Opération Epervier En condamnant Me Eyoum, Yaoundé résiste à Paris
L’avocate de nationalité française condamnée le 26 septembre dernier a porté plainte au président de la République et à l’administration de la Justice il y a trois ans.
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La condamnation de Lydienne Yen Eyoum-Loyse à 25 ans de prison par les juges du Tribunal criminel spécial (TCS) est une sanction particulièrement sévère. La remarque est de deux de ses confrères. Emmanuel Pensy et Célestin Kengoum étaient les invités de Sandrine Yamga sur le plateau d’Équinoxe TV dimanche. Me Pensy est revenu brièvement sur la stratégie de défense de sa consœur. Selon l’ancien vice-président de l’Ordre national des avocats du Cameroun, Me Eyoum a été mal conseillée par ses avocats français. Début août 2011, en effet l’opinion camerounaise apprend que Mes Caroline Wasserman et Christian Charrière-Bournazel, avocats au barreau de Paris ont saisi le doyen des juges d’instruction de la capitale française et se sont constitués partie civile. L’objet de la plainte, détention abusive contre la personne de L. Eyoum par les autorités camerounaises. Ces deux ténors du barreau parisien estiment alors que la période de détention provisoire de leur cliente est anormalement longue. Mise sous mandat de dépôt le 08 janvier 2010, ils expliquent qu’après 18 mois, elle devait être remise en liberté ou jugée. A l’époque des faits, le dossier semble bloqué et la justice refuse d’accéder aux demandes de libération de ses conseils. Trois types de personnalités vont être rendus responsables de cet état de fait. Le président de la République, le Garde des sceaux – à l’époque Amadou Ali, le président de la Cour suprême Alexis Dipanda Mouelle et quelques autres magistrats impliqués dans ce dossier.
En trois ans, l’affaire a pris une tournure de plus en plus internationale. Et la libération de Michel Thierry Atangana en février 2014 n’a rien arrangé. La libération de l’ancien homme de main de Titus Edzoa a «personnellement» été pilotée par le président français. Et les proches de Me Eyoum souhaitent que le cas Atangana se reproduise. Michel T. Atangana partage en effet plusieurs points communs avec l’avocate. Ils sont accusés de détournement de deniers publics, ils ont travaillé avec la haute administration de la République et par-dessus tout peut-être, ils sont naturalisés français. Reçu à l’Élysée le 29 mars dernier, celui qui prend la tête du Comité de libération Lydienne Eyoum n’hésite pas à présenter le cas de sa compatriote à François Hollande. Et Jean Yves Lecomte, sénateur des Français établis hors de France de lui emboîter le pas. La justice camerounaise est accusée de ne pas respecter les procédures en matière de détention préventive. A Yaoundé cependant, les débats sur l’affaire dite ONCPB sont ouverts depuis le 23 janvier 2014 devant le TCS.
Diplomatie
Il aurait plutôt fallu que l’accusée consente à rembourser le trop perçu supposé des émoluments que l’État lui reprochait d’avoir touché, analysent Me Pensy. Une preuve de bonne volonté qui aurait sans doute touché les juges. Éviter de s’engager dans un bras de fer avec le gouvernement et la justice camerounaise. Dans le feu de l’action, c’est exactement la démarche contraire qu’elle va appliquer. Du fond de sa cellule, Lydienne Eyoum reste particulièrement active à travers ses soutiens. Fin avril 2014, l’avocate écrit au pape François afin qu’il intervienne auprès de Paul Biya qui doit effectuer une visite au Saint siège quelques temps plus tard. En juin c’est autour du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies d’être saisi.
Faut-il rappeler la publication d’articles dans la presse française et internationale, la présence dans la salle d’audience des émissaires d’Avocats Sans Frontière, des membres du Comité de soutien, etc. ? L’implication de l’État français est devenue manifeste après la rencontre entre l’ambassadrice française pour les Droits de l’homme Patrizianna Sparacino-Thiellay et Lydienne Eyoum à Kondengui. Ce dossier était l’un des points cardinaux de sa visite officielle du 28 au 30 avril 2014 au Cameroun. Cela dit, l’action des juges français saisis depuis 2011 est restée lettre morte. En attendant les conclusions du pourvoi en cassation qui devrait être introduit par Me Yondo Black, les confrères camerounais de l’avocate considèrent que c’est cet activisme en dehors des mécanismes de conciliation propres à la profession au Cameroun qui a perdu Me Lydienne Yen Eyoum devant les juges du TCS.
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