Cameroun - Nigeria. Cameroun : le gouverneur accusé d’incompétence dans la lutte contre Boko Haram.

RAOUL GUIVANDA | L’Oeil du Sahel Vendredi le 18 Avril 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Augustine Fonka Awa ne serait pas à la hauteur de la situation. Le déploiement des forces de l’ordre dans la région de l’Extrême-Nord tout aussi impressionnant qu’il est, ne répond pas encore aux préoccupations lancinantes des populations dont celle de savoir si les représentants de l’Etat en charge de veiller sur leur protection sont à la hauteur du défi imposé par la secte islamiste Boko Haram. Dans la ligne de mire : le gouverneur de la région, Augustine Awa Fonka.

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De fait, le patron de la région apparaît aujourd’hui comme un homme totalement débordé par la situation. Il subit plus qu’il n’impulse croient savoir beaucoup d’observateurs. Il est un anonyme acteur là où il doit être le maître d’orchestre. Pis, son inexpérience est régulièrement soulevée pour justifier son incompétence. La propulsion d’Augustine Awa Fonka à cette importante fonction en mars 2012 avait, en son temps, surpris plus d’un. Il n’était manifestement pas prêt à affronter des situations extraordinaires, n’ayant dans sa sacoche que deux années d’expérience à la tête d’un département, celui du Mbam et Kim où il avait été nommé en juin 2010. «Il est peut-être brave, mais il n’a ni l’expérience de la fonction, ni l’autorité pour coordonner les services de sécurité en situation de crise. Il se croit encore à la tête d’une sous-préfecture », explique Moussa, une élite qui regrette la propension du chef de l’Etat à nommer des hommes inexpérimentés à la tête de cette région. Cet homme d’affaires fait ainsi référence à la longue carrière du gouverneur à la tête de nombreuses sous-préfectures dont celles de Awa, Oko, Poli, Babessi, Jakiri et Tiko.

D’autres mettent en cause son goût prononcé pour ses intérêts privés. «Il va en retraite cette année, je pense à la fin de ce mois. Son esprit est ailleurs, notamment à la préparation de ses vieux jours. Il est par exemple en train de faire des démarches pour prendre des congés en Europe dans les prochains jours. Est-ce normal que dans un moment aussi trouble qu’aujourd’hui, un gouverneur de l’Extrême-Nord s’absente, même pour quelques heures ?», s’interroge pour sa part une source proche des renseignements à Maroua.

Habituée à servir de tremplin aux gouverneurs nouvellement promus, la région de l’Extrême-Nord avait été jusqu’ici la bonne école pour les uns et les autres. Les défis se limitaient à la gestion des inondations, aux rares accueils du chef de l’Etat… Bref, à la routine. Hélas pour l’actuel gouverneur, la météo si clémente en d’autres temps n’est plus au rendez-vous. En l’espace de quatorze mois, onze occidentaux ont été enlevés par la secte Boko Haram. D’abord la famille Moulin-Fournier le 19 février 2013 près de la localité de Dabanga dans le département du Logone et Chari, ensuite le père Georges Vandenbeusch dans la nuit du 13 au 14 novembre 2013 dans la localité de Nguetchewé, département du Mayo-Tsanaga, et enfin les trois religieux de Tchéré dans la nuit du 4 avril 2014. Voici donc Augustine Awa Fonka, totalement impuissant, audevant de la scène.

SERPILLÈRE

Il est vrai que sa hiérarchie ne l’aide pas beaucoup. Elle essuie régulièrement les pieds sur son autorité. Les libérations de la famille Moulin-Fournier et du père Georges Vandenbeusch sont une illustration parfaite du peu de considération qu’on a à son égard. Bien que patron de la région, il n’avait en effet été tenu ni informé des discussions qui se déroulaient en partie sur son territoire de commandement, ni de la libération des otages. Le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, venu récupérer les otages à Maroua, l’a, à chaque fois, subrepticement déconsidéré, comme s’il n’existait pas.

Tant et si bien qu’il a du recourir aux médias comme le commun des Camerounais pour glaner quelques petites infos. Même attitude, a des degrés moindres, du ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Alain Edgar Mebe Ngo’o, lors de sa visite à Maroua le 05 avril 2014. Toutefois, au-delà des limites d’Augustine Awa Fonka, plusieurs observateurs pointent du doigt une inadaptation des structures et une illisibilité de la stratégie de l’Etat face aux menaces de la secte Boko Haram. «Le problème est global. C’est l’Etat qui doit revoir sa stratégie.

Quand on dépêche des éléments du BIR à Amchidé pour parer à une attaque et qu’après ils retournent à leur base à Maroua, est-ce la solution ? Il faut créer des unités administratives pour maintenir la présence de l’Etat au plus près des populations. Dans cette région, vous parcourez parfois des centaines de kilomètres sans mettre un visage sur un représentant de l’Etat. Il faut occuper l’espace, resserrer l’étau» explique le socio-politiste Alawadi Zelao. D’autres dénoncent pour leur part la «guerre des services» qui minent l’optimisation des renseignements. «Toutes les branches de la sécurité, de la police en passant par la gendarmerie, la direction générale de la Recherche extérieure et l’armée travaillent en solo et en réfèrent directement à leur hiérarchie à Yaoundé.

Elles ne concèdent au gouverneur que des bribes d’informations après coup, quand l’information est déjà périmée. Comment peut-il assurer une meilleure coordination dans ces conditions et prendre de bonnes décisions ?», interroge un responsable en poste dans les services du gouverneur de l’Extrême-Nord. La découverte et la saisie d’un important stock d’armes dans les environs de Goulfey, le 26 mars 2014, a consacré définitivement l’isolement du gouverneur. Ce jour, le patron du Bataillon d’intervention rapide (BIR) basé à Maroua, arguant de l’importance de la prise, avait directement regagné son quartier général au lieu d’aller à Kousseri rendre compte au préfet du Logone et Chari car non seulement parce que la zone d’opération se trouvait dans cette unité administrative, mais davantage parce que l’opération avait été déclenchée à son initiative.

A Maroua, l’armée a fait tranquillement son show, sans un mot de gratitude pour les autorités administratives. Le gouverneur, en signe de protestation, avait refusé de se rendre sur le site où avaient été entreposées les armes saisies. Une attitude qui étalait déjà les limites de son autorité. Combien de temps va-t-il encore tenir dans cette posture ? Là est la grande question.

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