Brésil 2014. Philippe Zickgraf : « Un entraîneur qui termine avec 0pt, on l’a rarement vu rester en poste »

Mboafootball Lundi le 30 Juin 2014 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Véritable connaisseur du football africain et camerounais qu’il suit depuis plus de 30 ans, le journaliste en service à Radio France international (RFI) fait l’analyse sans complaisance de la débâcle du Cameroun. Il nous replonge dans les souvenirs des problèmes qui minent l’équipe nationale du Cameroun depuis plusieurs décennies.

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Le Cameroun est éliminé et on parle de plus en plus de la responsabilité de l’entraineur. Quelle est votre appréciation de cette situation ?

Il a été à Fribourg où il a fait un bon travail. Il est resté très longtemps dans le même club, comme Guy Roux à Auxerre. Après, dire que c’est un mauvais entraineur, peut être qu’il est tombé dans une mauvaise période. On peut également lui reprocher de ne n’avoir pas sélectionné certains joueurs et d’en avoir pris d’autres, d’avoir pris des joueurs pour une préparation qui n’étaient pas à 100% de leurs moyens. Est ce qu’on doit commencer un stage de préparation avec sur 30 joueurs 8 ou 9 joueurs qui sont blessés ? Qui sont en reprise ? Et après en mettre dans les 23 et arriver au Brésil avec 5 joueurs qui ne peuvent pas prétendre jouer le premier match parce qu’ils ne sont pas à 100%, avec Eto’o qui joue sur infiltration depuis deux mois qui était à 50 % de ses moyens même s’il a fait un très bon match contre l’Allemagne. Il ne faut pas l’oublier, mais il n’a joué qu’un seul match de préparation sur quatre. On peut dire l’entraineur, 0 point parce qu’il n’a pas pu s’adapter contre le Mexique face à un système de jeu qui a désorienté les joueurs dès le début.

Est-ce que tout bouleverser et faire venir un nouvel entraineur pour les éliminatoires de la Can c’est une panacée ? Est ce qu’il ne faut pas prendre un entraineur local ? Mais on va dire l’entraineur local ne voit pas jouer les joueurs en Europe et qu’il faut prendre un gars qui puisse aller les voir tout le temps. Est ce qu’en un mois et demi on va trouver quelqu’un qui va être opérationnel pour préparer l’équipe pour de difficiles éliminatoires de la Can ? Est-ce qu’il ne faut pas faire le pari de continuer avec Volker Finke ? Je ne sais pas. Je ne connais pas assez le cœur du problème pour le dire, mais un entraineur qui termine une Coupe du monde avec zéro point, on l’a rarement vu rester en poste.

On affirme également qu’il ne maitrise pas le vestiaire…

C’est çà qui est difficile. C’est une question de personnalité. Est ce qu’il a assez de personnalité pour avoir la main sur certains joueurs et leur parler d’options tactiques ? C’est peut-être là qu’il y a problème, pas sur ses connaissances techniques d’entraineur de football professionnel. C’est effectivement sur les relations entre lui et les personnalités du vestiaire, les Eto’o, Nkoulou, Stéphane Mbia. Maintenant est ce que les joueurs auront la parole pour le nouvel entraineur ? Est que la Fédération et le ministère des Sports auront la compétence pour dire que cet entraineur est mauvais on en prend un autre ou alors cet entraineur est bon et on le garde ? C’est vrai ! C’est une question à se poser. Mais pour le moment, Volker Finke est encore sous contrat, les éliminatoires de la Can arrivent très vite. Est ce qu’il faut tout casser ? Est ce qu’il faut mettre dix joueurs sur le flanc et en faire venir dix autres ? La Coupe d’Afrique arrive très vite, il va y avoir six journées ramassées en deux mois à partir du mois de septembre. Finke a été l’entraineur qui a qualifié l’équipe pour le mondial, même si c’est les joueurs qui qualifient sur le terrain, il a qualifié l’équipe même si cette victoire sur tapis vert contre le Togo a changé beaucoup de choses. Si le Cameroun avait perdu les trois points, peut être qu’on n’en serait pas là aujourd’hui. On peut toujours effectivement se poser des questions. C’est vrai que sur le plan du jeu, un entraineur est mis en cause lorsque son équipe ne joue pas bien, il n’y a pas que les joueurs. On n’a pas vu le Cameroun produire un jeu exceptionnel, sinon la première mi-temps du match contre le Brésil où ce n’était pas mal. Est-ce qu’il faut tout casser ? Je ne pense pas ! S’il n’y avait pas les éliminatoires de la Can, on aurait dit Ok. Mais là il y a les éliminatoires qui arrivent et il faut bien réfléchir car tout casser serait à mon avis une erreur.

Vous êtes un grand connaisseur du football africain et camerounais. De manière générale, qu’est ce qui explique la débâcle du Cameroun selon vous ?

D’abord un climat. Les joueurs disaient l’histoire de prime, la grève de l’entrainement n’allait pas nous perturber, mais il y a quelques jours, Stéphane Mbia avouait que çà les a perturbés. On ne peut pas faire une préparation comme çà, chaque fois la même chose. Ce qui m’a choqué, c’est après le match contre l’Allemagne. Je n’ai vu aucune équipe de Coupe du monde où les joueurs se séparent, rentrent en ordre dispersé, reviennent chez eux pour jouer un match amical et rester cinq jours sans s’entrainer. Ce n’est pas possible et on ne voit çà dans aucune équipe. Pourquoi on repart chez soi pour montrer le drapeau ? C’est vrai c’est honorable, mais çà ne sert à rien. On laisse les joueurs se disperser dans la nature entre la fin du stage de préparation et le départ pour le Brésil, je trouve çà d’une aberration totale. Ce n’est pas uniquement à cause de çà que le Cameroun n’a pas fait une grosse prestation en Coupe du monde, mais il y a çà, il y a l’histoire des primes, il y a la grève de l’entrainement, il y a le départ en retard, il y a des joueurs un peu blessés et qui ne peuvent pas jouer, comme Nyom, Salli, Nguemo qui font des entrainements à part, qui ne s’entrainent pas avec le groupe, ce n’est pas l’idéal. Tout çà fait qu’à l’arrivée, vous avez une équipe qui n’arrive pas à 100% pour son premier match. Après il y a peut être des tensions dans l’équipe, mais il y a des tensions dans toutes les équipes. C’est peut être plus exacerbé au Cameroun, je ne sais pas, mais tout çà explique peut être le fait que sur le terrain, les joueurs n’étaient pas extraordinaires.

Philippe Zigraf en compagnie de journalistes camerounais

C’est récurent avec cette équipe du Cameroun. En 2010 en Afrique du Sud, c’était pareil, en 2002, en 1994… Est ce que ce n’est pas aussi la faute à ceux qui gèrent ce football Cameroun depuis des décennies ?

Je ne sais pas car je ne vis pas çà de l’intérieur. On a effectivement, nous de l’extérieur, l’impression de que c’est le flou sur l’organisation entre la Fecafoot et le ministère des Sports. Les problèmes sont récurrents. Vous parlez de 2010 mais il y a eu 2002 avec cette histoire de départ trois jours après de France avec ce vol interminable de 36 heures pour aller au Japon alors que tout le monde met 12 heures pour y arriver, avec les escales imprévues parce qu’il y avait des problèmes de carburant, de logistique et que sais-je encore. Le problème des primes en 94 avec Bell qui ne joue pas le dernier match, il y a toujours les problèmes de primes et on se dit est ce que c’est la faute des joueurs, la faute des dirigeants, du ministère, de la Fecafoot. Chaque fois on repart à zéro. Est ce qu’il y a un problème de compétence de dirigeants ? Il faut se poser la question. Mais chaque fois, çà recommence. On prend des dirigeants qui sont différents, mais on retombe dans les mêmes travers, même en Can c’est la même chose. Je me souviens à la Can 98, ils ne voulaient pas jouer le match d’ouverture pour une histoire de primes et il a fallu que le ministre des Sports de l’époque [Joseph Owona, Ndlr] vienne la veille du match régler le problème de primes. J’avais discuté avec Rigobert Song à l’époque qui ne voulait pas jouer, ne voulait même pas s’entrainer pour une histoire de primes. Il y a plein de choses et on se demande quand allons-nous voir une équipe du Cameroun où on ne va parler que de terrain et pas des problèmes extra sportifs, parce que çà arrive sans arrêt. Il y a un tel potentiel de talents dans ce football camerounais, des joueurs qui jouent au pays, des joueurs qui jouent à l’étranger, il y a de quoi faire une super équipe comme en 90, comme en 2002, même si en 2002 sans tous ses problèmes, le Cameroun devait arriver au moins en quart de finale avec la génération de joueurs qui ont gagné la Can 2000, 2002. Il y a eu aussi ces problèmes, c’est récurrent et çà revient chaque fois. C’est fatiguant ! Après, est ce que c’est un problème de joueurs ? Eest ce que c’est une question de mentalité ? De dirigeants qui ne savent pas se tenir ? Çà fait partie d’un tout. Il va falloir un jour que le Cameroun se dise il faut arriver à la Coupe du monde et que tout soit réglé au niveau des primes, qu’il n’y ait plus de clans. Avec çà on arrivera à voir le Cameroun jouer les demi finales d’une Can au moins, avec les talents qu’il y a dans ce pays.

La succession de Volker Finke est de plus en plus évoquée et on parle d’Hervé Renard. Vous pensez qu’il peut faire l’affaire, lui qui connait l’Afrique ?

Il connait l’Afrique parce qu’il était entraineur adjoint au Ghana et qu’il a gagné la Can avec la Zambie. On parle d’Hervé Renard, on parle de Lechantre régulièrement, de Claude Leroy, c’est récurent. Dès qu’on vire un entraîneur, on rappelle les anciens qui ont fait gagner. Est ce que c’est bien de revenir Le Roy est revenu en 98 et le Cameroun n’a pas passé le premier tour du mondial en France. Est ce que c’est la panacée de faire venir l’entraineur qui connait l’équipe ? Je ne sais pas, Claude Le Roy, c’est un nom qui revient chaque fois. Il a fait des choses positives avec le Cameroun. Il connait bien le football africain, les joueurs respectent ce genre d’entraineur et il y a moins de problèmes. Ce serait une solution mais il est engagé avec le Congo Brazzaville, même si tout peut arriver dans le football. Il peut casser son contrat. Hervé renard çà peut être une piste. Pour l’instant, il n’a pas de club et il a dit qu’il aimerait revenir entrainer une sélection africaine, c’est un meneur d’hommes. On l’a vu avec Sochaux, il a failli sauver le club qui partait de loin. On a vu ce qu’il a fait avec la Zambie. Ce n’était pas évident, même si la Zambie était une des valeurs sûres du continent. Ils ont gagné la Can. Oui çà peut être une solution pour le Cameroun. Mais comme je disais, faire venir quelqu’un début juillet pour des éliminatoires de la Can, est ce que c’est une bonne solution ? Je ne sais pas. Il y a plein d’entraineurs qui vont pousser à la roue, il y a 50 qui vont être candidats pour venir car le Cameroun reste une sélection prestigieuse. Le nom Cameroun reste une valeur sûre, même après cette coupe du monde, même après celle de 2010, même après les problèmes au Maroc avec la grève des joueurs contre l’Algérie, et même après deux non qualifications pour la Can. Le Cameroun reste un nom en Afrique. Les grands entraineurs sont aussi tentés de venir entrainer le Cameroun. Mais bon…On verra.

Entretien mené par Guy Nsigué et Steve Djouguela à Brasilia (Brésil)


 

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