Accident Train Camrail. Commémoration: Eséka, un an après

Cameroon-tribune Vendredi le 20 Octobre 2017 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les populations de cette ville continuent de vaquer à leurs occupations, malgré de douloureux souvenirs qu’ils espèrent effacer avec le temps.

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Sur l’une des collines de la ville d’Eseka où se trouve la mairie, le visiteur a une vue sur la gare. Il est 13h40 ce mercredi 18 octobre 2017, lorsque le train autorail rompt la relative monotonie du quotidien dans cette ville. « C’est ici que les deux trains en provenance de Douala et Yaoundé vont effectuer leur croisement. D’habitude, ils se croisent à Messondo. Le trafic a repris comme vous pouvez le constater. Et c’est grâce à ce train que les agriculteurs approvisionnent ces deux villes en produits vivriers », explique le chef de la sécurité de la gare d’Eseka. La réserve des populations sur la catastrophe du 21 octobre 2016 démontre que les souvenirs sont encore vivaces. Tous veulent oublier le film de ce drame. Le silence des autres en dit long sur le traumatisme de la majorité. « Nous sommes toujours hantés par les corps mutilés et par le sang des personnes décédées ou blessées. Il nous faudra des années pour oublier. C’était horrible », confie Martine Ngo Ndombol, riveraine. Même les vendeuses de nourriture à la gare se comptent sur le bout des doigts. « C’était difficile pour ces femmes qui avaient assisté à ce scénario inhabituel, de continuer leurs activités. Surtout que les deux premiers mois après ce grave accident, il était impossible de manger quoi que ce soit dans une atmosphère polluée d’odeurs nauséabondes », lance une commerçante.

Près du quai, les carcasses des voitures endommagées du train accidenté. 15 au total, parmi lesquelles 11 en piteux état. « Quatre voitures ont été sorties du ravin. Trois sont posées sur des plateformes, pour évacuation au niveau des ateliers le moment venu et une autre se trouve de l’autre côté de la gare », indique l’un des responsables de la place ferroviaire. De l’autre côté du quai, quatre autres voitures embouties sont toujours hors de la voie ferrée. Toutes sont irrécupérables. Du côté droit du bâtiment, les parties du train accidenté en bon état sont bien disposées sur une autre plateforme. A gauche du quai, deux autres voitures ont été mises de côté et une autre a gardé la position horizontale de sa chute. Tôleries froissées, chaises démontées, toits défoncés sur lesquels sont accrochés les restes de vêtements de certaines victimes. Même le temps et les pluies n’ont pas réussi à effacer les traces de boue. Devenue un lieu de recueillement, la gare est sollicitée par de nombreux « pèlerins » qui viennent régulièrement brûler des cierges, en hommage à leurs morts. Sur une voiture, une gerbe de fleurs toute fraîche. « Ce ne sont pas seulement les familles des victimes qui convergent ici. Mais tous ceux qui ont été touchés de près ou de loin par le décès de nombreux Camerounais. Mais nous voulons que ces voitures soient retirées pour nous éviter de revivre ce drame chaque jour », conclut un autre riverain. En attendant que ce voeu soit exaucé, la ville continue de porter le deuil. La vie des populations d’Eseka a toujours été rythmée par le transport ferroviaire. Notamment le train Intercity. Sa circulation est aujourd’hui interrompue et peu d’informations filtrent au sujet de la reprise. Ceux qui connaissent la ville, vous diront qu’à l’époque, c’est la gare qui faisait vibrer la ville. Actuellement, elle est l’ombre d’ellemême. L’ambiance de l’époque a disparu. Beaucoup de passagers se sont rabattus sur les agences de transport », déplore Joseph Nganbe, un riverain. Mais à Eseka, l’espoir fait vivre.
 

Sorèle GUEBEDIANG à BESSONG




« Les fonds d’aide aux victimes sont disponibles »

Mariatou Yap, directeur de la Protection civile au Minatd.

Quelles leçons avez-vous tiré de la catastrophe ferroviaire d’Eséka?

Bien que cette catastrophe ait été mieux gérée que les autres par le passé, nous avons noté comme dans les autres partout dans le monde qu’il y avait quelques insuffisances qui méritaient d’être corrigées. Il y avait une petite défaillance au niveau de la transmission de l’alerte, des insuffisances au niveau de la coordination. Tout cela a été relevé et présenté à la hiérarchie. Et la très haute hiérarchie a réagi à travers un communiqué le 23 mai dernier, prenant des mesures correctives pour que dorénavant, quand il y a une situation comme celle-là, qu’elle soit encore mieux gérée.

Quelles sont les mesures qui ont été prises à la protection civile pour anticiper en cas de drame ?

Sur les aspects de relèvement précoce, il y a eu cette assistance spéciale que la très haute hiérarchie a bien voulu accorder en sus des autres assistances dues aux victimes vivantes de cette catastrophe et aux ayants droit des victimes décédées. Il y a également cette stèle commémorative dont le chef de l’Etat a bien voulu instruire la construction à Eséka. Ceci en souvenir des mémoires des disparues. Dans le cadre du relèvement durable, il y a eu les instructions du chef de l’Etat pour le renforcement des capacités de réponse de la protection civile au Cameroun afin de corriger les problèmes de la transmission de l’alerte et la coordination. Il a donné des instructions pour que la protection civile soit renforcée. Dans ce cadre, en vue de mettre en oeuvre ses très hautes instructions, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) a mis en place un groupe de travail qui réfléchit actuellement sur la réforme générale dans ce secteur en vue de corriger les manquements observés il y a un an. Il faut dire que ce n’est pas la particularité du Cameroun. Même les pays les mieux outillés en matière de protection civile tirent toujours des leçons des catastrophes pour mieux entrevoir et préparer l’avenir.

Qu’est-ce qui a été fait jusqu’ici pour soutenir les victimes en dehors de la somme d’un milliard de F offert par le président de la République ?

Un comité a été mis sur pied au niveau des services du Premier ministre sur la coordination de son secrétaire général. Ce comité dont le Minatd est membre à travers la protection civile qui est membre du secrétariat technique a déjà suffisamment avancé. Car, faut-il le préciser, ce n’est pas une opération facile d’identifier exactement toutes les victimes dans la mesure où tous ceux qui se trouvaient dans le train n’avaient pas un ticket. C’est une opération difficile. Les fonds sont disponibles et l’équipe qui a été commise à cet effet veut éviter au maximum de commettre des erreurs. Nous avons travaillé d’arrache- pied et je suis sûre que les résultats vont être publiés bientôt. Cette aide du chef de l’Etat n’est qu’un appoint parce qu’en réalité, il y a un dispositif qui est mis sur pied pour indemniser ces victimes à travers la société Camrail. Le soutien du président de la République aux victimes est un geste de solidarité d’un père à ses enfants.

Assiatou NGAPOUT
 



Mesures prescrites par le chef de l’Etat: Des avancées palpables

Qu’il s’agisse du processus d’indemnisation ou du volet judiciaire, les instructions du président de la République sont sur les rails.

Indemnisations

Le président de la République y tenait et voulait que le processus soit finalisé dans les « meilleurs délais». Et à cette date, les indemnisations des victimes et de leurs ayants-droit ont bien avancé. Selon des informations recueillies à bonne source, plus de 1 200 dossiers ont déjà été enregistrés. 590 dossiers de personnes blessées ont donné lieu à des avances de fonds pour des préjudices sociaux et des remboursements de frais médicaux. 716 demandes de remboursement suite à des pertes matérielles diverses ont fait l’objet d’indemnisations définitives. Concernant les victimes décédées, 72 dossiers ont déjà été ouverts et la situation à ce jour montre que des accords sur proposition d’indemnisation ont été mis en oeuvre pour 36 victimes tandis que 27 dossiers sont en cours de discussions avancées. Et bien d’autres.

L’assistance d’un milliard débloquée par le chef de l’Etat

En dehors des indemnisations allouées aux victimes par Camrail, le président de la République, Paul Biya a décidé d’accorder un milliard de plus aux personnes touchées par cette catastrophe. De source introduite à la direction de la Protection civile, ces fonds sont disponibles. L’équipe qui a été constituée pour leur gestion travaille pour éviter au maximum de commettre des erreurs. Il est question de tout vérifier et d’identifier exactement toutes les victimes dans la mesure où tous ceux qui se trouvaient dans le train n’avaient pas de ticket de transport. Le moment venu, toutes les personnes concernées seront saisies.

La relecture de la convention de concession

Selon des responsables de Camrail, conformément aux instructions contenues dans le communiqué du secrétaire général de la présidence de la République du 23 mai 2017, la convention de concession Etat-Camrail a déjà fait l’objet d’un audit. Le consortium de cabinets internationaux a achevé sa mission et notre interlocuteur ajoute que « Camrail reste dans l’attente des orientations que le gouvernement voudra formuler dans le cadre de la création de la société de patrimoine prescrite par le chef de l’Etat ».

Comment la justice s’est saisie de l’affaire ?

Instruction avait été donnée par le président de la République pour « la prise des sanctions appropriées à l’encontre des responsables dont l’implication dans l’accident est reconnue dans le rapport d’enquête ». Et au tribunal de première instance d’Eséka, un procès a démarré le 24 août dernier avec parmi les 13 prévenus, l’ancien directeur général, Didier Vadenbon qui a démissionné le 9 juin 2017, pour se mettre à la disposition de la justice. La prochaine audience est prévue le 8 novembre prochain. Deux autres avaient déjà eu lieu dans cette ville.

La stèle du souvenir

Sur instruction du président de la République, une stèle du souvenir devait être érigée à Eséka pour la commémoration de cette tragédie. Cette dernière n’est pas encore sortie de terre, le ministre des Arts et de la Culture a lancé le « Concours artistique national pour la conception de la maquette d’une stèle du souvenir à Eseka ». La date de recevabilité des soumissions était fixée au 21 juillet 2017. A cette date, a-t-on appris du maire d’Eséka, la maquette leur a été transmise. Un site est déjà pressenti pour la réalisation de ce monument historique devant « refléter l’immensité de la tragédie et l’intensité de l’émotion que cet accident a provoquée », comme l’avait affirmé le Minac à l’installation des 32 membres du jury chargé de la sélection de cette maquette à Yaoundé.
 

Elise ZIEMINE NGOUMOU
 




«1200 dossiers d’indemnisations enregistrés »

Aboubakar Abbo, président du Conseil d’administration de Camrail

Un an après la catastrophe d’Eséka, comment la Camrail se relève-t-elle ?

Nous avons été meurtris par cet accident qui a frappé le pays et endeuillé des familles. Ce sont des moments très difficiles que nous avons vécus et qui ont laissé une trace indélébile. Grâce à l’implication personnelle de monsieur le président de la République, à l’élan de solidarité nationale et au courage des cheminots, nous surmontons cette épreuve. Cela nous donne envie de poursuivre l’oeuvre de modernisation du chemin de fer camerounais conformément à notre feuille de route et aux missions qui sont les nôtres. Même si le contexte économique global de l’activité logistique est morose.

Où en êtes-vous avec la gestion des indemnisations ?

Le processus d’indemnisation a commencé tout de suite après l’accident. Des équipes dédiées ont été mobilisées pour aider les victimes et les ayants-droit à instruire leurs dossiers. A ce jour, je puis vous rassurer que tout se passe bien. Camrail a enregistré plus de 1 200 dossiers. Dans le détail, 590 dossiers de personnes blessées ont donné lieu à des avances de fonds pour des préjudices sociaux et des remboursements de frais médicaux. 716 demandes de remboursement suite à des pertes matérielles diverses ont fait l’objet d’indemnisations définitives. 35 dossiers de personnes blessées ont donné lieu à des avances afin de soutenir les familles en attendant que le patient soit déclaré « consolidé » par ses médecins traitants, étape permettant la finalisation de l’indemnité. A ce jour, sur 332 blessés évalués, 253 rapports définitifs d’évaluation ont été rendus. Les 79 autres ont pour le moment été déclarés non consolidés, leurs cas ne pouvant à ce stade faire l’objet d’une évaluation définitive. Enfin, concernant les victimes décédées, 72 dossiers ont déjà été ouverts et la situation à ce jour montre que des accords sur proposition d’indemnisation ont été mis en oeuvre pour 36 victimes tandis que 27 dossiers sont en cours de discussions avancées, et que 05 dossiers sont en cours de constitution documentaire par les familles. Nous souhaitons bien sûr traiter au plus vite tous les dossiers afin de redonner la sérénité à chacun.

Le président de la République a prescrit un certain nombre de mesures. Où en est-on en ce qui concerne Camrail ?

Camrail est le partenaire de l’Etat du Cameroun dans le cadre de la concession. C’est dire que les deux parties travaillent main dans la main. Conformément aux instructions contenues dans le Communiqué de monsieur le ministre, Secrétaire général de la présidence de la République du 23 mai 2017, la convention de concession Etat-Camrail a fait l’objet d’un audit. Le consortium de cabinets internationaux a achevé sa mission et nous sommes dans l’attente des orientations que le Gouvernement voudra formuler dans le cadre de la création de la société de patrimoine prescrite par le Chef de l’Etat. Il vous souvient également que le management de Camrail a connu des ajustements le 09 juin 2017 avec l’arrivée d’une nouvelle équipe constituée d’un président du C, d’un directeur général et de deux directeurs généraux adjoint dont l’un est en charge du Transport voyageurs.

Est-ce que des investissements sont en vue dans le cadre du transport des personnes ?

Les investissements voyageurs sont des engagements encadrés dans le cadre de la convention de concession et ses textes subséquents. L’Etat a prescrit la relance d’une offre voyageurs de qualité. A ce titre, le Comité interministériel en charge des investissements ferroviaires que préside monsieur le ministre des Transports a mis en route un projet d’acquisition des matériels roulants voyageurs. 09 locomotives fabriquées par General Electric, 05 modules autorails construits par Stadler (Suisse) et 25 voitures voyageurs de CIM SSRT (Corée du Sud) font partie de ce programme. Ce dernier doit être renforcé par un programme de renouvellement de la voie. A ce jour, le chantier de 175 km de voie entre Batchenga et Ka’a et aux entrées de Douala et Yaoundé s’achève dans les prochaines semaines. Il faut poursuivre cet élan avec le renouvellement des lignes Douala-Yaoundé, Belabo- Ngaoundéré et la ligne Ouest. D’autres investissements sur le service sont en cours avec l’introduction de la billettique, la modernisation des gares et la démocratisation de l’accès aux titres de transport. Nous comptons naturellement sur le soutien du gouvernement pour que ces chantiers soient conduits et que notre activité voyageurs retrouve son niveau de performance d’avant le 21 octobre 2017.

Elise ZIEMINE NGOUMOU

 



« Nous essayons de nous adapter à la situation »

Jean René Libog Lilim Bayiha, maire d’Eséka.

Comment la ville se prépare-t-elle à commémorer le premier anniversaire de la catastrophe ferroviaire du 21 octobre 2016 ?

La commune d’Eseka se prépare tant bien que mal à commémorer cet évènement douloureux qui aura marqué l’ensemble des Camerounais dans leur dignité. Nous avons commencé par les actions d’hygiène et de salubrité afin d’accueillir nos invités dans la propreté. Nous avons commencé à défricher et à aménager le site devant abriter ladite cérémonie. Nous nous apprêtons à accueillir les convives dès vendredi (aujourd’hui : Ndlr) parce qu’il est prévu à cet effet, un concert géant de chants religieux avec plusieurs chorales. Et puis, le jour-J, c’est-à-dire samedi, une messe oecuménique sera célébrée. Vous savez, c’est comme l’amour d’un enfant envers sa mère, surtout lorsque celleci décède. Parce que l’enfant ne va pas l’oublier tout de suite, il aura toujours à penser qu’elle est cachée quelque part, avec espoir de la voir revenir un jour.

Qu’est-ce qui est fait ou sera fait par la commune en guise de devoir de mémoire ?

La commune en son temps avait saisi le chef de l’Etat qui a répondu favorablement en acceptant de dresser une stèle du souvenir. Nous avons déjà choisi la maquette. Le dossier a été coté au ministre des Arts et de la Culture (Minac) et nous attendons la suite. Des sites ont été identifiés et un a été choisi, mais il pose encore des problèmes. Cette question sera résolue avec l’arrivée du Minac ce samedi. La maquette a été conçue par les designers camerounais qui ont préalablement soumis des propositions. On y retrouve la symbolique, l’évènement et les matériaux. On s’est accordé sur l’essentiel. Elle sera dressée d’ici 2018. Je le crois fermement.

Les activités économiques de la ville étaient liées au train. Comment les populations vivent-elles son absence ?

La réduction du trafic pénalise les populations qui vivent le long du chemin du fer. Pourtant, ce sont elles qui alimentent les autres. Nous nous débrouillons avec nos routes pour écouler nos produits. Mais, nous essayons de nous adapter à cette situation qui s’impose à nous pour approvisionner les agglomérations. Malgré le retard, nous avons un train régulier communément appelé « mbombo », qui passe une fois par jour.

Que dites-vous à ceux qui associent l’image de la ville d’Eseka à cette catastrophe ?

Je leur dirais oui, parce que pareil évènement ne s’est jamais produit au Cameroun. Non, pas parce que le Camerounais ne devrait pas vivre avec la douleur. Nous devons continuer à travailler afin de contribuer à l’émergence de notre pays. L’histoire mythique de cette ville est toujours empreinte de beaucoup de choses. Mais nous vivons avec cette nouvelle image et souhaitons que cette ville puisse se développer. Nous demandons donc à l’élite de venir bâtir Eséka. C’est un projet qui ne concerne pas seulement la mairie, mais tout le monde. Nous devons faire un effort pour changer la physionomie de la ville.

Sorèle GUEBEDIANG à BESSONG

 

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