Cameroun - Politique. Anniversaire 6 Novembre 1982: comment Paul Biya prit le pouvoir

Joseph OLINGA | Le Messager Mercredi le 09 Novembre 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
En 24 heures, le premier président de la République, Ahmadou Ahidjo a décidé de confier l'UNC et donner les rênes du pouvoir d'Etat à son Premier ministre Paul Biya.

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4 Novembre 1982: Comment Paul Biya prit le pouvoir.

En 24 heures, le premier président de la République, Ahmadou Ahidjo a décidé de confier l'UNC et donner les rênes du pouvoir d'Etat à son Premier ministre Paul Biya. Récit de la journée du 4 novembre 1982, le jour où Paul Biya a hérité du pouvoir.

«Le trafic routier Bafoussam-Bamenda interrompu par un glissement de terrain à Santa». C'est par ce titre, plutôt banal, que le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune fait sa «Une» du 4 novembre 1982. Une curiosité au lendemain du retour précipité à Yaoundé du président Ahidjo, comme l'affirment certaines sources et d'une annonce faite la veille par une chaîne de télévision française. Une annonce dont la conséquence était d'accentuer la rumeur autour de l'éminent retrait du président Ahidjo de la magistrature suprême et de la scène politique. Une ambiance entretenue jusqu'au moment où l'ambiance à la présidence de la République s'accélère.

Sur invitation spontanée du président national de l'Union nationale camerounaise (UNC), le bureau politique se réunit. Au terme de cette rencontre, les textes de base du parti sont révisés. C'est dans la même foulée que le Premier ministre Paul Biya est élu membre du bureau politique, mais aussi vice-président du parti unique. Ces assises intervenaient quelques heures seulement après que le président de la République ait reçu ses principaux collaborateurs. Un témoin de l'époque affirme que « aux environs de 10 heures ce jour-là, le président avait reçu l'un après l'autre ses principaux collaborateurs, dont le Premier ministre Paul Biya. » La même source précise que «à chacun, il avait dit en des termes très touchants toute sa reconnaissance.»

Cette rencontre intervenait aussi au moment où Ahmadou Ahidjo avait pris des distances avec l'essentiel de ses collaborateurs depuis de nombreuses années. Les sources de cette époque affirment d'ailleurs que «les habitués du palais savaient que le président s'était brouillé avec tous ceux qu'on pouvait tenir pour ses confidents.» En fait, tous ceux que l'on avait continué à considérer comme tels l'étaient pour des raisons d'opportunité. A l'unanimité, des témoins de cette époque affirment que le premier président de la République du Cameroun n'avait pour proche que son épouse Germaine Ahidjo et certains parmi le personnel de sa résidence.

Paul Biya mis en quarantaine

Le bureau politique de l'UNC sera de nouveau convoqué par son président le 4 novembre 1982 à 17 heures. Cette fois, le président avait été plus explicite. A l'endroit de ses camarades, Ahmadou Ahidjo avait annoncé sans détour à l'assistance, «J'ai décidé de me retirer du pouvoir. Merci pour votre soutien. Cette décision sera annoncée au pays à 20 heures.» Et fin de la rencontre. Puis vint le tour du comité central et du gouvernement eux aussi conviés par le maître à jouer de l'époque. Le reste de la journée ayant été consacré aux supplications d'une délégation, dans laquelle figurait le Premier ministre Paul Biya, invitant Ahmadou Ahidjo à renoncer à sa décision de quitter le pouvoir. Rien n'y fait. Seul gain de cet activisme, Ahmadou Ahidjo décide de garder les rênes du parti.

Dans un essai consacré aux douze premier mois de Paul Biya, «un groupe de citoyens», la dénomination adoptée par les rédacteurs de «Le renouveau camerounais: certitudes et défis.» précise que «l'on doit à la vérité d'ajouter que durant cette succession d'épisodes où se retrouvait tous les barons, membres du bureau politique, du comité central ou du gouvernement, tout semblait se passer comme si l'on voulait isoler Paul Biya.» Cette source affirme que «le vide se creusait presque instinctivement autour de lui, comme si déjà, on l'accusait soit d'être le bénéficiaire de la situation, soit de l'avoir provoquée.»

Une attitude relativisée quelques heures plus tard. Des sources informées racontent en effet qu’Ahmadou Ahidjo avait expliqué à la délégation venue le convaincre qu'il devait se retirer pour des raisons de santé. Le président de la République de l'époque précisait néanmoins qu'après un repos d'un an, il reviendrait prendre les rênes du pouvoir. C'est dans cette ambiance qu'intervient l’annonce publique de la décision du président Ahidjo de quitter le pouvoir.

Paul Biya, successeur constitutionnel

Dans la rue, les concitoyens d'Ahmadou Ahidjo retiennent leur souffle. C'est que, le journal radiodiffusé traditionnellement fait à 20 heures, tarde. Puis, aux environs de 20 heures et 30 minutes, l'hymne national retentit. Le temps suspend son envol. Et, les Camerounais, surpris, reconnaissent l'intonation de la voix ferme et claire du président Ahidjo. A travers son message d'adieu, «le père de la nation» entend donner deux informations à ses citoyens.

De prime abord, «Camerounaises, Camerounais, mes chers compatriotes, j'ai décidé de démissionner de mes fonctions de président de la République unie du. Cameroun.» Puis, surprenant même les barons de son système, Ahmadou Babatoura Ahidjo, après 22 ans de pratique du pouvoir suprême et 25 ans dans les hautes sphères de l'Etat déclare, «j'invite tous les Camerounaises et les Camerounais à accorder sans réserve leur confiance et à apporter leur concours à mon successeur constitutionnel Monsieur Paul Biya. Il mérite la confiance de tous à l'intérieur et à l'extérieur.» Fin du suspens.

D'ailleurs, Ahmadou Ahidjo comme une instruction martèle, «cette décision prendra effet le samedi 6 novembre à 10 heure». Puis une exhortation au peuple camerounais pour qui Ahidjo prie «Dieu tout puissant afin qu'il continue [de lui] assurer la protection et l'aide nécessaire à son développement dans la paix, l'unité et la justice.» Dès lors, entre contestations, réticences et autres, des militants de l'UNC et de certains barons à admettre la donne d'une part, et, d'autre part, l'adhésion d'une frange de la population à cette transition politique, Paul Biya tient les rênes du pouvoir. Jusqu'à ce jour...

Discours prononcé par Ahmadou Ahidjo le 4 novembre 1982 au journal de 20 heures.

«Je vous exhorte à demeurer un peuple uni»

"Camerounaises, Camerounais, mes chers compatriotes,

J'ai décidé de démissionner de mes fonctions de président de la République du Cameroun. Cette décision prendra effet le samedi 6 novembre à 10 h. En cette circonstance capitale, je voudrais du fond du cœur remercier toutes celles et tous ceux qui, depuis bientôt 25 ans, m'ont accordé leur confiance et apporté leur aide dans l'accomplissement de mes lourdes tâches à la tête de l'Etat. Je voudrais tout particulièrement remercier les militantes et les militants de notre grand parti national, l'UNC de leur soutien total, constant et inébranlable.

S'il reste beaucoup à faire dans la grande et longue œuvre de construction de notre cher et beau pays, nous avons ensemble accompli après l'indépendance, la Réunification et l'Unification, des progrès considérables dans tous les domaines.

Notre pays dispose d'atouts importants. L'unité nationale consolidée, des ressources nombreuses, variées et complémentaires, une économie en expansion continue, des finances saines, une justice sociale en amélioration, une population laborieuse et une jeunesse dynamique, de solides et fructueuses relations d'amitié et de coopération en Afrique et dans le monde.

J'invite toutes les Camerounaises et tous les Camerounais à accorder, sans réserve, leur confiance et à apporter leur concours à mon successeur constitutionnel M. Paul Biya. Il mérite la confiance de tous, à l'intérieur et à l'extérieur.

Je vous exhorte à demeurer un peuple uni, patriote, travailleur, digne et respecté.

Je prie Dieu Tout-puissant afin qu'il continue à assurer au peuple camerounais la protection et l'aide nécessaires à son développement dans la paix, l'unité et la Justice.

Vive le Cameroun."

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