Elections côte d ivoire. Dédicaces interdites: plusieurs auteurs muselés au Cameroun

Alain NJIPOU | Le Messager Mardi le 06 Mars 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Moult cérémonies de dédicace d'ouvrages de bonne facture, ont été interdites par des larbins de l'ordre aux motifs de manifestations non déclarées et /ou trouble à l'ordre public. De Charles Ateba Eyene à Bertrand Teyou, en passant par Charles Onana...Mongo Beti, nombre d'auteurs ont été victimes de la frilosité des autorités publiques. Evocation.

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Ceux qui espéraient cuisiner Charles Onana, auteur du livre intitulé «Côte d'Ivoire: le coup d'Etat», au cours de la cérémonie de dédicace de cet Ouvrage prévu au Hilton hôtel de Yaoundé, jeudi 23 février 2012, continuent de ronger leur frein. La rencontre programmée entre l'auteur, l'éditeur et les mordus des belles lettres, pour disséquer cette nouvelle production littéraire, n'a pas eu lieu. Le Messager n°3540 du vendredi 24 février 2012, citant l'ambassadeur de Côte d'Ivoire au Cameroun, sieur Adama Dosso, indique que «les organisateurs de cette manifestation ne l'ont pas déclarée». En guise de réponse du berger à la bergère, Benjamin Lipawing, une des chevilles ouvrières de la mise en œuvre de ce rendez-vous culturel, n'y est pas allé du dos de la cuillère pour crier sa désolation dans la même édition du Messager suscitée. «Tout montre bel et bien qu'il y a eu des pressions diplomatiques. Et c'est dommage».

Pour expliquer les motivations des autorités administratives ayant «censuré» cette cérémonie, et les pressions diplomatiques, le contenu de l'ouvrage au cœur de la polémique est une indication de la frilosité du régime de Yaoundé à voir les manigances de Nicolas Sarkozy mises à nu dans un livre qui fera date, débattues sur son sol. En réalité, «Côte d'Ivoire: le coup d’Etat» est un cinglant pamphlet contre l'actuel chef d'Etat français, candidat à sa propre succession à l'Elysée.

Charles Onana, journaliste d'investigations, passe au peigne fin les contours alambiqués des crises qui ont secoué la Côte d'Ivoire depuis 2001 d'une part et de l'autre, il peint le tsunami politique qui a malmené les Ivoiriens en période postélectorale, lequel a également débouché sur l'installation d'Alassane Dramane Ouattara à la magistrature suprême d'un pays quasi exsangue. Dans la même veine, Thabo Mbeki, ex-président sud-africain, dans une préface sans fard ni langue de bois, crache sa part de vérité sur tout ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire avec en prime ses distances prises vis-à-vis du jeu trouble des Occidentaux et les postures de la France déterminée à débarquer Laurent Gbagbo alors aux commandes.


Liberté sous contrôle

A coup sûr, ces révélations ont heurté, si ce n'est perturbé la France, les régimes de Yaoundé et d'Abidjan. Comble de la bêtise, le livre distribué comme des petits pains en France, s'est aussi bien vendu au Cameroun, malgré l'interdiction officielle de la cérémonie de dédicace.

Qui l'eût cru qu'au Cameroun, malgré l'assurance donnée par Paul Biya, chef de l'Etat, qui a affirmé «qu'on n’a plus besoin d'aller au maquis pour exprimer ses idées», malgré les avancées démocratiques et la liberté d'expression devenue un acquis, des dirigeants camerounais continuent d'afficher une attitude réfractaire au progrès socioculturel et des reflexes moyenâgeux. Toutes choses qui crédibilisent la thèse d'une liberté sous contrôle au Cameroun.

Une autre illustration, en novembre 2010, Bertrand Teyou publie le livre «La Belle de la République bananière: Chantal Biya, de la rue au palais.» La cérémonie de dédicace de cette publication est prévue le 3 novembre 2010 dans les installations de l'hôtel Serena à Bali-Douala. Une escouade de policiers lourdement armés débarque sur le théâtre de l'évènement sans crier gare. Bertrand Teyou qui s'entretenait avec des journalistes avant le début de la cérémonie de dédicace est cueilli tel un fruit mûr puis embarqué comme un malpropre par la police. Résultats des courses, la dédicace n'aura finalement pas lieu.

L'on apprendra de sources policières que sur ordre du sous-préfet de Douala ler, l'événement a été interdit au motif qu'il n'avait pas été déclaré au préalable. Les malheurs de Bertrand Teyou, auteur polémiste (il est déjà l'auteur de l'Antécode Biya paru en 2008) se poursuivent à la prison de New-Bell. Le procureur de la République lui avait infligé un mandat de dépôt le 10 novembre 2010. Accusé de «manifestation illégale et diffamation de nom», Bertrand Teyou a commis un essai au titre très suggestif dont le sujet exploratoire n'est autre que l'épouse du chef de l'Etat, Paul Biya. Ce qui a fait sortir plusieurs thuriféraires du régime de leurs gongs.


Pressions et menaces

Sur un autre plan, les populations de Kribi n'oublieront pas de sitôt la cauchemardesque journée du 18 juillet 2008. Et pour cause, elles sont restées sans voix après s'être déportées en grand nombre à la salle des fêtes de Kribi où devait se tenir la dédicace de l'ouvrage intitulé «Les paradoxes du pays organisateur. Elites productrices ou prédatrices: le cas de la province du Sud-Cameroun à l'ère Biya (1982-2007)» de Charles Ateba Eyene. L'auteur et les invités ont eu la désagréable surprise de trouver les portes de cette salle hermétiquement closes. Pourtant, l'auteur en son temps avait obtenu les autorisations nécessaires auprès des autorités compétentes.

«Je suis venu une semaine avant et j'ai rencontré toutes les autorités administratives de Kribi, du préfet jusqu'au sous-préfet en passant par le maire de Kribi ler qui gère la salle. J'ai reçu toutes les assurances et tous les accords pour cette cérémonie. Le maire m'a confirmé la disponibilité de la salle, tout en émettant quelques réserves», se plaignait-il. Pour parer ce contretemps, Charles Ateba Eyene a mis à contribution sa voiture comme estrade de fortune pour tenir sous les branches d'arbres une dédicace que les forces administratives de la cité balnéaire ne voulaient pas. N'empêche, le livre, un des best-sellers, s'est vendu sans renfort de publicité.

Si l'on remonte le temps, l'on se souviendra qu'en 1972, Alexandre Biyidi Awala alias Mongo Beti publie «Main basse sur le Cameroun, autopsie d'une décolonisation» aux éditions François Maspéro à Paris. Véritable réquisitoire contre les régimes d'Ahmadou Ahidjo et le néocolonialisme français, le livre fait des vagues dès sa mise en vente le 25 juin 1972. L'ouvrage est illico presto interdit et saisi. L'éditeur est poursuivi. L'auteur est l'objet de multiples pressions et menaces.

Plus grave, en France, un arrêté du ministre de l'Intérieur de l'époque interdit sa distribution au motif que l'ouvrage est de provenance étrangère alors que Mongo Beti est Français de la nationalité. Comment oublier que nombre de publications de cet éminent romancier ont été interdites? De «Ville cruelle», en passant par «Remember Ruben» et bien d'autres, des livres en porte à faux avec le système néocolonial française, ont eu du mal à se distribuer au Cameroun ou chez nos ancêtres gaulois.



 

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