Cameroun - Politique. Pouvoir et usure

Georges Alain Boyomo | Mutations Vendredi le 29 Mai 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
En 2010, au cours d’une réunion de l’élite du Sud, le ministre de l’Enseignement supérieur et secrétaire national à la communication du Rdpc s’était fendu d’une déclaration qui est désormais inscrite dans le marbre de la dévotion à Paul Biya au Cameroun.

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 « Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya. C’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves ». 

 

 

Les explications du porte-parole du parti au pouvoir n’avaient pas alors pu dissiper l’onde d’étonnement, et même d’indignation, suscitée par ses propos. Le chancelier des ordres académiques n’a nullement été submergé par le flot de critiques. La preuve, en l’écoutant sur Radio France Internationale (Rfi) mercredi dernier, l’auditeur a eu le sentiment que le Minesup dit à ses détracteurs, au diable les ouragans !

 

A la question de savoir si la succession de Paul Biya (82 ans dont 33 au pouvoir) s’organise au sein du Rdpc, Jacques Fame Ndongo s’est montré tranché et tranchant : « Si vous, vous estimez qu’il faille lui trouver un successeur dès à présent, nous, au niveau du Rdpc, nous disons non ! C’est notre champion. Il est percutant, il est efficace, l’âge ne correspond à rien du tout. Aujourd’hui même, un président africain, qui a 88 ans, est reçu en grande pompe dans un grand pays occidental, et personne n’a parlé de son âge. Nous, au niveau du Rdpc, nous savons que le président de la République est en pleine forme physique, intellectuelle, psychologique et morale ».

 

Dans le registre de la défense de l’actuel président de la République, difficile de trouver meilleur avocat. Mais ce qui est blâmable chez Fame Ndongo, c’est cette propension à penser et à affirmer (ou insinuer) que le Cameroun disparaîtra avec Paul Biya, qu’après Paul Biya, c’est le déluge !

 

Comprenons-nous : en plus de 50 ans dans la haute administration camerounaise, l’actuel chef de l’Etat, avec ses forces et ses faiblesses, a certainement beaucoup œuvré pour le développement, la paix et la stabilité du Cameroun. Avant Paul Biya, Ahmadou Ahidjo a posé les bases d’un Etat uni et prospère. Après Paul Biya, un autre Camerounais prendra le relais. Car, en fait, l’on est dans la représentation d’une course de relais. Il serait donc inopportun de dire ou de pousser Paul Biya à jeter le témoin au sol au lieu de le passer à quelqu’un d’autre, en faisant jouer l’alternance par des mécanismes institutionnels et constitutionnels clairs et solides. Il serait maladroit de faire croire que Paul Biya développe une addiction pour la magistrature suprême.

 

Le mythe de l’infaillibilité, de l’inamovibilité ou de l’éternité du président de la République doit tomber au Cameroun ! Dire que « l’âge ne correspond à rien du tout » pour un chef d’Etat, c’est ignorer les outrages du temps et du pouvoir!  Pour ne pas rester dans des démonstrations savantes, achevons ce commentaire (une fois n’est pas coutume), par cette histoire édifiante d’un maire français, piquée sur le site la Nouvelle Republique.fr. Jean-Pierre Taphinaud, c’est un personnage, l’archétype de l’élu de terrain : le contact facile, une connaissance encyclopédique de sa commune, le sens du compromis… et une bonne dose d’humour. Sauf qu’en mars dernier [2013], Monsieur le maire de Billy n’a pas du tout ri lorsque deux jeunes de la commune, en état d’ivresse, l’ont passé à tabac alors qu’il s’était déplacé pour régler un problème de voisinage. L’affaire a été jugée mi-septembre [2013] au tribunal correctionnel de Blois. « C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », avait-il expliqué lors de l’audience, en annonçant qu’il ne se représenterait pas aux élections municipales.

 

Reste que sa décision était prise avant ce malheureux épisode. « Je suis maire depuis 31 ans, le pouvoir use, je ne veux pas faire le mandat de trop, justifie-t-il. Place aux jeunes, car j’ai fait ma part ! » Une part devenue de plus en plus conséquente au fil du temps. « On a de plus en plus de travail, constate Jean-Pierre Taphinaud. On est responsable de tout, et du matin au soir on n’a jamais le même problème à résoudre. Dans une petite commune comme la mienne, les trois-quarts des choses passent par le maire (…).  Il y a le poids des règlements, l’informatique… En matière d’urbanisme, les textes changent tous les trois mois. On est jamais à jour, on ne sait pas comment s’y prendre, c’est de plus en plus dur. » L’histoire de ce maire devrait à coup sûr inspirer plus d’un élu ou dirigeant ! 

 

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