190 euros) à un jeune médecin ? Qu’attend-on d’une telle rémunération ?
C’est exactement la question que l’Ordre n’a de cesse de poser aux autorités du pays. Il faut tout de même prendre en compte que ce salaire est payé à un jeune qui a consacré au moins 7 années de sa vie après le Bac ou le GCE level, et aspire au statut social que mérite celui qui gère la santé des autres concitoyens! On connaît pourtant avec quel pragmatisme l’Etat traite les jeunes fonctionnaires des corps tels que les régies financières ou la Justice. Comment peut-on espérer brandir l’éthique professionnelle et le serment d’Hippocrate devant des jeunes conscients de cette discordance ?

A qui la faute et comment peut-on résoudre ce problème ?
La faute n’est pas à Dieu. L’Etat est capable de trouver solution à cette équation s’il veut stabiliser et fidéliser les jeunes médecins et professionnels de la santé dans les hôpitaux et les structures de santé du pays. La preuve c’est que personne ne connaît de fonctionnaires des régies financières ou de la magistrature qui cherche à s’exiler à l’étranger ou à se livrer à la débrouillardise de nos jeunes médecins.


Propos recueillis par Jean-Philippe Nguemeta

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