Cameroun - Politique. Cameroun - Conférence des parlementaires du Commonwealth: Le palais des Congrès ne fait pas salle comble - Paul Biya esquive l’anglais - Chantal Biya et Philémon Yang aux abonnés absents

Ludovic Amara, Rodrigue N. TONGUE | Le Messager Mardi le 07 Octobre 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans une salle de 1500 places du palais des Congrès de Yaoundé qui avait du mal à faire le plein, le chef de l’Etat a solennellement présidé la cérémonie d’ouverture de la 60ème conférence de l’association des parlementaires du club des gentlemen.

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Dès l’entrée de la colline de Nkolnyada, sur laquelle est bâti le palais des Congrès, la sécurité est celle des grands évènements en cette matinée de lundi. Policiers et soldats de la garde présidentielle tous les cinq mètres, véhicules militaires rehaussés de mitrailleuses, portiques de sécurité, etc. Les délégations de parlementaires du Commonwealth qui arrivent par bus doivent se soumettre à un contrôle strict de la part des éléments de la garde présidentielle, au portail du palais des Congrès et de la  part de ceux de la sécurité présidentielle à l’entrée du hall. Le même traitement est infligé à tous ceux qui veulent avoir accès à la cérémonie d’ouverture, ici le port du badge est de rigueur.

Sur l’esplanade du palais des Congrès, les délégués de la conférence ont des reflexes de touristes : photos ci et là et même « selfie » devant les groupes de danse qui tentent, tant bien que mal, de donner une allure festive à un palais des Congrès transformé en camp retranché. Les bus continuent de déverser leur lot de délégués et les invités arrivent au compte-gouttes. Les journalistes sont priés de s’approprier la salle de presse, à l’extérieur, attenante à la grande salle de 1500 places qui doit accueillir la cérémonie. «Mais la sécurité présidentielle nous fait comprendre que si on sort, il ne sera plus possible de revenir», se plaint un journaliste auprès d’un agent du ministère de la Communication chargé d’encadrer la presse. «Dans ce cas restez dans le hall, car vous n’avez non plus accès à la salle des cérémonies», s’entend-il répondre.

Neuf discours

L’horloge tourne, 9 h 30 min, et les membres du gouvernement commencent à arriver. Leur carton d’invitation en main, ils prennent place «au balcon» de la grande salle. C’est aussi là que vont être installés les membres du corps diplomatique et d’autres invités. La chorale de l’Université de Buea, pendant ce temps, déroule son répertoire en Zulu pour le plus grand bonheur de la délégation d’Afrique du sud, dont les membres esquissent quelques pas de danses retransmis sur les deux écrans géants disposés pour la circonstance.

A 10h 50 précises, comme le prévoyait le programme, la limousine Maybach (à plus de 500 millions Fcfa l’unité), du président de la République va stationner devant le perron du palais des Congrès. Il est accueilli par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, puis par les autorités administratives de la région, et enfin par les présidents de délégations, sous les gesticulations du directeur de la sécurité présidentielle et du protocole d’Etat. Une quinzaine de minutes plus tard, il fera son entrée dans la salle, sans être annoncé, prenant de court la chorale lancée depuis dans un rythme sud africain envolé. Dès lors vont suivre neuf interventions dont la première, celle du délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, prononcée en anglais, a provoqué quelques rictus dans l’assistance.

Après les discours soporifiques du président du Sénat et de celui de l’Assemblée nationale, le haut commissaire de Grande Bretagne lira le bref message de la reine d’Angleterre, présidente d’honneur de la conférence. Le président de la République sera le seul à dire son discours, de bout en bout, en français… en fin, en dehors du «thank you very much» de fin…dans une assemblée du Commonwealth. Shocking !

Ludovic Amara (Stagiaire)



Coulisses


Niat Njifenji à la place de Cavaye

Le speaker de la cérémonie s’en est un peu entremêlé les titres lors du cérémonial des drapeaux par les étudiants de l’Enam. Alors qu’il introduisait son speech, il a remercié «le président de l’Assemblée nationale, Niat Njifenji, et le président de la l’Association des parlementaires du Commonwealth (Apc), Cavaye Yégué Djibril». Si ce dernier est bel et bien l’actuel président de l’Apc, il n’en reste pas moins le président de la Chambre basse du parlement du Cameroun. Le premier, Marcel Niat Njifenji, en l’espace d’un remerciement, a été rétrogradé troisième personnalité du pays, lui qui est le président du Sénat du Cameroun, la chambre haute du parlement.



La première dame absente

Annoncée la veille par le cabinet civil de la présidence de la République, aux côtés de son président d’époux lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence des parlementaires du Commonwealth, Chantal Biya n’a définitivement pas été aperçue au palais des Congrès. C’est seul que le chef de l’Etat est sorti de son véhicule à 10 h 50, sous les regards inquiets de la foule. De l’incompréhension qui a gagné la foule en une quelques secondes, on a pu entendre des commentaires comme : «Chantal Biya n’est pas là», « Elle a boudé son mari ou c’est quoi ?», «Peut-être qu’elle pleure encore sa mère». Une énième bourde du Cabinet civil de la présidence de la République, qui ne s’est pas privé d’en accumuler au cours de cette cérémonie



Un Pm en mode shadow

L’autre absence de ce rendez-vous est incontestablement celle du Premier ministre, chef du gouvernement. Philémon Yang n’a pas été aperçu, ni en dedans, ni en dehors du palais des Congrès de Yaoundé. Une absence d’autant plus inexpliquée que le Premier ministre est d’expression anglaise. C’est bien là la moindre des bizarreries. En effet, dans son discours prononcé sans gêne en français, le président de la République a, dans son introduction, clairement fait appel à son «Premier ministre chef du gouvernement». Pas de bol, l’intéressé n’était pas dans la salle. N’a-t-il pas eu son carton d’invitation ou simplement il a trouvé plus important à faire ? That is the question ?



Occupez les places s’il vous plait…

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y avait pas foule au palais des Congrès ce lundi 6 octobre. Une preuve ? La salle qui a accueilli la cérémonie d’ouverture de cette conférence peinait à faire le plein. A quelques minutes de l’arrivée du chef de l’Etat, plusieurs sièges attendaient encore des occupants. Une équation numérique que le protocole et les organisateurs ne parvenaient pas à résoudre : le président de la République ne peut s’exprimer devant une salle à moitié vide ! Après avoir retiré les chevalets des sièges, les auditeurs de l’Ecole normale d’administration et de magistrature (invités pour le cérémonial des drapeaux) ont été priés d’occuper l’espace. Mais les vides étaient têtus, aussi les hôtesses, et les journalistes ont été – finalement- les bienvenus à l’intérieur. « Faute de grives on se contente des merles », dit le proverbe. Faute d’invités spéciaux dans ce cas les futurs magistrats et administrateurs ont eu droit aux ors de la république.



Amadou Ali réapparait

Il n’avait pas été aperçu en public depuis plus de deux mois. Certains retracent sa dernière apparition publique avant l’attaque meurtrière de son domicile de Kolofata en fin août. Son absence était déjà remarquée lors des dernières réunions de préparation de la conférence. Des absences préoccupations ce d’autant plus qu’Amadou Ali, en sa qualité de vice-premier ministre, ministre délégué auprès de la présidence de la République, chargé des Relations  avec les Assemblées, était au cœur de l’organisation de la conférence. Mais il était bien là le ministre Ali, à la cérémonie d’ouverture, et plutôt détendu.
Politique intérieure: Paul Biya le cynique

Attendu au cours de son allocution d’ouverture de la conférence des parlementaires du Commonwealth, le président camerounais, qui a le propos solennel rare, n’a pas eu de mots pour les soldats au front contre Boko Haram et la rébellion centrafricaine, pas plus qu’il en a eu pour les 8 camerounais enlevés à l’Est. L’opinion qui espérait des précisions sur la position gouvernementale devant les soupçons de rébellion du nord en a eu pour son grade…

On s’en tiendra aux sorties médiatiques du chef de l’Etat camerounais à Paris, le 17 mai 2014 et au départ de Yaoundé, en partance pour Washington en fin juillet dernier, comme seules communications du patron des armées au sujet de la lutte contre Boko Haram. Deux sorties, elles-mêmes jugées malheureuses par une partie de la classe politique, parce que Paul Biya déclarait la guerre à la secte islamiste de Paris et au détour d’une question de journaliste. Et récemment à Nsimalen, il assimilait Boko Haram aux résistants contre le colonialisme. Mais ceux des commentateurs politiques qui accueillaient mal cette sortie, espéraient malgré tout, qu’au cours d’un discours plus structuré et mieux préparé, le président aura l’occasion de repréciser les contours du combat dans lequel il engageait son peuple. La solennité de la cérémonie d’ouverture de la 60e Conférence des parlementaires du Club des gentlemen pour s’adresser - via les députés et les sénateurs camerounais réunis pour la première fois depuis la promulgation de la constitution de 1996-  aux Camerounais qui attendent des réponses aux sujets politiques sociaux et économiques, de l’heure, et dans lesquels l’homme qu’ils ont élu à près 80% les engage. La parole présidentielle solennelle  étant rare, puisque  réduite quasiment aux sorties du 31 décembre et du 10 février.

Une seule question d’actualité nationale majeure a été abordée par Paul Biya: Ebola. Et même là, le chef de l’Etat a préféré lui donner un traitement global, certainement à l’échelle de la rencontre de Yaoundé qui réunit, du 2 au 10 octobre 2014, sur les hauteurs de Nkolnyada, de nombreux parlementaires venus du monde entier. Mais en politique, un chef d’Etat qu’il soit à l’étranger, au pays, lorsqu’il prend la parole, il s’adresse d’abord à ses concitoyens qui sont l’objet principal de chacune de ses actions.

Le chef de l’Etat aurait alors dressé un rapide bilan des mesures prises, avec succès jusqu’à l’heure, par son gouvernement pour maintenir la fièvre hémorragique au-delà des frontières. Au lieu de se contenter d’indiquer que « C’est une réelle menace qui transgresse les frontières des Etats, alors même que la communauté internationale cherche encore une riposte appropriée pour contenir ce péril». Des généralités déjà connues qui ne rassurent pas sur le plan national. Tout comme on peut subodorer que parlant de  « plusieurs points du globe [qui] demeurent encore le théâtre de crises politiques, économiques et sociales » ou encore des « affrontements armés [qui] sont légion. Des attentats terroristes, ainsi que des actes de piraterie maritime, [qui] se succèdent,  [et qui] défient la raison et interpellent la communauté internationale», le président avait à l’idée la menace islamiste qui pèse sur le Cameroun.

Mais devant les parlementaires camerounais réunis en congrès sans la lettre, Paul Biya n’a pas précisé que le Cameroun est en guerre. Tout comme il n’a pas eu le moindre mot d’encouragement ou de réconfort pour les soldats au front et encore moins de la sympathie pour les familles de ceux qui sont tombés les armes à la main.



Otages

On pourrait dire qu’il a voulu indiquer que la lutte contre le terrorisme est un enjeu planétaire et qu’il fallait laisser les émotions nationales de côté ou pour d’autres occasions. Mais Paul Biya a été élu par les Camerounais, de plus il parle en général et pas beaucoup de façon solennelle. Chaque occasion est donc une aubaine pour l’opinion. En tout cas,  même la Reine d’Angleterre qui suit les travaux de Yaoundé, n’aurait pas été égratignée par le fait que le président camerounais ait une pensée pour les huit Camerounais enlevés et maintenus en otages par des rebelles centrafricains à la suite de la minute de silence qu’il a observée pour le secrétaire général de conférence des parlementaires du Commonwealth décédé samedi dernier, ou après les condoléances pour la mort de la mère de la Première dame décédée jeudi, présentée par Cavaya Yéguié Djibril, président de l’Assemblée nationale du Cameroun.

Le Camerounais lambda lorgnera encore un autre discours du président, pour savoir via la parole présidentielle solennelle pourquoi le Cameroun entre dans les Ape,  et peut-être recevoir les condoléances du gratin politique après la demi-dizaine de morts survenue au carrefour Ndokoti à Douala. Même la Reine Elisabeth, monarque à vie n’aurait jamais pris la parole devant les parlementaires du Club des gentlemen sans avoir de regard pour les britanniques. Comme le dirait trivialement le petit commerçant, «chez le président on ne gère pas ça…»

Rodrigue N. TONGUE

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