Cameroun - Santé. Manifestation: L'affaire Vanessa Tchatchou rattrape Paul Biya

Mutations Mercredi le 29 Février 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Des membres du Code ont fait irruption samedi à l’hôtel Intercontinental avec un cercueil pour réclamer justice au sujet du bébé volé.

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Il est 15h [samedi 25 février 2012, ndlr]. Deux membres du Code [Collectif des organisations  démocratiques et patriotiques de la diaspora camerounaise, ndlr] descendent, regardent à droite et à gauche. Puis font un grand signe de la main. Le véhicule rouge tourne, fait marche arrière, et pointe le derrière vers une sortie discrète. Les activistes font monter rapidement dans la banquette arrière un grand cercueil drapé dans un drapeau du Cameroun. Puis, c’est une poussette de bébé, et un grand sac. Brice Nitcheu et Moïse Essoh prennent place dans le véhicule rouge, qui démarre en vitesse, et se dirige vers l’hôtel Intercontinental [où séjourne Paul Biya depuis le 31 janvier dernier, ndlr], suivi de près par un autre véhicule qui transporte deux autres activistes, dont une femme. 15h20.
Les véhicules se garent discrètement sur un parking en face de l’hôtel (…).
D’un pas décisif, l’air grave, Nitcheu sort du véhicule et s’empare de la poussette. Il se dirige vers l’entrée de l’hôtel, suivi de près par son compagnon Moïse Essoh. Un agent de la sécurité, ignorant qu’un scandale se noue ainsi, leur ouvre le grand portail, croyant avoir affaire aux clients de l’hôtel. Les  leaders du Code sont maintenant à l’intérieur, dans le grand hall où se trouve la réception. C’est vers là qu’ils se dirigent. Devant les réceptionnistes médusés, Nitcheu sort un sévère réquisitoire contre l’hôtel Intercontinental, qu’il accuse de recel de biens sociaux, et exige qu’on demande à Paul Biya de venir remettre l’enfant de Vanessa. Pendant ce temps, Dr Essoh sort du sac des posters géants, ou on peut lire : « Paul Biya passe 274 jours à l’Intercontinental, 111 jours au Cameroun, et combien de milliards volés au peuple camerounais » « Paul Biya, ou est l’enfant de Vanessa ? » « Enoh Meyomesse, prisonnier politique au Cameroun. Libérez-le tout de suite » «  Paul Eric Kingue, victime de la Françafrique», etc. La panique s’installe. Toute la scène est filmée par une activiste, à qui la direction de l’hôtel, paniquée, tentera de faire confisquer la caméra par la force.
La scène de la réception ne va pas durer. Les agents de la garde rapprochée de Paul Biya, qui buvaient dans le bar de l’hôtel, ont repéré les trouble-fêtes et courent vers la sécurité de l’hôtel pour exiger que la camera qui filme soit confisquée. «Aucune image ne doit sortir d’ici » peut-on entendre un garde de Paul Biya crier. La bagarre pour le contrôle de la camera entre la sécurité de l’hôtel et les activistes se termine en faveur de ces derniers. Dans le hall, c’est un vacarme infernal. Les clients qui vont et viennent regardent, ahuris, la scène. Essoh tente de leur distribuer des posters.
Un responsable de l’hôtel les arrache et les déchire.  C’est à ce moment que la directrice de l’hôtel descend et intime l’ordre aux deux leaders de se mettre dehors. Nitcheu déclare que ce sera après Paul Biya. Elle sort son téléphone portable et appelle la police, avec un ton qui frise l’hystérie.  Alors qu’une demi-douzaine d’agents de l’hôtel tentait en vain de faire sortir Essoh et Nitcheu, se déroule à l’extérieur une scène pour le moins cocasse.
Emmanuel Kemta, qui attendait en retrait  dans la voiture, débarque devant l’hôtel avec un grand cercueil aux couleurs nationales [vert, rouge et jaune, ndlr]. Le timing est parfaitement agencé. On voit des clients et des passants curieux, s’esquiver de tous les cotés. Kemta se pointe à l’entrée. Les agents de la sécurité hésitent et ne savent quoi faire. On peut lire, sur le cercueil la mention «Pour les 150 morts tués en février 2008 par Paul Biya ». Les clients qui arrivent préfèrent rester dans leurs voitures, essayant de comprendre ce qu’ils voient. Un cercueil à l’entrée de l’un des plus prestigieux hôtels du monde, c’est inédit. Un responsable de l’hôtel se jette sur le porteur du cercueil et tente de le détruire. Nitcheu et Essoh sortent et interviennent. A l’intérieur, les agents de la garde rapprochée de Paul Biya ont les nerfs à fleur de peau, et font des va-et-vient, téléphones, portables collés aux oreilles. Simultanément, 4 cars de police arrivent en trombe.
Puis, c’est au tour des cars de la police anti-émeute, enfin, des agents de la Cellule anti-terroriste de Genève. Au total, il y a 8 cars de police, 18 policiers, dont certains en tenue civile. Au moment ils arrivent, les agents de l’hôtel tentent de repousser les activistes. Ceux-ci résistent et insistent pour que Paul Biya descende récupérer le cercueil. C’est une scène de bagarre qui s’engage. La police a juste le temps d’intervenir pour séparer les deux parties. Un cordon de la police prend place entre les activistes d’un coté, et les agents de l’hôtel de l’autre. Au sixième étage de l’hôtel, on voit très bien des rideaux qui s’ouvrent et se referment de temps à autre. « Voila la suite où réside le dictateur », lance Emmanuel Kemta, toujours son cercueil en main, en pointant du doigt. Les policiers isolent Brice Nitcheu et lui déclarent qu’ils ont été informés, probablement par les hommes de Paul Biya postés à l’intérieur, qu’il est le meneur, et qu’il est en état d’arrestation pour délit de manifestation publique non autorisée et violation d’un espace commercial privé. Dr Essoh insiste pour que la police l’inculpe également.
Par la suite, tous les activistes sont identifiés minutieusement. Les deux leaders expliquent les raisons de leurs actions aux policiers, qui écoutent en prenant des notes. Les activistes accusent la police de « protégez un dictateur, qui protège les voleuses de bébé », en brandissant le grand poster de Vanessa Tchatchou où on peut lire, « Vanessa, tiens bon ! »,  mais ces derniers s’en défendent. Apres plus de 40 minutes de conciliabules, les deux leaders du Code s’en sortent avec une amende, dont le montant sera déterminé ultérieurement selon la police. «Nous attentons les contraventions », déclare Nitcheu. «Nous allons les envoyer à Paul Biya, résidant permanent du sixième étage de l’Intercontinental et il se chargera de payer ». « La prochaine fois que vous viendrez manifester sans autorisation, vous serez simplement interdits de séjour en Suisse », menacent les policiers. «Celui qui devrait être interdit de séjour en Suisse s’appelle Paul Biya», rétorque Moïse Essoh, qui a déjà repris la poussette.
Kemta dépose le cercueil non loin. Les activistes quittent les lieux, laissant derrière eux les policiers et de petits groupes de clients de l’hôtel et de passants qui se sont formés pour voir la scène. A l’intérieur, les agents de la sécurité de Paul Biya fulminent. Ils ont insisté auprès de la directrice de l’hôtel pour que les activistes du Code soient arrêtés. En vain.

Patrick Noubissi (Correspondance particulière)

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