Cameroun - Réligion. « Par chance, j’ai juste été piétiné », raconte un rescapé de La Mecque

Josiane Kouagheu | Le Monde Vendredi le 02 Octobre 2015 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Abdourachidi Tchiroma claudique. Son pied droit, très enflé, le fait souffrir. Il marche lentement, en posant ses pieds avec précaution, sur la route boueuse du quartier New-Bell, à Douala, capitale économique du Cameroun. Rentré il y a trois jours de La Mecque, le sexagénaire traîne avec lui une « énorme » blessure sur la plante du pied droit, souvenir de son séjour en Arabie saoudite. « Je suis un survivant. J’aurais pu mourir jeudi, confie le président des agents de change à l’aéroport international de Douala avec tristesse. J’ai juste été piétiné. J’ai eu plus de chance que les autres qui sont décédés. »

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Un chiffre encore sous-estimé à en croire Abdourachidi Tchiroma. « Cent Camerounais au moins sont morts, assure-t-il. Ce sont des mensonges que le gouvernement raconte. Près de 4 500 pèlerins Camerounais sont officiellement partis à la Mecque. Mais, d’autres comme moi, sont arrivés de manière individuelle. En tout, nous étions plus de 5 000. Tout s’est passé devant moi. En l’espace de quelques minutes, j’ai vu des frères avec qui je discutais quelques minutes plus tôt mourir. »


« J’ai entendu des cris »

Que s’est-il réellement passé ? Abdourachidi observe quelques secondes de silence. « Il était 11 heures environ ce jour-là, commence-t-il avec peine. Les pèlerins s’avançaient lentement, sous un soleil caniculaire, vers le site symbolique de la lapidation de Satan. Comme c’était le premier jour, chacun devait lancer sept cailloux. J’ai lancé les miens et je me suis ensuite dirigé vers la sortie. C’est à ce moment que j’ai entendu des cris. »

Les minutes qui ont suivi ont été les plus horribles de la vie de ce père de 11 enfants : il a vu des « corps, entassés les uns sur les autres », du sang, des policiers qui tentaient de calmer la foule et, surtout, des gens qui fuyaient en tous sens. « C’était la panique générale et c’est à ce moment que des personnes m’ont piétiné », poursuit-il. L’équipe médicale en poste sur le site de la lapidation a commencé à prendre en charge les blessés qui pleuraient et criaient. « Les ambulances sont arrivées et ont conduit les blessés vers des hôpitaux. S’il vous plaît, je ne veux plus penser à ce drame, supplie-t-il soudain. Depuis mon retour, je revois ces corps d’hommes et de femmes dans ma tête. J’ai mal partout. J’ai pris deux perfusions et je ne parviens toujours pas à dormir. Jusqu’ici, je ne sais pas vraiment ce qui a causé cette bousculade. »


Des pèlerins indisciplinés ?

La réponse est simple, pour Iliassou Mounpain, directeur du centre islamique El Hijrah : « L’indiscipline des pèlerins camerounais, causée par le manque de savoir de leurs guides, est la première cause de ce qui leur est arrivé. » D’après cet imam, qui s’est rendu dans la ville sainte en 2014, les guides qui accompagnent les fidèles ne maîtrisent pas suffisamment les piliers de l’islam, dont le hadj fait partie. « Un musulman doit faire le pèlerinage au moins une fois dans sa vie. Or ces accompagnateurs, parfois, ne causent ni français, ni anglais, ni arabe et ne maîtrisent pas l’islam. Ils ont juste réussi à rassembler les 3 millions de francs CFA [4 570 euros] nécessaires pour obtenir la licence de guide. La Commission nationale du hadj la leur accorde sans enquête préalable », s’insurge Iliassou Mounpain.

C’est le démantèlement de cette commission ou, à défaut, « la nomination de nouveaux hommes non corrompus dans ses rangs » que réclame aujourd’hui le rescapé Abdourachidi Tchiroma. Les pèlerins, qui déboursent 2 millions de francs CFA – 3 050 euros – pour se rendre en Arabie saoudite, ont besoin d’être encadrés. « Il faut concevoir des manuels audiovisuels, pour leur montrer comment se comporter à la Mecque. Riyad doit l’imposer à ces pays », estime-t-il.

 

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