Législatives et Municipales 2020. Marafa écrit aux nouveaux élus camerounais

cameroun24.net Vendredi le 21 Février 2020 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L'ancien ministre de l'administration territoriale sort de son silence dans un courrier adressé aux nouveaux élus que cameroun24 a pu consulter.

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Lettre de MARAFA aux nouveaux élus.

Yaoundé le 20 février 2020
POUR UNE REPUBLIQUE SINCÈRE


Mesdames et Messieurs les représentants de la Nation nouvellementélus,

Vous serez étonnés que je choisisse d’interrompre un silence de 2ans pour m’adresser à vous, et non àl’ensemble de nos compatriotes,comme je l’ai toujours fait jusqu’ici.Les élections législatives et muni-
cipales du 9 février 2020 dont voustenez vos mandats ont été marquéespar un taux de participation historiquement bas, sans doute de l’ordrede 30%.
Abstention ne veut pas dire apathie. Paradoxalement, la démarchede nombre des abstentionnistes a étéactive. Je pense notamment aux boycotts et aux tentatives de perturbation. Mais même la lassitude des
électeurs, relevée par la missiond’observation de l’Union Africaine,doit être comprise non comme unsigne de passivité mais comme un
élan de protestation. Comme un déniactif de la légitimité des élections.

Etdonc de votre propre légitimité à représenter la Nation. Rien d’étonnant à ce déni. Dansmon dernier message aux
Camerounaises et aux Camerounais,je faisais le vœu que 2018 soit une «année utile ». Que leurs choix lorsdes élections présidentielles, législatives et municipales permettent de
sélectionner les candidats et les partis les plus capables de nous extraireenfin de l’immobilisme, de faire progresser le pays sur 4 priorités :

l’unité nationale, l’efficacité de l’action publique, la transformation del’économie, la reconquête de notreleadership international.
Puis je me suis tu jusqu’àaujourd’hui. J’avais dit mon espoir,je devais attendre de voir s’il se réaliserait.
S’est-il réalisé ? L’abstention historique est la plus claire des réponses: non. Non, le vote de 2018 n’a pasété utile. Non, il n’y aucune raison depenser que celui de 2020 le sera.Et quand voter devient inutile, lanation oppose à ses représentantsson dédain, son froid silence.
Ce silence veut dire : vous ne nousreprésentez plus, les élections ne permettent ni de renouveler nos dirigeants, ni de leur donner suffisamment de pouvoir pour infléchir la
marche du pays.
Alors, pourquoi m’adresser àvous, sur qui pèse ce silence ?Parce que, malgré tout, vous avez
un moyen de commencer à faire revivre cette confiance de la Nation danssa représentation et ses institutions.Ce moyen est très simple. Il nedemande aucun effort d’organisation, aucune concertation, aucunfinancement. D’autres pays africainsont su le mettre en œuvre.Il est déjà entre vos mains. Vous
pouvez l’exercer demain. Quel est-il?

DIRE LA VÉRITÉ.

Dites-la sur les maux dont noussouffrons et sur les solutions quis’imposent pour les résoudre. Dites-la sur les 4 priorités sur lesquellesj’insistais en 2018 et qui sont tout
aussi cruciales aujourd’hui.Dites la vérité sur le fait quel’unité est littéralement vitale pour le
Cameroun mais que le pays est plusdivisé que jamais. Division entreanglophones et francophones :
leGrand Dialogue National de septembre et d’octobre 2019 avait acté queles régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest devaient bénéficier d’un statutadministratif particulier. Annonce
suivie d’aucun effet, au point quel’Union Africaine vient de faire de larésolution de la crise anglophone unede ses 8 priorités de 2020 pourl’Afrique toute entière -crise dont le
massacre de Ngarbuh souligne l’insupportable aggravation. Divisionqui se creuse entre communautés,comme lors des émeutes d’Obala etSangmélima.

Dites que dans cette Afrique enminiature, la reconnaissance desparticularismes, religieux, communautaires, tribaux, linguistiques est
une aspiration légitime. Que pour laréaliser il y a plusieurs voies nécessaires et inévitables, dont la dévolution des pouvoirs de l’Etat vers les 2régions anglophones suivant lemodèle canadien ou britannique,l’établissement d’une règle d’équitéentre les régions dans la dépense etl’investissement publics.Dites la vérité sur le fait que c’estle principe d’irresponsabilité quigouverne l’action publique. Depuisdes années, le pays contracte desdettes abyssales pour des projets qui
ne servent à rien, comme les 1 000milliards de FCFA dépensés dans lecadre de la CAN.

En parallèle, des projets d’uneimportance absolue sont l’objet depromesses répétées mais jamaistenues, comme les forages d’eau
potable dans l’Extrême-Nord promisdepuis 2011, le démarrage des activités du port de Kribi annoncé pour2014, la réalisation des barrages deLom-Pangar, Memvele et Mekin. Laliaison ferroviaire de Camrail entreDouala et Yaoundé n’est toujours pasrétablie, des années après la catastrophe d’Eséka en octobre 2016.Rien n’est fait pour prévenir les
catastrophes naturelles meurtrièresqui se multiplient, comme avecl’éboulement de terrain àBafoussam, avec la crise de l’eau
potable et l’épidémie de choléra dans
l’Extrême-Nord. La compagnieaérienne nationale, dont l’Etat est leseul actionnaire, est si mal géréequ’à notre honte à tous elle doit suspendre ses liaisons internationales.

L’autoroute Douala-Yaoundé est promise depuis 10 ans mais la phase 1n’est toujours pas achevée. Le Nordreste coupé du reste du pays, et dansle Nord même, pour aller de
Ngaoundéré à Maroua, il faut 10heures de route. Avec pour seuleréponse, une action gouvernementalequi hésite entre privatisations etnationalisations des ports, des services de l’électricité et de l’eau.
Dites que les erreurs sont acceptables mais que l’échec par incompétence obstinée, inertie, malhonnêtetédoit être sanctionné.
Dites la vérité sur le fait que letaux de croissance de 3 ou 4% denotre PIB que vante notre gouvernement ne veut rien dire si, comme lesouligne la Banque Africaine de
Développement, notre croissancen’est pas inclusive et échoue à créerde l’emploi et à développer notrecapital humain. Que le taux de chômage chez les jeunes est de plus de
50%. Que 8 millions de nos compatriotes, près de 40% de la population, vivent sous le seuil de pauvreté.
Que nos forêts et nos ressourcesnaturelles sont pillées de manièreanarchique.
Qu’il est urgent de mettre enplace un plan d’actions pour développer l’agriculture, l’industrie et lesservices. Que la lutte contre la sécheresse doit devenir une affaire d’Etat.
Dites la vérité sur le fait que leCameroun, dont la stabilité et laprospérité sont cruciales pour
l’Afrique Centrale et le Continent,pèse de moins en moins sur la scèneinternationale.
Que quand le pays apprend par lapresse le remplacement du FCFA parl’ECO dans 8 pays d’Afrique, il l’apprendra de la même manière pour cequi le concerne demain si rien n’est
fait pour reconstruire un leadership
régional, continental, international.
Dites la vérité, partout, sur tout.

Et puis ?
Et puis je pourrais vous inviter àaller plus loin. A accorder vos actespublics à vos convictions profondes.A vous battre pour faire adopter les
bonnes mesures, les bonnes lois. Avous assurer par votre contrôle del’action de l’Etat que ces mesures etces lois soient suivies d’effet. Aœuvrer pour une politique de décen-
tralisation effective, ancrée dans lesréalités locales, assise sur la commune comme niveau d’exécution etde responsabilité. A combattre l’instrumentalisation de notre justice, qui
prononce des condamnations politiques.

Mais je ne veux pas vous endemander plus que ce que peut unsimple prisonnier depuis sa cellule.

Mais, alors que je vous demandede dire la vérité, ce serait mentir deprétendre que l’Etat vous laisse unpouvoir réel d’agir sur la destinée dupays.
Mais dire la vérité sera déjà unacte d’extrême courage, d’extrêmeintégrité et d’extrême valeur. L’actequi va refonder le lien de confianceentre la Nation et sa représentation,
entre la Nation et les institutions,
entre la Nation et le politique.

Mais dire la vérité sera déjà un
pas décisif vers l’émergence de la
république que nous appelons tous de
nos vœux :

LA REPUBLIQUE SINCERE.
Le «froid silence» de 7Camerounais sur 10 lors de ces élections ne vous décharge pas de votre
responsabilité envers eux ; il l’alour-dit immensément.

MARAFA HAMIDOU YAYA

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