Cameroun - Politique. Succession de Paul Biya: Les non-dits de la démission de Maurice Kamto

Jacques Blaise Mvie | La Nouvelle Mardi le 31 Janvier 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Selon des sources proches du sérail, en décidant de démissionner du gouvernement, Maurice Kamto aurait choisi de prendre les devants pour doubler le plan secret du président Paul Biya de faire de Luc Sindjoun, son successeur à Etoudi. Et tenter ainsi de séduire tous les déçus du régime actuellement au pouvoir. Décryptage

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«Enfin, j'ai pris la décision du 30 novembre 2011 pour l'avenir (...) J'ai pris cette décision ce que l'on peut offrir un autre futur a notre jeunesse nombreuse, ingénieuse et ardente, en actionnant les divers leviers de formation, de création, par les pratiques destructrices de l'initiative et de l'audace. Je l'ai fait avec la ferme conviction qu'ensemble, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, rassemblés et unis dans la foi commune en cette Terre des douleurs et de promesse, nous pouvons refonder le Cameroun, enraciner l’économie nationale dans une agriculture modernisée et une industrie conquérante, construire une économie du savoir dont la matière première est la matière grise, jeter les ponts de la solidarité pour ne pas abandonner les plus faibles sur l'autre rive, celle de la misère et de l'indignité, et projeter le pays dans un rayonnement international qui établisse son influence dans le concert des nations (...)» Autant de banderilles que lance, la semaine dernière, dans sa sortie médiatique pour justifier sa démission du gouvernement, le 30 novembre 2011.

Mieux vaut tard, après tout, que jamais, véhicule-t-on dans une certaine opinion proche des partis de l'opposition pour commenter cette sanction de l'inertie du passé, des approximations du président et des incertitudes du futur que, pour eux le régime actuellement au pouvoir ne fait rien pour dissiper. Pour les mêmes commentateurs, ce changement de cheval au milieu du gué est une hypothèse d'autant plus crédible que le brillant universitaire lance un vibrant appel tous les Camerounais à se mettre ensemble dans la «voie qui s'ouvre à une espérance nouvelle», Lui-même ne s'en cache pas: «nous serons du mouvement».

De sa voix un peu nasillarde, mi désinvolte, mi-métallique, l’air comme ca de ne pas y toucher, Maurice Kamto prononce parfois des phrases incroyables. Mais celle-ci est d'une importance capitale, au moment ou, même quelques semaines après sa surprenante démission du gouvernement, les versions les plus contradictoires continuent bruyamment de circuler dans certains milieux politiques et diplomatiques de la capitale, pour trouver les motifs exacts ayant poussé cette élite politique et universitaire des Hauts-Plateaux à claquer la porte. Car tout est dans cet avenir: le constat d'échec du régime au pouvoir et la certitude qu'il sera en lice dans la course a la succession de Paul Biya en 2018. Tel Moise guidant son troupeau vers la terre promise, il n'hésite nullement à endosser le verbe d'un pasteur évangélique pour séduire un peuple qui, pour lui, vit indéfiniment le rêve de ce qu'il pourrait être et le scandale actuel de ce qu'il est.

Opération de séduction

Pour ces commentateurs, très prolixes en révélations, quels que soient les motifs avoués et inavoués de la décision du ministre démissionnaire, il aurait fait au moins quelques heureux. Surtout chez les Baham, des Hauts-Plateaux, son département d'origine. Invraisemblable, vraiment? Pourtant, l'on présente volontiers Luc Sindjoun, conseiller spécial du président de la République, comme celui qui serait le plus en pointe dans cette posture. Pour ces observateurs, il y a belle lurette que ces 2 dignes fils des Hauts-Plateaux se livrent, à fleuret moucheté, une rude concurrence de positionnement dans les sillages du pouvoir, bien que, d'un coté comme de l'autre, on s'échine à faire semblant de s'ignorer. Même les tutoiements fraternels et autres embrassades démonstratives, lors des rencontres publiques, n'ont jamais suffi à cacher le climat délétère qui sous-tend leurs rapports. Pour cela, ils se regardent en chiens de faïence, se croisent sans se voir et utilisent des tonnes de diplomatie pour préserver les apparences.

Jusqu'aux confins des Hauts-plateaux leur département d'origine, ils se marquent à la culotte comme dans les cœurs. De façon générale d'un coté comme de l'autre, de même si on s'échine ainsi à faire semblant de s'ignorer, cela n'empêche pas de fourbir les armes. Surtout dans les perspectives de l'après-Biya. Des lors, ils chassent sur les mêmes terres. Avant son entrée dans le gouvernement en 2004, Maurice Kamto était à quelques longueurs d'ondes en moins que son «frère ennemi».

Un déficit qu'il aurait décidé de combler en acceptant compliquer leurs rapports en les alourdissant de suspicions réciproques. Seulement, depuis qu'on prête dans ces milieux, à Paul Biya d’autres arrières pensés plus subtiles par rapport à sa succession, les choses se seraient davantage gâtées. Artiste de la dissimulation, Paul Biya aurait décidé ces derniers temps de jeter son dévolu dans la région de l'Ouest pour y trouver son successeur à Etoudi, commente-t-on dans les salons lambrissés de ces milieux avec un zeste de trahir un secret d'Etat.

Un éclair qu'aucun météorologue n'avait encore prévu dans le ciel très transparent de cette succession qui fait pourtant jaser sous les chaumières. Avec une longueur d'avance sur les éventuels prétendants, Luc Sindjoun est ainsi présenté comme la nouvelle coqueluche à Etoudi. On le dit secret, ambitieux et d'une fidélité à toute épreuve envers Paul Biya.

Les missions secrètes qu'il effectue depuis quelques temps entre Alain Juppé, dont on dit qu'il est très proche, et le chef de l'Etat camerounais, les rapports étroits avec les cabinets de communication du président, ont assurément donné à ce dernier de nombreuses occasions de se mettre à l'épreuve. Pour ces commentateurs, ce serait peu dire qu'il est l'un des artisans de la stabilité actuelle dans les rapports entre Paris et Yaoundé, après que certains signes ont suffisamment montre, avant le scrutin du 9 octobre 2011, un réel essoufflement entre Paul Biya et Nicolas Sarkozy.

Pour les mêmes analystes, le chef de l'Etat camerounais serait davantage conscient de la menace qui pèse sur sa survie et celle de sa progéniture après son départ d'Etoudi. Du caractère ombrageux de certains de ses proches collaborateurs, il est conscient que beaucoup lui vouent une haine inextinguible. D'ou sa décision de faire lever le soleil de sa succession à l'Ouest. Maurice Kamto serait-il dans les secrets de cette décision de Paul Biya? Aurait-il lu à cet effet, dans les boules de cristal qu'il aurait secrètement jeté son dévolu sur son «frère ennemi», Luc Sindjoun?

Ceux qui affirment aujourd'hui que ce sont les réponses à ces lancinantes questions qui sont à l'origine de sa démission du gouvernement, trouvent qu'il aurait une mémoire d’éléphant au point de ne pas pouvoir décrypter tous les signes qui confirment de plus en plus que Luc Sindjoun est actuellement au cœur de bien de secrets de la République. Pire, il aurait vécu comme une humiliation, selon les mêmes analystes, le fait de lui avoir bloqué les portes d'entrée au Comite central du Rdpc, lors du dernier Congres ordinaire. Une goutte d'eau de trop qui aurait fait déborder le vase.

Pris d'un soudain besoin de claquer la porte pour se lancer dans une pleine opération séduction, il en aurait manifesté l'envie avant l'élection présidentielle, avant de se convaincre, lui même, que cela pourrait lui attirer les pires ennuis. Seulement, en restant dans le gouvernement, il n'a plus écouté que d'une oreille distraite toute la musique de sa hiérarchie gouvernementale, pour ne jouer que sa propre partition.

Ce d'autant plus que les propos anti-Bamiléké prêtés à Amadou Ali dans les rapports que les diplomates américains adressent à Washington sur la succession de Paul Biya provoquent en lui un profond sentiment de dépit. Exit donc la solidarité avec un gouvernement qui veut lui faire un bébé dans le dos, en plaçant sur orbite comme on le ferait d'une marque de savon, un eternel rival politique. Aux oubliettes le fameux droit de réserve qui rend taiseux les ministres démissionnaires. Et avec un sentiment d'urgence qu'on ne lui connait pas beaucoup, à l'assaut d'Etoudi 2018.


 

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