Cameroun - Communication. Recadrage des débats télévisés par le Minat Paul Atanga Nji

cameroun24.net Jeudi le 15 Aout 2019 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans une sortie musclée, le ministre de l’Administration territoriale accuse certaines chaînes basées à Douala de complicité avec ceux qui « ourdissent des complots » contre le Cameroun et promet de frapper lit-on dans les colonnes du quotidien Mutations.

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« Je voudrais une fois de plus interpeller les hommes de médias ; vous avez une responsabilité historique, un rôle important à jouer dans la construction de notre pays. Si vous prêchez la destruction, c’est vous qui allez d’abord être détruits, puisque l’Etat est éternel. Le Cameroun est un Etat debout, solide». Ces propos sont ceux du ministre de l’Administration territoriale (Minat). Il les a tenus lors d’une réunion de sécurité avec les autorités de la région du Littoral, en fin de semaine dernière à Douala. D’après Paul Atanga Nji, nombre de médias, notamment des chaînes de télévision basées dans la capitale économique, poseraient des actes de provocation à répétition vis-à-vis du gouvernement en remettant systématiquement en question les efforts consentis en vue du retour de la paix et la reprise de l’activité économique au Cameroun. « Les autorités administratives ont attiré mon attention plusieurs fois sur les dérives de plusieurs médias installés dans la ville de Douala. Je demande une fois de plus aux responsables de ces chaînes de télévision qui organisent sciemment, je dis bien sciemment ces débats qui ont pour but de saper l’action gouvernementale, saper le moral des forces de défense et de sécurité, et de porter un coup au projet des « Grandes opportunités » du chef de l’Etat, de rectifier le tir avant qu’il ne soit tard », prévient-il.

Le Minat reproche aux journalistes exerçant dans ces médias qu’il ne nomme pas, d’être « partisans » et de soutenir  des hors-la-loi ». « Vous n’avez pas, leur rappelle-t-il, à soutenir les gens qui passent le temps à perpétrer des complots contre le peuple camerounais et contre les institutions républicaines. Je vous dis une fois de plus, ceux qui ont l’habitude d’animer ces débats chaque semaine le font à dessein, et nous savons pour quel but ces débats sont organisés. Je vous le dis en vous regardant dans les yeux, j’ai lu les rapports des autorités administratives qui ont régulièrement attiré notre attention sur ces débats qui sont extrêmement dangereux ». Canal2 International, l’une des principales chaînes de télévision ayant son siège à Douala, « ne se sent pas concernée par cette mise en garde », souligne sa rédactrice-en-chef, Carole Yemelong, que nous avons jointe au téléphone hier mardi.

Pleins pouvoirs

Editorialiste à La nouvelle Expression, groupe de presse auquel appartient Equinoxe Télévision, l’une des chaînes les plus importantes en termes d’audience au Cameroun, Edmond Kamguia juge pour sa part inacceptable la sortie de Paul Atanga Nji. « Ce que le Minat a dit ramène le Cameroun 60 ans en arrière d’une part ; d’autre part, c’est une contradiction profonde aux déclarations du chef de l’Etat, Paul Biya. Sur le premier point, quand il critique les médias, les journalistes qui donnent la parole aux partis politiques, aux représentants de la société civile dans une société qu’on dit démocratique et que par la suite il prétend que ces mêmes médias ont tendance à vilipender le régime, à ne voir que le mauvais côté du gouvernement, à ne jamais dire ce qui est bien, que sur les plateaux il y a davantage ceux qui critiquent que ceux qui disent du bien du gouvernement, j’aimerais lui dire que ce n’est pas dans tous les médias qu’on peut faire cette observation ou ce constat. Pour ce qui concerne Equinoxe Télévision, nous faisons toujours en sorte que les débats soient toujours équilibrés, que toutes les sensibilités politiques soient représentées ».

Lors de l’émission « Droit de réponse » où il est par ailleurs consultant permanent, Edmond Kamguia a estimé que le Cameroun avait « beaucoup avancé depuis 1959 » ; il serait donc dommage qu’il fasse le bond en arrière auquel certains le prépareraient. « Le Minat nous ramène aux pleins pouvoirs qui avaient été adoptés en faveur de l’ancien président Ahmadou Ahidjo (…) Nous avons vécu au Cameroun de 1959 à 1990 sous un régime de musellement de la presse, sous un régime qui a donné lieu à la législation de la peur et de l’Etat d’exception. Et c’est seulement en 1990, à la faveur de la session des libertés qu’on a senti à un moment donné la volonté du chef de l’Etat  d’écouter le peuple camerounais qui voulait s’exprimer librement. Et ça me permet de rappeler ici le second point, concernant le chef de l’Etat lui-même, qui, après son accession à la magistrature suprême, a dit en mondovision : « Les Camerounais n’ont plus besoin d’aller au maquis pour exprimer leurs opinions ». C’est dire que la sortie du Minat est non seulement inopportune, pas appropriée, mais elle contredit aussi le chef de l’Etat qui a souhaité la liberté et la démocratie au Cameroun », a-t-il martelé.

Quiproquo

Dans le communiqué à l’issue des travaux de son Conseil national exécutif (NEC), tenu le week-end dernier à Douala, le Social Democratic Front (SDF) s’en est également pris à Paul Atanga Nji et condamné ce qu’il considère comme une « tentative laborieuse de musellement des médias à capitaux privés ». Le parti « dénonce énergiquement [ces] propos liberticides (…) à l’endroit de médias qui refusent à juste titre de se conformer à la doctrine de la pensée unique que le régime de Yaoundé tente désespérément d’imposer dans le paysage médiatique camerounais », non sans encourager et féliciter « les médias visés à poursuivre leur mission d’information et de sensibilisation [des] citoyens] ».

Directeur de l’Observatoire des médias et de l’opinion au ministère de la Communication, Charles Atangana Manda relève que le ministre de l’Administration territoriale est dans son rôle de donner une mise en garde régalienne. « Il tire sa force dans les textes réglementaires. Je renvoie tous les promoteurs de médias au Cameroun dans les textes fondateurs. Maintenant, je crois qu’il y a eu un quiproquo : soit c’est la presse qui l’a mal compris, soit c’est lui-même qui, en donnant l’indication, n’a pas exprimé toute la latitude de ce qu’il voulait donner comme mise en garde », indique-t-il. Et de poursuivre : « La règlementation en vigueur lui donne une dimension répressive relativement aux délits de presse, aux dérapages et à tout ce qui touche à l’équilibre de la nation dans les médias. Mais, son action est collégiale, en solidarité gouvernementale d’avec le ministre de la Communication. Au niveau des modalités du discours, que les journalistes reprochent plutôt au Minat sa manière de leur parler, mais pas le contenu de ce qu’il a dit.  L’alerte qu’il a donnée n’est pas une alerte usurpée, on peut simplement regretter qu’il n’ait pas évoqué l’action additionnelle d’avec le ministère de la Communication. Il aurait mieux fait d’évoquer aussi conséquemment l’action du ministre de la Communication. Cela aurait légitimé son propos utilement ».
 

Jean De Dieu Bidias 

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