Lutte contre Boko Haram. TERRORISME : L’Extrême-Nord, «une zone de non-droit»

BERTRAND AYISSI | L’Oeil Du Sahel Jeudi le 21 Juillet 2016 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Selon Amnesty International, l’armée commet moult exactions sur les civils au prétexte de la lutte contre Boko Haram.

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«Ce n’est pas un acharnement vis-à-vis des autorités camerounaises et du Cameroun en particulier », a d’entrée de jeu déclaré Samira Daoud, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique du Centre et de l’Ouest. «La zone que nous avons couverte, ce n’est pas le front. Ce rapport parle des citoyens ordinaires qui sont arrêtés de façon arbitraire» poursuivra-t-elle. Et l’arbitraire dont parle Amnesty International dans son rapport présenté le 14 juillet 2016, a plusieurs déclinaisons : arrestations et recours excessif à la force, disparitions forcées, détentions au secret, torture et morts en détention, procès militaires iniques et recours à la peine de mort.


Toutes irrégularités que l’organisation internationale impute à l’armée camerounaise dans la région de l’Extrême-Nord. Outre les quelques 500 morts déjà causées par les attaques de la secte terroriste en 2015, le rapport d’Amnesty International est formel : «Plus de 1000 personnes, dont beaucoup ont été arrêtées arbitrairement, sont détenus dans des conditions épouvantables, et plusieurs dizaines d’entre elles meurent des suites de maladie, de malnutrition ou de torture dans le cadre des opérations de répression menées contre Boko Haram par les forces de sécurité et les autorités camerounaises», accuse-t-il.

Toujours selon l’Ong, «en février 2015, 32 hommes ont été arrêtés à Kossa par les militaires, parce que le village était accusé de fournir de la nourriture à Boko Haram». Au moins sept civils non armés ont été abattus par les éléments du Bataillon d’intervention rapide (BIR) et 15 autres arrêtés en novembre 2014 dans le village Bornori. Le 15 juillet 2015, des soldats ont mené une opération de ratissage à Kouyapé, au cours de laquelle 70 hommes environ ont été bastonnés.

Le 17 juillet de la même année, un étudiant de 19 ans recevra une balle tirée par un militaire à la jambe gauche à Koza, pour n’avoir pas donné le code de son téléphone. Plus de 250 personnes sont arrêtées en juillet 2015, rendant visite aux membres de leurs familles détenus à la prison de Maroua, accusés de collusion avec Boko Haram. Et ce n’est pas tout. Car, 29 personnes ont été torturées par les forces de sécurité entre novembre 2014 et octobre 2015 dans les bases du BIR sises à Salak et Mora. Pis, des actes de torture sont signalés à la Direction générale de la recherche extérieure à Yaoundé.

Notamment sur le journaliste de RFI, Ahmed Abba. Un étudiant de 27 ans a même été poursuivi pour terrorisme, pour avoir envoyé un SMS sarcastique. Le rapport d’Amnesty parle aussi de 17 cas de disparitions.

CONTESTATION

Un tableau suffisamment noir pour l’armée camerounaise, selon Amnesty International. «Il y a des lieux de détention qui ne sont pas connus, dans des camps militaires. Des lieux par excellence d’exercice de l’arbitraire. Et à la longue, cet arbitraire transforme même le régime politique, qui est démocratique. Et chaque fois que ça arrive, c’est une victoire pour Boko Haram», analyse Alioune Tine.

Un  rapport que le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a qualifié de «partiel et partial», et qui a suscité des réactions vives au sein de l’opinion publique et de la part des autorités camerounaises. «Officiellement , le ministère de la Défense fait tout ce qui est à son pouvoir contre toute exaction qui peut arriver. Nous n’avons pas dit que ça ne peut pas arriver. Et chaque fois, nous avons communiqué sur le plan national et international.

Le ministre a toujours pris des sanctions rigoureuses. Et vous avez plus de 10 000 hommes sur le terrain. Pensez-vous que ça va toujours se passer normalement ? Il y a ce qu’on appelle la socialisation de la guerre. Il y a des gens qui peuvent perdre leur self-control. Ça peut arriver. Mais nous luttons pour que ça n’arrive pas et on met ces militaires dans le cadre légal de travail», a réagi le colonel Didier Badjeck, chef de la division de la Communication du ministère de la Défense. Mais d’un ton révolutionnaire, Amnesty International reste constant.

«Nous le répétons encore une fois, nous reconnaissons les efforts qui sont faits par le gouvernement, l’Etat du Cameroun. Mais nous demandons un peu plus quand il s’agit des droits humains, de garantir les libertés fondamentales aux gens, de mettre un terme à l’arbitraire. Nous demandons toujours. C’est aussi une opportunité de montrer que nous ne perdons pas notre âme.

Et que nous ne sommes pas ces hommes qui ont tourné le dos à l’humanitaire. Ce sont des gens qui n’hésitent pas à prendre des enfants pour les transformer en bombes. Nous devons refuser cet Etat de barbarie», a clamé Alioune Tine, le directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

 

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