Affaire Marafa. Cameroun : Marafa, « Ma détention a bien le caractère répressif »

Joseph Flavien KANKEU | Le Messager Mercredi le 27 Novembre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Après sa demande de mise en liberté provisoire... La Cour suprême maintient Marafa en prison.

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L’ex-secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, a été débouté à la suite de sa demande de mise en liberté provisoire formulée auprès de la chambre spécialisée de la Cour suprême. C’était à l’issue de l’audience d’hier, mardi 26 novembre 2013. Plusieurs personnalités condamnées dans le cadre de l’opération épervier se sont présentées à la salle d’audience de la Cour suprême hier, mardi 26 novembre 2013. Marafa Hamidou Yaya, ancien secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre d’Etat en charge de l’administration territoriale, condamné à 25 années de prison par le tribunal de grande instance du Mfoundi pour coaction de détournement des deniers publics dans le cadre de l’achat foireux d’ un avion présidentiel ; Emmanuel Gérard Ondo Ndong, ancien directeur général du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom), condamné à 35 ans de prison pour détournement des deniers publics ; Michel-Thierry Atangana, Franco-camerounais, incarcéré depuis bientôt 18 ans dans une cellule du secrétariat d’Etat à la défense (Sed) ; Edzoa Titus ancien secrétaire général de la présidence de la République lui aussi détenu au Sed depuis presque 18 ans. Mais aussi, Jean Louis Edou Nkolo, l’ancien trésorier payeur général de Douala condamné à vie par le tribunal de grande instance du Wouri pour détournement de déniers publics en coaction avec Sala Fru James et Toukour Mohamed (en fuite). Des collaborateurs d’Emmanuel Gérard Ondo Ndong étaient aussi présents dans cette salle d’audience bondée de monde.

Après un débat houleux, la requête de Marafa Himadou Yaya a été jugée recevable sur la forme, mais rejeté sur le fond. Par la même occasion, le président de la collégialité a condamné l’ancien secrétaire général de la présidence de la République aux dépends. Avant cette sentence, le conseiller rapporteur a pris la parole pour indiquer que la requête est recevable sur la forme, parce que le requérant à déjà introduit un pourvoi auprès de la Cour de cassation, comme le recommande l’article 516 du code de procédure pénal. Mais sur le fond, il soutient l’irrecevabilité par le fait que le mandat d’incarcération signé du président du tribunal de grande instance rend caduque le mandat de détention provisoire émis par le juge d’instruction.

Contre arguments

Ce qui est fortement contesté par Me Abdou Baguy, l’avocat conseil du prince de Garoua. Pour celui-ci, Marafa Hamidou Yaya continue de clamer son innocence. Il cite les dispositions de l’article 554 du code de procédure pénale pour indiquer que c’est lorsque la décision aura été définitive et que le condamné n’aura plus aucun moyen de recours que son sort sera définitivement scellé. Pour cet avocat au barreau du Cameroun, la détention préventive est une mesure exceptionnelle. Son client n’ayant jamais représenté une menace, il plaide donc pour sa mise en liberté provisoire. Me Monthé, un autre avocat conseil de l’ex-Minatd le suit d’ailleurs dans cette logique, sollicitant aux juges de ne pas être des pourvoyeurs de l’enfer, mais plutôt, des porteurs de la liberté. Celui-ci soutient mordicus qu’il s’agit d’un procès politique et non pas d’une affaire ordinaire, et souhaite que les juges fassent preuve d’indépendance. Le cas du délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Bamenda est d’ailleurs évoqué comme jurisprudence. Lui qui a été condamné, mais qui après avoir formulé une requête a été mis en liberté provisoire en attendant la sentence définitive de la Cour de cassation. Tout cet argumentaire est refoulé par l’avocat général qui estime que l’Etat ayant crée une prison secondaire logée au Sed, et où est incarcéré Marafa, la requête n’a logiquement aucune raison d’être. Il s’associe ainsi à la proposition du conseiller rapporteur. Et après une déclaration pleine de signification donnée par l’accusé, le juge déboute le requérant, le renvoyant ainsi dans sa cellule de la prison secondaire. De la maison d’arrêt du camp de la gendarmerie.

Avant la sentence du juge. L’intégralité de la déclaration de Marafa Hamidou Yaya

Monsieur le président,

En conclusion, je souhaite prononcer moi-même quelques mots à l’appui de ma requête. Ces mots, vous me permettrez de les emprunter en partie à une autorité qui n’est autre que le Premier président de la Cour suprême. Le 26 février 2009, je n’ai pas eu le privilège d’être présent pour l’entendre délivrer l’allocution de rentrée solennelle de la Cour suprême. J’étais en tournée dans le pays pour installer les délégués du gouvernement auprès des communautés urbaines. Cependant, cette allocution avait frappé les esprits, et j’en avais lu le texte attentivement. Le propos du premier président de la Cour suprême m’avait profondément marqué à l’époque, par sa clarté, sa justesse mais aussi l’évidence qu’il était inspiré par une foi profonde. Foi dans l’utilité de la réforme du code de procédure pénale qu’il décrivait et dans les principes que la réforme illustrait. Depuis ma condamnation, de nombreux passages de son allocution me sont revenus et restés à l’esprit.

L’un de ces passages concernait la légalité des peines. Citant le juriste italien Beccaria, le premier président avait insisté sur la nécessité, pour qu’une peine soit légale, que le délit soit constitué selon les principes de la responsabilité pénale et que la sévérité du châtiment soit déterminée selon les dispositions du code pénal. Ma condamnation a été prononcée sans preuve, ou plutôt malgré des preuves indubitables établissant que je n’avais profité d’aucune manière de l’achat de l’avion présidentiel et que je m’étais même opposé à la sortie des fonds. Le délit de «complicité intellectuelle» auquel correspond cette condamnation, a été inventé pour l’occasion. Quant à la sévérité du châtiment, ma peine est de 25 ans d’emprisonnement, ce qui, à mon âge, équivaut à un emprisonnement à vie. Je ne veux pas approfondir la question du caractère inexpugnable de mon innocence, mes conseils l’ont fait en détail, et toutes les parties la reconnaissent.

Un autre passage concernait spécifiquement l’usage de la détention provisoire. Ma condamnation faisant l’objet d’un pourvoi en cassation, pour lequel l’instruction n’a pas été ouverte, elle a ce caractère provisoire. Qu’a dit le premier président de la Cour suprême lors de son allocution ? Je le cite : « Sous l’empire du code d’instruction criminelle (qu’à remplacé le code de procédure pénale entré en vigueur en 2007), cette détention relevait davantage de la politique répressive et de l’opportunité. (…) (Dans le nouveau code), elle a pour but de préserver l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou d’assurer la conservation des preuves. » Là encore, mes conseils ont établi qu’aucun de ces cas de figure ne s’applique de quelque manière que ce soit à ma situation. Qui oserait sérieusement me désigner comme représentant une menace pour l’ordre public ? Pour la sécurité des biens ? Pour celle des personnes ? Non, ma détention provisoire a bien le caractère répressif et d’opportunité, déploré par le premier président de la Cour suprême.

Mais c’est un dernier passage sur lequel je veux insister. Votre premier président, parlant des devoirs des magistrats, a dit dans son allocution : « la loi, quelle qu’elle soit, a un caractère impersonnel et transcende les contingences liées à la catégorie des individus.» Il ajoutait, citant d’Alembert : « Les magistrats dans quelques circonstances et pour quelque grand intérêt de corps que ce puisse être, ne doivent jamais être que magistrats, sans parti pris et sans passion comme les lois qui absolvent et punissent sans aimer ni haïr ». J’ai confiance que, face à un condamné innocent aux yeux de ses accusateurs eux-mêmes, maintenu dans une détention provisoire que ne justifie aucun des cas prévus par la loi, vous agirez sans parti pris et sans passion, en considérant que ma requête doit objectivement être acceptée. Comment puis-je avoir cette confiance, sachant quelles pressions pèsent sur vos épaules, notamment celle du pouvoir politique ?

Parce que je sais que, fidèles aux principes défendus par votre premier président, fidèles donc à votre conscience de magistrats, vous ne vous laisserez pas « corrompre par la peur » selon l’expression d’Aung San Suu Kyi. Monsieur le président, Madame et Monsieur les juges, je m’en remets à votre décision.

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