Coronavirus. Coronavirus Afrique centrale : S’autosuffire ou Périr ?

cameroun24.net Mercredi le 18 Mars 2020 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Bien moins qu’un conflit militaire régional ou mondial, une menace invisible (un virus 400 fois plus petit que nos cellules, soit 0,15 microns), en quelques semaines, est en passe de mettre toute la planète, et une majeure partie de l’humanité, à l’arrêt complet. À genoux.

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Une chose est certaine, il y aura un avant et un après. Un après qui pourrait commencer à se préparer pendant. Notamment pour les économies et la production d’Afrique centrale.


L’Amérique s’est coupée de l’Europe pour trente jours le 12 mars, l’Europe elle-même s’est coupée du reste du monde le 16 mars, se mettant en quarantaine. À l’intérieur de ses frontières, l’Italie, puis l’Espagne, la France, l’Allemagne se sont littéralement claquemurées, les citoyens étant instamment contraints à rester chacun chez lui. Écoles, universités, cafés, stades, aéroports…fermés. Et ce n’est pas une métaphore, que le président, Emmanuel Macron, de la cinquième puissance du monde, la France, ait répété six fois en une vingtaine de minutes, pendant son discours du 16 mars, la formule grave, « nous sommes en guerre » !

Depuis l’apparition du virus à l’origine du syndrome grippal et pulmonaire sévère Covid-19 dans la ville de Wuhan en Chine dans la province de Hubei (est de la Chine) en décembre de l’année 2019, la crise sanitaire a petit à petit impacté le flux de marchandises, de personnes au départ pour les premières, et à l’arrivée pour les secondes en Chine, manufacture du monde, où sont produits on et off-shore, plus de 30% des biens de consommation du monde aujourd’hui. Si un arrêt de la production en Chine des biens et un arrêt des expéditions pourraient générer des stocks invendus importants dans les entrepôts chinois et une mise en chômage de la main-d’œuvre locale, ailleurs, notamment en Afrique, les secteurs dépendants des importations directes ou indirectes chinoises seraient en rupture de stocks. Au niveau des États Africains, notamment ceux de l’Afrique Centrale, l’impact économique tient à la structure du produit intérieur brut de ces différents pays, notamment à la structure de leurs exportations. On aura remarqué qu’à la fin de la première semaine du mois de mars, il y a eu un krach des indices boursiers phares sur les places américaines, européennes, et asiatiques, lui-même concomitant à la dépréciation historique du baril du pétrole qui est descendu à un niveau jamais aussi bas que depuis la première guerre du Golfe en 1991 à 30 dollars…

Briser le syndrome hollandais

Selon la Commission Économique pour l’Afrique, l’impact de la crise du nouveau Coronavirus, pourrait coûter une décélération de 3,2% envisagé à 1,8% à la croissance de l’Afrique en 2020.

En Afrique Centrale, comme le démontre une autre analyse de la Commission, la crise du Coronavirus, dans ses conséquences sur la mondialisation, donc la circulation compulsive des biens et des personnes, pourra impacter les exportations pétrolières et minéralières des pays producteurs, ainsi que l’industrie des services touristiques des pays qui en sont bénéficiaires. Pour les pays producteurs de pétrole notamment, ce ne sont pas les restrictions en termes de transport qui induisent les pertes en recettes à l’export, mais bien la dépréciation du baril de pétrole, elle-même tributaire de la crise de la production de l’OPEP qui n’a pas trouvé un accord avec la Russie afin de baisser la production face à une demande déjà annoncée comme faible en 2020 en dehors la pandémie du Coronavirus. Mais surtout, la baisse conjoncturelle de la demande, les compagnies aériennes, l’industrie, dont la touristique et d’autres secteurs connexes étant à l’arrêt ou au ralenti. Les frontières fermées, ce sont également des avions cloués au sol. Des avions cloués au sol, c’est l’industrie des services touristiques alitée. Les pays, par trop dépendants à la rente pétrolière (syndrome hollandais), verraient leur croissance plombée, et la pression fiscale augmenter.

Ainsi, dans la Communauté Économique Régionale de l’Afrique centrale (CEMAC + CEEAC), selon la note de la Commission, les pays les plus exposés à la chute du cours du baril de pétrole sont : la Guinée Équatoriale dont le Produit Intérieur Brut dépend de 48% des revenus pétroliers, le Gabon (environ 45%), le Tchad (30%), la République du Congo (28%), l’Angola (27%). Le Cameroun, dont la dépendance du PIB est en dessous de 10%, la RCA, le Rwanda, le Burundi, Sao Tome et Principe et la République Démocratique du Congo en seraient moins ou pas impactés directement. À l’inverse, du point de vue des revenus liés au tourisme, Sao Tome et Principe dont le Produit Intérieur Brut dépend pour 76% du tourisme, le Rwanda (30%) et dans une moindre mesure le Cameroun (8%) pourraient être plus ou moins impactés par l’arrêt des voyages touristiques. De manière globale, annonce la Commission Économique pour l’Afrique, en dehors de Sao Tome et Principe fortement dépendant de l’industrie touristique avec une incidence de -34,2% sur le Produit Intérieur Brut, la crise du Coronavirus pourrait impacter  négativement de -18,5% la création de richesses en 2020 de la Guinée Équatoriale, -17,6% celle du Gabon,, -13,1% celle de la République du Congo,-12,5% celle du Tchad, -10,9% celle de l’Angola, -6,4% celle du Rwanda, -4,1% celle du Cameroun, -1,9% celle de la République démocratique du Congo.

Au-delà de la crise boursière et financière et l’impact dans l’économie réelle qui va s’en suivre pour la croissance des pays de l’Afrique centrale en 2020, le Coronavirus est un coup de boutoir inédit à la mondialisation et ses corolaires : surproduction, surconsommation, sur-mobilité et donc, également, réchauffement climatique (pollution). Sur le plan conjoncturel, en Europe et le monde industrialisé, on assiste à une reconversion de l’économie en économie « de guerre ». Depuis le 11 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que l’épidémie du nouveau Coronavirus Covid-19 pouvait être qualifiée de pandémie. Au Royaume Uni, le Secrétaire à la santé publique a invité le 15 mars les industries, y compris automobiles, à produire des ventilateurs pour des réanimations respioratioires, précisant que le pays n’en disposait que de 5000 et pourrait en avoir besoin de bien plus pour sauver des vies. Le 15 mars, le groupe français LVMH, leader mondial du luxe (luxe, parfums, cosmétiques) a annoncé qu’il allait fabriquer sur certains de ses sites de production, du gel Hydra alcoolique « le temps nécessaire » durant la crise.

Déglobalisation et retour à l’essentiel

Dans les pays à l’économie diversifiée en Afrique Centrale comme le Cameroun, l’incapacité temporaire ou conjoncturelle à approvisionner la demande locale en nouveaux stocks importés de produits, peut permettre à l’offre locale identique ou alternative, d’écouler ses stocks ou de les produire, notamment dans le secteur de l’agroalimentaire qui bénéficie de l’avantage comparatif d’avoir la matière première essentielle sur place. Une telle opportunité, qui reportera les commandes sur des petites et moyennes entreprises locales est un gain en fonds et en capitaux pour de telles entreprises locales qui pourrait leur permettre, mieux qu’un endettement parfois inaccessible, de renforcer leur outil de production une fois la crise terminée. Et bien plus, ce qui est probable, la crise pourrait changer le mindset de la mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui : délocalisations, recherche effrénée d’économies d’échelle, concentration verticale des sites de production. Il y aura de ce point de vue, un avant et un après Coronavirus 19. L’après Coronavirus ne sonnera pas le glas d’une mondialisation fofolle, mais il y aura une nécessaire tendance à la dé-globalisation qui pourrait s’articuler autour d’un rapprochement de la production des lieux de consommation, évitant ainsi de faire venir du bout du monde, ce que l’on consomme au quotidien. Il y a aura également un développement des alternatives à l’hyper-mobilité comme le télétravail, les téléconférences, le transfert des technologies.

Faudra-t-il continuer à mettre tous ses œufs dans le même panier en concentrant toute la production mondiale en Chine ? Ou en Asie ? La course au rabotage des coûts de production donnant lieu à la manufacture des produits de qualité moyenne et donc jetables et polluants restera-t-elle de mise au prétexte de vendre d’importantes quantités de marchandises parfois non nécessaires ? L’épreuve du confinement devra permettre à chaque État ou région à devoir, ne pouvoir compter que sur ses propres capacités techniques, technologiques en cas de crise mondiale sévère. Celle-ci devrait en appeler d’autres. On a vu des recherches s’opérer sur les modalités de contamination du virus Covid-19, des recherches se faire en vue de trouver un vaccin. L’Afrique, avec des pays au climat tropical, n’a peu ou pas mis en avant ses capacités en termes de recherche, d’innovation, au regard de ses conditions climatiques (soleil, poussière).

Emmanuel Macron, le président français l’a dit dans son discours du 16 mars : le confinement forcé imposé à la France et aux pays Européens sera l’occasion de … « revenir à l’essentiel ». Pour les pays d’Afrique Centrale, « l’essentiel » n’existe-t-il pas en local ? Pourquoi aller faire venir de la viande bovine à des milliers de kilomètres après mille et une manipulations alors qu’à quelques centaines de kilomètres, à des dizaines de kilomètres, on en produit à l’intérieur des frontières de la région ? Ces légumes et fruits reconditionnés, venus de loin, l’essentiel de nos besoins ne peuvent-ils pas être satisfait en stimulant la production des mêmes légumes et fruits sur nos terres fertiles ? En effet, de nombreuses importations alimentaires, qui grèvent sévèrement la balance commerciale des pays de la région, ont des alternatives locales, à condition d’en stimuler la production.
Sur ce plan, la camisole de force de restrictions et au confinement de l’Europe, des États-Unis, peut représenter une opportunité pour obliger l’écosystème de la production/transformation locale en Afrique centrale, à sortir de sa zone de confort et à devoir produire des alternatives locales faute des approvisionnements globaux, ou, alors, périr.
Produire, transformer, pour durablement, sortir, par la diversification des économies, du syndrome hollandais qui frappe des pays de la région par trop encore dépendants du cours du baril de pétrole.

François Bimogo

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