Cameroun - Musique. Longuè Longuè ou l’art de distraire le peuple

cameroun24.net Jeudi le 09 Mai 2019 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Que restera-t-il au bout du compte, dans la conscience camerounaise, de l’affaire Simon Agno Longkana, alias Longuè Longuè ? «Sans doute, on retiendra que ce monsieur est venu se livrer lui-même aux courants imprévisibles de la «vox populi», tranche Jean-Marie Ahanda lit-on dans les colonnes du journal Intégration.

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 Dans ce verdict du créateur du légendaire groupe Les Têtes brûlées, une bonne partie de l’opinion publique nationale se reconnait. Ceci grâce à l’affrontement de deux logiques: la puritaine, qui n’accepte pas la moindre défaillance des valeurs morales, et la plus tolérante pour la vie privée, qui n’appartient qu’aux personnes.

Cela était prévisible, ce d’autant plus que les sorties du «Libérateur» sur les réseaux sociaux rassemblaient, jusqu’à la caricature, tous les éléments d’un scénario bon marché. Oui, dans un premier temps, les Camerounais ont vu l’auteur de «Ayo Africa» se lâcher, pour critiquer, égratigner. Ils l’ont vu démolissant ce qu’il a fait mine de célébrer dans quelques-unes de ses chansons. Désabusée, dépitée, voire éruptive, une partie du peuple estime que le lauréat du concours Mützig en 2000 a fini par s’éreinter dans un face-à-face solitaire avec ses sauveurs d’hier. Conquérant les galons d’un général audacieux, Longuè Longuè s’est éjecté de l’écrin qui l’a biberonné, au point de renier ses affiliations avec Paul et Chantal Biya notamment. Peu importe les critiques, il persiste à choisir des mots forts, qu’il assume et revendique ouvertement.

«Avec ça, il a dilué sa vie d’artiste». Ça, c’est du Petit-Pays, Alexandre Claude Moundi. Enfiévrés de fureurs hostiles, montés sur leurs ergots de défenseurs de l’actuel locataire d’Etoudi, des hommes et des femmes lui ont déversé leur haine. Ils se sont moqués ouvertement de lui, le traitant d’histrion qui s’agite dans les médias. Bref, il est rejeté hors du cercle des gens raisonnables.

Se glissant dans des habits différents, le fils du Nkam tente de rectifier un tir qu’il avait initialement mis au point. Il cherche à rebâtir son aura, après l’avoir mise en miettes. Malgré tout, cela lui a valu une interpellation policière.

Et puis, le gars est libéré. Aussitôt, il est revenu. Cette fois-ci, il est investi de la volonté de montrer qu’il avait changé personnellement. Sur le plateau d’une télévision émettant à partir de Douala, le chanteur s’est efforcé de composer une mélodie qui donne du sens et un horizon à sa nouvelle posture. Il a dessiné ce que les Anglo-saxons appellent un «cherry picking», littéralement «la cueillette des cerises», une argumentation dont le but vise, à travers des bribes de vérité, à produire une rhétorique qui n’infirme pas sa lecture d’une situation, tout en écartant tout ce qui pourrait justement la contredire. Ce procédé rhétorique, il l’injecte dans son offre de promotion de la liberté d’expression au Cameroun.

Formellement, ce cycle est conforme à ce que Longuè Longuè sait faire : distraire le peuple. De facto, il est surtout resté dans son couloir, bien plus soucieux de sa performance de musicien sorti de nulle part et qui a percé. Il est resté dans sa doxa (la «libération» des opprimés) que de la volonté de montrer qu’il avait changé personnellement. Il a évoqué des faits graves afin de remplir les cases des griefs à sa charge.

Dans cet exercice, tout était bon pour une surenchère bruyante contre la presse. Dans cet exercice empreint d’arrogance vipérine et de suffisance détestable, le fils du Nkam, qui avait dit que quand on veut vendre les journaux, on parle de lui, a vite oublié qu’il reste un produit forgé médiatiquement, que sa visibilité se fait solide artistiquement, sous l’effet du traitement médiatique, à l’inverse de certains artistes qui se sont préalablement construits moralement avant d’être captés par le miroir des médias.

 

Jean-René Meva’a Amougou

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