Françafrique. Quand Nicolas Sarkozy honorait Robert Bourgi, son ami de 28 ans

Blandine Grosjean | Rue89 Lundi le 12 Septembre 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Personne ne connaît Robert Bourgi, le « conseiller officieux » de Nicolas Sarkozy sur les questions africaines, son ami depuis 1983. Celui qui raconte avoir convoyé des dizaines de millions de dollars venant d'Afrique pour Chirac est un « nobody ».

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Henri Guaino, conseiller officiel du Président, ce lundi sur France Info : « Connais pas. » ; Jean-François Copé, chiraquien, secrétaire général de l'UMP : « No comment. »

Pour leur rafraîchir la mémoire, nous vous retranscrivons l'intégralité du discours de remise des insignes de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur, attribuées à Robert Bourgi par Nicolas Sarkozy, au palais de l'Elysée, le jeudi 27 septembre 2007. Discours prononcé par le Président, en présence des ambassadeurs et représentants personnels de pays accusés par Robert Bourgi d'avoir financé Jacques Chirac :

    * Angola,
    * Congo-Brazzaville,
    * Côte d'Ivoire,
    * Gabon,
    * Guinée équatoriale,
    * Liban
    * et Sénégal.

Claude Guéant, qui a oeuvré pour que Bourgi soit décoré, déclarait dimanche que Nicolas Sarkozy « savait » dans les grandes lignes ce que Bourgi a dit dans les médias : le président de la République a donc remis la Légion d'honneur à un homme qui lui a raconté avoir commis des actes délictueux.

Voici le discours dans son intégralité.

Téléchargez le discours de Nicolas Sarkozy honorant Robert Bourgi.« Madame, monsieur, chers amis,

C'est avec un très grand plaisir que j'ai accepté, sur la suggestion de Claude Guéant, de te remettre aujourd'hui les insignes de chevalier dans l'ordre de Légion d'honneur.

C'est Renaud Dutreuil [alors ministre du Commerce, ndlr], je crois, qui t'a proposé formellement pour cette distinction au début de cette année. Renaud, je veux te remercier très profondément d'avoir permis à la France de récompenser ainsi l'un de ses grands serviteurs.

Mes chers amis, je n'ai jamais cru que le général de Gaulle ait pu un jour prononcer cette phrase terrible qu'on lui prête souvent, selon laquelle la France n'aurait pas d'amis mais seulement des intérêts. Je ne peux pas croire que l'homme du discours de Brazzaville, celui qui reçut jadis de Félix Eboué l'appui indéfectible de l'Afrique équatoriale française, alors même que la France Libre était abandonnée de tous, je ne peux pas croire que le général ait jamais ressenti en Afrique toute la force, mais aussi les exigences, de l'amitié entre Français et Africains.

Ce lien, cette passion réciproque et tourmentée entre la France et l'Afrique, je l'ai ressentie à chacun de mes voyages, comme je sais, Robert, que tu la ressens avec force, toi aussi. La France a des intérêts, cela va de soi et j'en suis aujourd'hui le dépositaire. Mais la France a aussi des amis, des amis nombreux, des amis précieux. La France le sait bien, croyez-moi. Et je suis d'ailleurs très heureux, ce soir, de voir autour de nous tant de vieux amis de notre pays.

Par delà l'amitié et les intérêts, la France a en tout cas le devoir de manifester toute sa gratitude à ceux qui, comme toi Robert, ont été et restent les défenseurs infatigables de notre pays à travers le monde. Et il n'est pas abusif de parler du monde, puisque nous nous sommes encore croisés, il y a quelques jours, à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU.

C'est toi, c'est un homme qui est aujourd'hui distingué, mais c'est aussi toute ta famille qu'il s'agit d'honorer et de remercier aujourd'hui. Je salue amicalement tous les tiens qui sont présents ce soir, car personne ne réussit jamais rien de grand sans l'affection de ses proches.

Bien sûr, il ne s'agit aucunement de retirer quoi que ce soit aux mérites personnels qui sont les tiens. Mais tu es aussi le produit d'une famille exemplaire. Je sais combien dans le passé, Jacques Foccart, alors aux services du général de Gaulle, a pu compter sur le patriote et l'ami qui fut ton propre père, Mahmoud Bourgi.

C'est assurément dans ta famille, d'origine libanaise, installée au cœur de l'Afrique, où tu es né toi aussi, et engagé depuis toujours derrière le général de Gaulle que tu as développé cette double passion, cette double fidélité, à la France, à l'Afrique, qui te vaut compter autant d'amis sur l'une et l'autre rive de la Méditerranée.

Dans ces conditions, personne ne s'étonnera de ce que tu fus un coopérant actif, enseignant le droit pendant plusieurs années à Cotonou, à Nouakchott ou à Abidjan, avant de rejoindre en 1986 le cabinet du grand ministre de la Coopération que fut Michel Aurillac. Je le salue ici. A ce propos, je veux dire combien j'ai toujours regretté que cette grande politique de la Coopération, dont tu as été, à différents titres, l'un des acteurs, ne soit plus désormais que l'ombre d'elle même.

En Afrique, j'ai eu l'occasion de le dire à Dakar, le 26 juillet dernier : la France a eu des torts immenses. Mais nous sommes ici entre amis et cette amitié commande une très grande franchise entre nous :

Qui d'autre que la France a jamais rêvé avec autant de sincérité et d'enthousiasme à une communauté de destins avec l'Afrique ?

    * Qui d'autre que la France a davantage soutenu et relayé la parole des nations africaines en Europe et dans les grandes enceintes internationales ?

    * Qui d'autre que la France a payé un tribut aussi lourd au fil des opérations de maintien de la paix sur le continent ? Qui d'autre que la France a accepté de lier sa monnaie à celles de nombreuses nations d'Afrique ?

    * Qui d'autre que la France a développé et entretenu une politique d'une ampleur et d'une intensité identiques à ce que fut la Coopération entre les années 60 et les années 80 ?

    * Quel autre pays que la France peut se vanter d'avoir prêté une part aussi grande de sa jeunesse et de son expérience à l'Afrique, grâce à la Coopération ?

En Afrique, dans la colonisation et au-delà, la France a eu des très grands torts, mais elle n'a pas eu tous les torts. Et surtout, mes chers amis, elle n'a pas eu que des torts. La Coopération reste, à mes yeux, un motif indiscutable de fierté, pour ceux qui l'ont faite vivre, comme toi Robert, et pour tous les Français.

Etre digne, aujourd'hui, de cette grande ambition, c'est comprendre que nous devons aider par tous les moyens l'Afrique à participer à la prospérité mondiale et à conjurer la soi-disant malédiction qui voudrait lui interdire le développement économique.

L'Afrique n'est pas maudite, elles n'est pas malade. Elle n'a nul besoin de notre pitié ni de la charité des Occidentaux. Et elle n'a pas besoin non plus de se vendre à des puissances extérieures, qui pour être nouvelles et lointaines n'en sont pas moins mues par des intérêts parfaitement égoïstes.

Je veux le dire, cher Robert, car je sais combien la destinée du continent africain t'es chère : la France demeurera aux côtés de l'Afrique. C'est le sens très clair de la première grande visite internationale que j'ai effectuée, peu après mon élection, en Afrique. C'est également ce message que j'ai délivré au doyen des chefs d'Etat africains, le président Omar Bongo, que je salue amicalement au travers de ses proches qui sont parmi nous.

Grâce à une politique active de codéveloppement, nous œuvrons pour que la très grande richesse de l'Afrique, sa formidable jeunesse, puisse en même temps, trouver à se former, acquérir une expérience en France et en Europe, et revenir dans les différentes nations du continent pour participer à leur croissance.

Je n'aurais aucune crédibilité si je vous affirmais que 450 millions de jeunes de moins de 17 ans que comptent les nations africaines, pourront demain venir étudier ou travailler en France. Mais, il n'est pas dans mes intentions de rompre avec la tradition d'accueil et de coopération qui lie nos différents pays.

Au contraire, ma volonté très ferme et de lui donner un nouvel an. Car, ce que veut faire la France avec l'Afrique – je l'ai dit à Dakar –, ce n'est rien de moins que préparer l'avènement de l'Eurafrique, c'est-à-dire ce grand destin commun qui nous attend, la création d'un vaste espace d'échanges culturels, humains, économiques, grâce auquel nous pourrons peser ensemble sur la mondialisation.

De même, l'Afrique trouvera toujours la France pour faire avancer la paix. Comme le disait le président Houphouët-Boigny que tu as bien connu : “La paix, ce n'est pas un mot, c'est un comportement.” Ce comportement, la France saura l'adopter et le faire progresser partout en Afrique, avec l'implication croissante des Africains eux-mêmes.

Je sais, cher Robert, pouvoir continuer à compter sur ta participation à la politique étrangère de la France, avec efficacité et discrétion. Je sais que, sur ce terrain de l'efficacité et de la discrétion, tu as eu le meilleur des professeurs et que tu n'es pas homme à oublier les conseils de celui qui te conseillais jadis, de “rester à l'ombre, pour ne pas attraper de coup de soleil”. Sous le chaud soleil africain, ce n'est pas une vaine précaution ? Jacques Foccart avait bien raison.

Enfin, permettez-moi d'avoir un propos plus personnel. Ce qui nous unit Robert et moi, c'est une amitié de 24 ans, depuis que nous nous sommes rencontrés au RPR en 1983. Gaullistes, nous l'étions tous les deux passionnément. Toi, tu étais un grand connaisseur de l'âme africaine et tu portais déjà cette affection pour l'Afrique qui t'anime toujours. Moi, je n'étais alors que le très jeune responsable des jeunes RPR.

Alors, je n'ignore pas qu'en amitié, le cap des trente ans est le plus difficile à passer… mais je suis tranquille et serein, tant je sais que tu portes très haut la fidélité à notre pays, à nos valeurs et à tes amis. Je sais surtout, pour l'avoir expérimenté que, à chaque fois que des choix difficiles se sont présentés, l'intérêt supérieur de notre pays nous a toujours réunis.

Pour finir, je crois que c'est François Mauriac qui disait : “La Légion d'honneur, cela ne se demande pas. Cela ne se refuse pas. Cela ne se porte pas.” Si je peux me permettre un conseil, cher Robert, n'écoute pas François Mauriac, pas cette fois. Cette distinction, fais-moi un grand plaisir, porte-la. Porte-la pour moi. Porte-la pour la France. Porte-la, car tu peux en être en fier.

Merci de votre attention. »

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